Les acteurs publics ont besoin de suivre l’état de l’environnement afin d’évaluer l’efficacité de leurs actions, prioriser des politiques publiques et mesures de gestion, et établir ainsi de manière objective la façon dont elles contribuent à la conservation du capital naturel. Ils doivent pour cela pouvoir s’appuyer sur des standards scientifiques leur permettant de définir les seuils à partir desquels les fonctions environnementales peuvent être considérées comme soutenables.
Développé dans cette optique, l’ESGAP (Environmental Sustainability Gap) est un outil innovant qui évalue l’état des fonctions environnementales d’un territoire et de leur niveau de soutenabilité. Pour toutes les composantes critiques du capital naturel sur le territoire concerné (qualité de l’air ou des eaux, pollutions, ressources forestières, halieutiques, etc.), cet indicateur calcule l'écart entre leur état actuel et un état qui serait soutenable (c'est-à-dire un état compatible avec un fonctionnement durable des processus nécessaires à la préservation de la vie, des activités humaines et du bien-être). Cela permet de calculer un « écart de soutenabilité environnementale », qui met en lumière le chemin à parcourir pour atteindre le stade de soutenabilité environnementale. Cela peut ensuite servir de guide aux politiques publiques pour estimer et préserver les fonctions critiques du capital naturel d’un territoire donné. L’ESGAP a déjà été testé en Nouvelle-Calédonie, au Kenya et au Vietnam.
Ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre du programme de recherche ECOPRONAT, via lequel l'AFD souhaite développer des méthodologies de d’évaluation de soutenabilité forte, c’est-à-dire adoptant des critères exigeants concernant la non-substituabilité du capital naturel par d’autres formes de capital (physique entre autres) dans un territoire ou un pays. L’AFD souhaite par ailleurs promouvoir leur utilisation dans les cadres internationaux et contribuer aux normes internationales en cours d’émergence sur le bon état écologique des écosystèmes.
S’appuyant sur les travaux antérieurs de l’University College London (UCL) sur l’application de l’ESGAP dans les pays du Sud, ce projet mené par l'UCL vise à mettre en œuvre le cadre ESGAP en Colombie et en Afrique du Sud et à tester la pertinence de celui-ci pour susciter un dialogue de politiques publiques, dans deux pays en développement disposant déjà d’un cadre règlementaire et d’un pilotage des ressources naturelles, mais où toutes les données sur notamment la biodiversité ne sont pas toujours disponibles.
Quatre objectifs principaux sont poursuivis :
- Développer les composantes ESGAP relatives à la biodiversité et à l'état des écosystèmes qui pourraient être utilisés par les gouvernements colombien et sud-africain, et promouvoir l’utilisation d’objectifs de maintien des écosystèmes fondés sur la science ;
- Promouvoir la réflexion sur la soutenabilité forte en Colombie et en Afrique du Sud par le biais du cadre ESGAP en évaluant si les activités opérées dans ces pays se situent dans la « zone d’activité sécurisée pour la vie humaine » (safe operating space for humanity) ;
- Clarifier de quelle manière le cadre ESGAP s'aligne, complète et apporte une valeur ajoutée aux autres types d’indicateurs de durabilité existants et que les gouvernements nationaux utilisent déjà ;
- Renforcer la capacité des pays partenaires à mettre en œuvre le cadre ESGAP au-delà des activités du projet de recherche.
Le cadre ESGAP repose sur un tableau de bord renseignant les évolutions de l’état fonctionnel de 23 composantes de l’environnement, en mettant l’accent sur les écarts qui existent entre ces évolutions et les objectifs de maintien ou d’atteinte d’un « bon état écologique ». Ces composantes couvrent les 4 grandes catégories de fonctions environnementales critiques et essentielles : la fourniture de ressources, le retraitement des pollutions, la biodiversité et la santé humaine. Les scores des vingt-trois composantes sont ensuite agrégés pour former un indicateur synthétique et un indicateur de dynamique.
La recherche dans les pays pilotes est menée par des chercheurs implantés au sein de l’Université Stellenbosch en Afrique du Sud et de l’Université nationale de Colombie.
Le renforcement des capacités comprendra la formation de quatre étudiants de troisième cycle et la sensibilisation des décideurs politiques et des autres parties prenantes pour leur permettre de s’approprier et d'utiliser l'ESGAP pour la formulation de politiques publiques.
Les équipes de recherche produiront des articles scientifiques sur la relation entre le cadre ESGAP et d'autres initiatives d’indicateurs de durabilité, ainsi que sur le travail et les calculs des indicateurs ESGAP effectués dans chacun des pays, en comparant les cas de la Colombie et de l’Afrique du Sud. Un rapport spécifique sera produit sur les indicateurs de l'état de la biodiversité et des écosystèmes ainsi que l’identification des sources de données pour les deux pays étudiés.
Il est prévu qu’un webinaire de recherche présente également les résultats des articles à la communauté scientifique à la fin du projet. De plus, un atelier international sera organisé pour présenter les complémentarités entre le cadre ESGAP et les initiatives pertinentes d'indicateurs de durabilité existantes.
Enfin, l’équipe de recherche entend produire plusieurs documents destinés aux décideurs et aux acteurs des politiques publiques :
- Un résumé de l'examen des indicateurs de la biodiversité et de l'état des écosystèmes, qui pourra être utile aux négociations se tenant lors des conférences des parties (COP) à la convention sur la diversité biologique (CDB) et pour la conception des stratégies et plans d'action nationaux pour la biodiversité (SPANB) ;
- Un webinaire assorti d’un rapport de webinaire sur la relation entre le cadre ESGAP et d'autres initiatives internationales de reporting sur la durabilité ;
- Un résumé pour les décideurs de chaque pays partenaire sur la raison d'être de l’approche du développement en soutenabilité forte et sur la méthodologie et les indices ESGAP qui permettent de la mettre en œuvre.
Contact :
- Oskar Lecuyer, chargé de recherche à l'AFD
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