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Bandeau Niayes 2040
Que peut apporter la science à la vision que les populations ont de l’évolution de leur territoire ? Ce projet a appliqué une méthode participative de réflexion sur les futurs plausibles d’une petite région rurale du Sénégal, celle des Niayes, à partir de scénarios définis par sa population. La démarche a montré que la combinaison de modélisation scientifique et de mise en situation par des jeux de rôles permet d’affiner la compréhension des dynamiques futures du territoire.
Contexte

Les régions sahéliennes d’Afrique de l’Ouest font aujourd’hui face à des changements qui interrogent sur l’avenir de ces territoires et de leurs populations : croissance démographique, changement climatique, recul de la végétation naturelle au profit des parcelles de cultures, érosion et baisse de la fertilité des sols, investissements à grande échelle, migrations, expansions urbaines, conflits armés…

Caractérisée par une importante activité maraîchère orientée vers la capitale proche, la région des Niayes au Sénégal apparaît comme une zone qui cristallise nombre de ces problématiques : elle connaît un grignotage rapide des terres agricoles lié à l’étalement urbain et l’installation d’industries minières, ainsi qu’une intensification de la production agricole conduisant, en particulier, à des prélèvements d’eaux souterraines jugés non durables. 

Le devenir des Niayes soulève donc de nombreuses questions et est donc devenu une préoccupation du gouvernement du Sénégal, qui l’a citée dans sa contribution déterminée au niveau national (CDN) élaborée pour la COP21. 

Objectifs

Cette étude prospective visait à fournir des éléments de réflexion sur les futurs plausibles qui s’offrent à cette région et les différentes mesures d’aménagement qui pourraient être prises, en donnant une large place aux acteurs locaux dans le processus. Il s’agissait, dans une logique participative, d’associer les différents acteurs des Niayes à la définition de scénarios d’évolution du territoire à l’horizon 2040, puis de mettre en débat les résultats, notamment pour approfondir les actions nécessaires à l’atteinte d’un futur souhaitable pour les participants. 

Méthode

L’étude s’est fondée sur la co-élaboration, avec les acteurs locaux, de plusieurs « scénarios exploratoires » pour la région des Niayes à l’horizon 2040. Un scénario exploratoire est une combinaison de variables permettant de décrire l’avenir possible d’un territoire – par exemple, un réchauffement climatique combiné avec une hausse démographique, une évolution des prix agricoles et l’application d’une politique d’aménagement. Plusieurs scénarios exploratoires permettent ainsi d’explorer l’éventail des possibles à moyen/long terme. Ces scénarios ont ensuite été présentés et débattus collectivement lors de restitutions. 

Cette approche par scénarios exploratoires qualitatifs a été couplée à l’élaboration de modules quantitatifs, composés d’indicateurs économiques, agronomiques et écologiques : performance des exploitations agricoles (production, revenus, emplois), dynamique de l’occupation des sols, bilan hydrique incluant les eaux de la nappe phréatique. Ces modules ont ensuite été rassemblés dans un modèle spatial global, afin de pouvoir simuler les scénarios exploratoires. Pour cela, les valeurs des différents paramètres du modèle ont été choisies de manière à reproduire les narratifs des scénarios, conduisant ainsi à un jeu de valeurs de paramètres pour chaque scénario.
 

Résultats

Le travail de prospective territoriale a débouché sur la co-construction de 6 scénarios exploratoires quantitatifs, contrastés et plausibles, décrivant comment pourrait être la zone des Niayes à l’horizon 2040 :

  • « Co-Niayes » : en 2040, les Niayes sont devenues une région prospère où espaces ruraux et urbains cohabitent avec une population cosmopolite épanouie, une économie fructueuse, une société civile organisée et consultée pour les décisions. Les sols sont fertiles, et les exploitations familiales produisent une alimentation de qualité en collaboration avec les sociétés et l’agriculture patronale. 
  • « Les EcoVillages » : en 2040 dans les Niayes, la population est répartie au sein d’éco-villages, et vit en harmonie avec les ressources naturelles qui sont bien conservée. Il n’y a aucune industrie minière. La société civile et les organisations de producteurs ont un poids incontournable dans les décisions publiques et la population accède aisément aux services sociaux de base. Les agriculteurs et les agro-industries travaillent ensemble à satisfaire la demande importante en produits agricoles bio. 
  • « Les Niayes touristiques » : en 2040 les Niayes se sont reconverties à l’activité touristique. Après concertation entre les décideurs et la population, la zone est devenue une réserve naturelle destinée aux touristes. Les ressources naturelles sont donc respectées et protégées. Les populations consomment des produits locaux et sont en bonne santé. 
  • « La ville verte auto-gérée » : en 2040, les Niayes sont devenues une grande ville verte où les populations s’autogèrent. L’agriculture est robotisée avec des producteurs spécialisés et bien formés. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont très développées. Les infrastructures sont gérées par des privés et l’accès aux services est très inégalitaire.
  • « SOS Niayes » : en 2040, les Niayes sont recouvertes de bidonvilles. L’Etat ne prend aucune décision et les trafics de produits illicites se développent. Les agro-industries gagnent du terrain face aux petites exploitations familiales. Cette situation critique conduit à l’émergence de maladies qui déciment une partie de la population. La dégradation de l’environnement s’est accentuée, entrainant une disparition totale de l’agriculture, et laissant place à l’implantation anarchique des industries minières. 
  • « Zone minée » : en 2040, dans les Niayes, suite à une négociation avec l’Etat, un conglomérat de compagnies minières a pris possession de la majeure partie des terres. Elle a un accès exclusif aux ressources. L’agriculture a disparu et les populations ont quitté la zone. L’extraction se fait de façon entièrement robotisée et les produits sont destinés aux marchés nationaux et internationaux. Une grande zone portuaire permet l’exportation des produits miniers.

Ces 6 scénarios exploratoires ont donné lieu à la production d’un film d’animation les présentant et permettant d’animer une vingtaine de débats sur le futur des Niayes : 


Certaines actions déterminantes pour infléchir la trajectoire du territoire ont pu être approfondies lors d’une série d’ateliers de jeux de plateaux conduits avec les agriculteurs de la zone et des agents du ministère de l’Eau. Ces ateliers ont permis d’identifier certaines pratiques et règles sociales pour mieux préserver la nappe phréatique et l’équité d’accès à l’eau.

Le modèle spatial des dynamiques des Niayes, qui intègre les différents indicateurs permettant de simuler les scénarios élaborés, permet quant à lui d’estimer les niveaux plausibles de la nappe phréatique, de l’étalement urbain, de l’étalement de l’espace irrigué, des productions agricoles, des recettes agricoles et des emplois. Le modèle a été calibré et vérifié, puis des simulations ont été réalisées en fonction de différents scénarios climatiques et démographiques, et de différentes actions tirées des scénarios exploratoires et du jeu de rôle. 

Enseignements

Outre les connaissances sur les différents futurs possibles de la région des Niayes, ce travail illustre l’intérêt de coupler les outils quantitatifs et qualitatifs pour la prospective territoriale, en permettant d’un côté une créativité et une richesse d’exploration des futurs, et de l’autre une vérification de la cohérence interne des narratifs suggérés par les populations locales. Une innovation a été d’utiliser un jeu de rôle pour identifier les conflits d’intérêt et approfondir, par exemple, les règles de partage de l’eau. 

Malgré les limites du modèle, un résultat important de ce travail a été de montrer la complémentarité entre l’approche qualitative et quantitative, en mettant en évidence des erreurs de jugements par exemple sur l’impact de l’activité minière ou de l’agriculture sur les volumes d’eau extraits. 


Pour en savoir plus :

01/12/2018
Date de début du projet
31/05/2022
Date de fin du projet
Région des Niayes
Localisation
50 000
EUR
Montant du financement

Contact :