Le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Réforme agraire d’Afrique du Sud aide les personnes (ou leurs descendants) qui ont été exclues de l'économie agricole formelle en raison de leur couleur de peau et qui ont récemment commencé à s'engager dans l'agriculture commerciale avec le soutien et l'assistance de l'État. Ce vaste programme est mis en œuvre par le biais du programme de réforme agraire, dans le cadre duquel des fonds de recapitalisation et de développement (Recap) sont utilisés pour aider les bénéficiaires de la réforme agraire à créer des entreprises viables.
Toutefois, ce programme reste axé sur des modèles traditionnels de systèmes de culture et d'élevage. Le consortium de chercheurs rassemblé par l'institut SANBI suggère que le programme de réforme agraire gagnerait à intégrer le paradigme des services écosystémiques pour aider à réduire les inégalités et accroître les avantages du transfert de terres de manière plus holistique (Clements et al. 2021). Le consortium de recherche travaille à intégrer le développement des entreprises du secteur de l'économie de la faune et de la flore dans le champ d'investissement du programme Recap.
Plus spécifiquement, le projet de recherche s’intéresse à l’économie de la faune (wildlife economy), qui peut être définie comme l’élevage et l’utilisation commerciale d’animaux sauvages pour la chasse, la vente de la viande de gibier, d’animaux vivants ou l’écotourisme. Cette activité économique peut constituer une interface entre conservation et agriculture mais, bien qu’ancrée depuis de nombreuses années en Afrique du Sud, elle demeure peu étudiée. Dès lors, les décideurs publics manquent de données sur le fonctionnement de cette économie de la faune ainsi que sur ses impacts socio-économiques et environnementaux.
Le développement de connaissances et d’outils d’aide à la décision sur cette économie de la faune, avec l’appui du programme de recherche Ecopronat, constitue donc une opportunité de meilleure gestion des terres agricoles et des écosystèmes naturels au profit des bénéficiaires du programme de réforme agraire. La méthodologie d’enquête et les enseignements en Afrique du Sud seront utilisés pour des échanges avec les autorités kenyanes, qui mènent également des études sur le rôle de l’économie de la faune sauvage dans ce pays.
Ce projet fait partie du programme de recherche Ecopronat, qui soutient des recherches en faveur d'une meilleure prise en compte et d'une plus grande intégration (mainstreaming) de la biodiversité dans des secteurs économiques-clés.
Ce projet de recherche a pour objectif de soutenir, à long terme, l’élaboration de politiques agricoles durables en Afrique et le développement de la recherche sur l’économie de la faune en Afrique du Sud et au Kenya. A travers ses travaux, le consortium de chercheurs mobilisés vise à produire des connaissances et des outils pour enclencher une transition à grande échelle : passer d’une utilisation des terres qui dégrade les écosystèmes à des entreprises d’élevage d’animaux sauvages rentables qui restaurent le capital naturel, créent des emplois et catalysent les investissements pour étendre les domaines de conservation.
Pour cela, le projet vise à :
- Développer les connaissances fondamentales sur l’économie de la faune pour faciliter son intégration dans les politiques publiques agricoles et dans les politiques publiques de biodiversité (production de données sur les modèles d’exploitation, leur viabilité, les besoins en matière d’investissement et de développement des compétences, etc.) ;
- Co-produire des outils d’aide à la décision permettant aux acteurs locaux, entreprises et pouvoirs publics d’adapter leurs politiques et investissements et de créer un impact systémique ;
- Créer une communauté de pratiques régionale pour renforcer les capacités de recherche au Sud et le développement de l’économie des espèces sauvages. Deux étudiants de master sont notamment mobilisés sur ce projet, mené par SANBI en partenariat notamment avec les universités sud-africaines de Rhodes, Stellenbosch et Nelson Mandela.
Ce projet de recherche repose sur la construction participative de connaissances (à travers notamment des ateliers de formation) et le développement de méthodes d’enquête permettant de recueillir des données sociales, économiques et écologiques. Ces informations sont utilisées pour produire des outils d’aide à la décision par le biais d’analyses statistiques et de visualisation de données. Un outil de sélection géospatiale est notamment développé dans le cadre du projet afin d’identifier les actions et investissements à entreprendre.
La méthodologie consiste à collecter des données auprès des entreprises d'élevage d'animaux sauvages établies en Afrique du Sud et au Kenya, sur les contributions de l'industrie de la faune sauvage à la biodiversité, à la restauration des terres et au développement socio-économique. L’équipe convertira ces informations de manière à les rendre plus accessibles par le biais d'analyses statistiques et de visualisation des données, puis établira des outils d'aide à la décision pour aider les nouveaux agriculteurs émergents à créer des entreprises dans l'économie de la faune et de la flore sauvages et à étendre ainsi le domaine de l'élevage de la faune et de la flore sauvages.
Les résultats attendus sont les suivants :
- Identification de modèles économiques viables pour les entreprises de l’économie de la faune et de la flore sauvages ;
- Quantification de l’investissement des éleveurs d’animaux sauvages dans la restauration des terres pour l’élaboration de comptes et d’indicateurs nationaux du capital naturel ;
- Développement de couches de données géospatiales pour faciliter la planification intégrée de l’utilisation des terres ;
- Mobilisation des connaissances produites par ce projet pour analyser et effectuer des investissements permettant l'expansion des entreprises de la faune sauvage ;
- Elaboration d’une norme de certification de l’économie durable de la faune ;
- Production d’une méthodologie d’enquête en libre accès et d’un programme de formation pour les partenaires.
Les premiers résultats de ce projet de recherche seront présentés le 6 mars 2024 à l'occasion d'un webinaire "Conversation de recherche" (en anglais)
Les premiers retours tirés de ce projet de recherche mettent en avant la plus grande résilience des systèmes d’élevage diversifiés de faune sauvage et d’animaux domestiques face aux chocs économiques extérieurs (par exemple liés à la pandémie de Covid-19) par rapport aux élevages classiques (issus de l’agriculture conventionnelle) et aux aires protégées. Cette capacité d’adaptation permet d'envisager de nouveaux modèles économiques.
Lire le papier de recherche : Lessons from COVID-19 for wildlife ranching in a changing world (en anglais)
Contact :
- Julien Calas, chargé de recherche à l’AFD
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