Développée par l’ONG mexicaine Cobi et les pêcheurs concernés, une nouvelle application pour smartphones permet à ces derniers de recenser et de surveiller les populations d’oiseaux, de mammifères marins, de poissons et de crustacés. Une innovation soutenue par le FFEM et l’AFD, alors que Brest accueille du 9 au 11 février le One Ocean Summit, le sommet international consacré à la préservation des océans.
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C’est l’un des 17 pays dans le monde que l’on qualifie de « méga-divers » tant sa biodiversité est riche… Le Mexique abriterait près de 12 % des espèces mondiales. Alors que la croissance économique est forte, la population du pays nombreuse (130 millions d’habitants), la question de la préservation de l’environnement s'y révèle déterminante.
La pollution et la surexploitation des ressources naturelles bouleversent les écosystèmes. Dans ce contexte, le pays a créé des aires naturelles protégées dont la Réserve maritime naturelle de Cabo Pulmo dans le golfe de Californie, surnommée « l’aquarium du monde » par le commandant Jacques Cousteau.
Très présente au nord-ouest du pays, l’ONG mexicaine Comunidad y Biodiversidad (Cobi) promeut la conservation marine et la gestion durable des pêches en travaillant en partenariat avec les communautés. Dans cette région, on recense pas moins de 2 500 espèces d’invertébrés, de requins, raies, poissons, tortues, oiseaux et autres mammifères marins. L’ONG a mis au point le programme intitulé « Innovation bleue pour la pêche au Mexique », permettant de mesurer l’état des ressources halieutiques ; ce programme comprend notamment un outil numérique.
Le renouvellement des espèces
L’application PESCADATA a été mise au point par Cobi. Cet outil collaboratif, gratuit et en espagnol, a été conçu par des pêcheurs et s’adresse à eux. Il permet le suivi et la gestion des pêches et de « solutions » à travers une plateforme mettant en lien les pêcheurs entre eux.
La mer et les océans n’étant pas inépuisables, le développement d’une pêche dite durable apparaît incontournable. « Ce projet veut répondre aux prélèvements excessifs lors de la pêche du fait de son industrialisation. Il est également nécessaire de lutter contre la pêche non sélective », indique Arnaud Dauphin, directeur-adjoint de l’agence de l’Agence française de développement (AFD) au Mexique. Le projet doit aboutir à la sanctuarisation de certaines zones de pêche selon les périodes de l’année.
Le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) cofinance à hauteur de 50 % ce projet soutenu par l’AFD. Les 50 % restants sont financés par Cobi à travers des soutiens philanthropiques – le coût total du projet s'élevant à 2,4 millions d’euros.
Sensibiliser les communautés indigènes
Sur place, d’importantes communautés indigènes vivent de la pêche. Pour répondre à l’épuisement des ressources halieutiques dans le golfe, l’introduction de quotas apparaît essentielle. Reste à mener un travail de sensibilisation auprès des communautés concernées.
Ce travail passe notamment par les femmes puisque bon nombre d’entre elles sont des patronnes-pêcheuses. « Il s’agit d’introduire une réflexion à long terme », complète Arnaud Dauphin. En effet, la pêche aux crabes est souvent exercée avec des filets particulièrement fins qui ne ramassent pas seulement des crabes mais aussi des tortues, requins-marteaux et autres espèces protégées.
Le projet propose une alphabétisation numérique autour des écosystèmes marins, des espèces protégées et de la gestion des ressources ; il prévoit également une formation des usagers à PESCADATA.
L’application vise donc à faire de chaque pêcheur un vigile de l’espace maritime. « Ce projet tend à développer l’esprit collectif afin de préserver le mode de vie des communautés », souligne le responsable. Plusieurs centaines de pêcheurs utilisent déjà PESCADATA.
Renouer les liens entre politiques et populations
Les zones de pêche protégées existent depuis plusieurs années au Mexique mais elles ne sont pas toujours respectées. Dans le golfe de Californie, les stocks de poissons ont chuté. Le projet, qui court sur quatre ans, vise à faire comprendre aux pêcheurs l’intérêt de respecter ces zones, tout en les aidant à poursuivre leur activité principale, nécessaire pour leur économie et leur alimentation, dans de meilleures conditions.
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Autrement dit, sensibiliser plutôt que réprimer. L’association Cobi travaille en lien étroit avec les autorités fédérales. Les relations entre ces dernières et les populations pouvant être difficiles, Cobi intervient comme un intermédiaire afin d’appuyer les politiques publiques relatives au développement durable en s’adaptant aux besoins des communautés.
Si à ce jour seule la côte pacifique est concernée par ce projet, la côte caribéenne pourrait à terme profiter de cette application. En 2021, une campagne a d’ailleurs été lancée par l’ONG pour promouvoir l’utilisation de l’application dans l’ensemble du pays, le but étant d’atteindre à terme 80 % d’utilisateurs parmi les 300 000 pêcheurs estimés que compte le Mexique.