La pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine ont mis au jour la vulnérabilité de nombreuses économies africaines. Du fait de leur dépendance vis-à-vis des matières premières, elles ont subi les flambées des prix qui ont ébranlé les marchés mondiaux ces derniers mois, tandis que le manque d’outils ou d’« instruments d’atténuation », comme l’assurance ou le crédit, rendait la situation économique du continent encore plus précaire.
La conférence de recherche qui a ouvert le sommet Finance en commun (FiCS) 2022 a cherché à savoir comment les banques de développement africaines pourraient faciliter la sortie des pays du marasme financier croissant.
Récemment, cette question avait déjà été abordée en détail dans un article de Florian Léon, chercheur à la Fondation pour les études et la recherche sur le développement international (Ferdi). Intitulée « Public bank lending in Africa in times of crisis » (Prêts consentis par les banques publiques en Afrique en temps de crise), son étude examine les activités des banques publiques opérant dans huit pays d’Afrique de l’Ouest sur la période 2000-2019.
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Ne pas cesser d’investir, même quand les temps sont durs
Après avoir étudié les données concernant 112 banques, dont 24 banques publiques, qui jouent un rôle important au Mali, au Togo et au Niger, Florian Léon est parvenu à la conclusion que les banques publiques et privées adoptaient le même comportement en période de crise, réduisant quelque peu leurs activités. Mais si, pour le secteur bancaire privé, cette réduction d’activité s’accentue après une crise, les banques publiques, elles, ont tendance à maintenir leurs activités de prêt. Et cette tendance est plus prononcée dans les banques dont la majorité du capital est détenue par l’État.
« Le rôle des banques publiques de développement est important car elles fournissent des liquidités aux entreprises après une crise, là où les banques privées doivent restreindre leurs prêts pour rétablir leur santé financière et absorber les pertes », explique Florian Léon. Or, c’est précisément au lendemain d’une crise que le soutien des banques est nécessaire. « Au moment d’une reprise, l’accès aux fonds est crucial pour effacer rapidement les effets du choc. »
À l’heure actuelle, les conclusions de cette étude ont une résonance particulière, alors que des pays tentent de faire face aux nombreuses ramifications de la pandémie. Certains pays, en particulier en Afrique et en Asie, auront besoin de davantage de soutien. Or, les banques publiques de développement sont bien placées pour l’assurer, en particulier sous la forme de prêts accordés aux petites et moyennes entreprises, dans le but de stimuler l’activité économique.
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Diverses raisons peuvent expliquer pourquoi les BPD continuent d’accorder des prêts au lendemain d’une crise :
- Leur mission : les banques publiques ont toutes pour mission de stabiliser l’activité économique. Elles augmentent souvent leurs lignes de crédit en période de récession, même si cela implique une prise de risque plus importante.
- Stabilité relative : généralement, les ressources des banques publiques sont plus stables car elles bénéficient d’une garantie de l’État. Les banques peuvent s’appuyer principalement sur leurs propres ressources ou sur des emprunts contractés sur les marchés financiers.
- Leur rôle : les prêts des banques publiques prennent principalement la forme de prêts à long terme accordés aux entreprises.
- Contexte politique : les prêts des banques publiques sont parfois moins sensibles à l’évolution macroéconomique qu’aux calendriers politiques. Les décisions de prêt peuvent être motivées par des considérations politiques et être expansionnistes, les dirigeants politiques s’efforçant de stimuler l’activité économique.
Aider les États à faire face
Partout en Afrique, les banques publiques de développement sont des actrices potentiellement cruciales, étant donné que le continent est fortement exposé aux chocs extérieurs et qu’il ne dispose que de peu de moyens pour les atténuer.
« Les États africains ont peu d’outils à disposition, du fait de leur difficulté à mobiliser des ressources fiscales, conclut Florian Léon dans son étude. Les banques publiques constituent un instrument utile du fait de leur capacité à mobiliser leurs propres ressources et de leur importance sur les marchés financiers bancaires. »
Leur importance est amenée à devenir de plus en plus évidente alors que les crises liées au changement climatique vont se multiplier et que les gouvernements ne seront plus en mesure d’y faire face seuls. « Les banques publiques bénéficient de certains avantages, comme leur mission, leurs ressources et leur vision à long terme, explique Florian Léon. Elles sont capables de mobiliser des capitaux afin de réaliser les investissements à long terme nécessaires au renforcement des économies. Leur rôle futur, notamment en Afrique, consistera non seulement à aider les pays à faire face aux chocs, mais aussi à réduire les vulnérabilités structurelles. »