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Au Cambodge, un long combat contre les inégalités de genre
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La célébration des 80 ans de l’AFD au Cambodge a été l’occasion d’inaugurer l’exposition « Women’s Voices », qui réunit les témoignages de 13 femmes cambodgiennes inspirantes impliquées dans les projets soutenus par le groupe Agence française de développement.
Cela fait huit décennies que l’Agence française de développement (AFD) accompagne les pays en développement, et bientôt trois qu’elle est active au Cambodge. Cet anniversaire, à Paris comme dans tout le réseau, a été l’occasion de se tourner vers l’avenir et de se questionner sur le monde que nous voulons construire d’ici à 2101. Au Cambodge, la question a été abordée sous le prisme du genre, et en s’interrogeant sur les moyens d’améliorer l’implication des femmes dans la société pour bâtir un monde égalitaire et plus juste.
Les portraits de femmes présentés dans l’exposition « Women’s Voices », réalisés par la photographe cambodgienne Sereyrath Mech, capturent leur détermination à faire tomber les barrières qui entravent leur émancipation. Leurs témoignages montrent de quelle façon elles font bouger les lignes, au quotidien, pour que le Cambodge de demain soit également porté par les femmes.

« J’encourage la jeune génération de femmes à croire en elles »
Son Excellence Sopheap Tung, directrice générale adjointe du département de l’enseignement et de la formation technique et professionnelle du MLVT (ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle), est une pionnière de l’autonomisation des femmes au Cambodge.
Pour elle, l’égalité entre les sexes commence lorsque les jeunes femmes ont la possibilité de croire en elles, de prioriser leurs propres ambitions et de saisir chaque opportunité pour améliorer leurs compétences. Elle estime avant tout que c’est aux femmes de créer leur avenir et que « notre plus grand ennemi en tant que femmes est notre propre peur ».
« J’encourage la jeune génération de femmes à croire en elles. Elles doivent avoir la volonté d’agir », explique-t-elle avec un sens de la sagesse et de la générosité propre à celles qui ont dû personnellement s’investir dans la lutte pour l’égalité femmes-hommes. « Si elles ont peur, elles laisseront passer toutes les opportunités. Si vous n’avez pas confiance en vous, comment pouvez-vous accomplir des choses ? Trouvez un moyen d’aller de l’avant ! »
Sopheap Tung dédie ses journées à ouvrir la voie à l’émancipation de milliers de femmes marginalisées. Dans ses fonctions au sein du ministère, elle est amenée à superviser la conception et la mise en œuvre de formations professionnelles à grande échelle, elle fait avancer des programmes de formation innovants, gère les installations, les systèmes de dortoirs, la rénovation des écoles, l’achat de matériel et la création de programmes d’études. Elle milite pour le féminisme et crée des opportunités qui libèrent les femmes et par conséquent réduisent la pauvreté.

« Je veux voir plus de femmes formées, autonomes, mieux reconnues sur leur lieu de travail et dans la société »
Sreynov Hoy n’est pas seulement une experte renommée en matière d’aquaculture. C’est aussi une féministe, qui défend avec ardeur la cause des femmes dans son domaine. Dans le cadre de ses fonctions, elle soutient les formateurs locaux et internationaux en aquaculture mais, au-delà de ce travail, une cause lui tient particulièrement à cœur : la défense de l’égalité des sexes et l’évolution professionnelle des femmes.
« Je veux voir plus de femmes formées, autonomes, mieux reconnues sur le lieu de travail et dans la société », explique-t-elle. « Nous devons lutter contre les stéréotypes sexistes qui dictent quels emplois peuvent être occupés par des femmes et quels autres par des hommes. »
L’approche de Sreynov Hoy dans son travail n’est pas seulement technique. Il ne s’agit pas seulement de faire connaître les pratiques d’aquaculture durable. Il s’agit aussi de faire entendre la voix des femmes dans un secteur dominé par les hommes, de remettre en question et de transformer des normes ainsi qu'une culture du travail obsolètes. Elle soutient les femmes marginalisées qui veulent travailler dans ce domaine, les aide à développer leur identité et à renforcer leur estime de soi. « Je veux que les femmes se défendent, pour qu’à l’avenir elles puissent être indépendantes, et ne pas dépendre uniquement de leur mari ou de leur famille ».
Le groupe AFD, aux côtés de l’Union européenne, soutient le secteur de l’aquaculture et la place des femmes dans ce secteur à travers un projet de 25 millions d’euros. De manière plus large, l’AFD mobilise plus de 110 millions d’euros de projets dans le secteur agricole au Cambodge, avec la volonté continue de soutenir une plus grande place des femmes, à tous niveaux : coopératives, associations de bassin, gouvernance provinciale...
« Ne laissez pas la peur vous entraver. Ne pensez plus aux normes. Les femmes peuvent définir leur propre voie. Elles peuvent contribuer aux dialogues, apporter leurs idées pour construire un monde meilleur et plus égalitaire. »

« J’ai appris que les hommes doivent respecter les femmes »
Il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas de femmes telles que Lyna Nam, 19 ans, stagiaire en génie industriel à l’Institut cambodgien de formation en confection (CGTI). Le travail en usine, en particulier dans le secteur du textile, a un passé lourd et souvent douloureux pour les femmes. L’inégalité entre les sexes est profondément ancrée dans ce milieu.
« Il est difficile d’échapper aux rôles genrés dans cette industrie. La plupart du temps, les entreprises de confection ne donnent pas de promotion aux femmes. Par exemple, il y a très peu de femmes aux postes de direction », explique Lyna Nam. « La plupart des entreprises préfèrent confier les emplois très rémunérateurs à des hommes. Elles pensent que les femmes n’ont pas la capacité d’assumer ce genre de responsabilités. Ce n’est ni juste, ni équitable. »
La mission du CGTI est de changer la donne dans le monde du textile et de la mode en accompagnant les jeunes femmes dans l’acquisition de compétences et de connaissances qui leur permettront de gravir les échelons. Lyna apprend le management, mais aborde également dans ses cours la gestion des inégalités de genre sur le terrain.
« J’ai appris que les hommes doivent respecter les femmes. Les hommes ne devraient pas penser qu’ils sont plus forts que nous ou qu’ils ont de meilleures capacités que les femmes. J’ai appris que les femmes n’ont pas à accepter le harcèlement sexuel ou verbal au travail. Mais qu’en est-il des femmes qui n’ont pas appris cela, et qui ne peuvent pas faire face ? »
Au travail, Lyna a pris confiance en elle et entend être en position de management dans son domaine. Mais elle sait que cela ne se fera pas sans obstacles, elle devra affronter les inégalités systémiques entre les sexes à tous les niveaux, probablement tout au long de sa vie professionnelle.

Une exposition participative et engagée
L’inauguration a eu lieu dans les jardins de la résidence de France en présence de l’ambassadeur de France au Cambodge, Jacques Pellet, de la directrice de l’AFD au Cambodge, Ophélie Bourhis, et de plusieurs partenaires cambodgiens qui ont salué la qualité de la coopération du Cambodge avec l’AFD depuis trois décennies. Étaient présents S.E. Hem Vanndy, secrétaire d’État au sein du ministère de l’Économie et des finances, au nom de S.E. Aun Pornmoniroth, ministre des Finances et vice-Premier ministre, S.E. Keo Rattanak, ministre attaché au Premier ministre et directeur général d’Électricité du Cambodge (EdC), ainsi que S.E. Cham Prasidh, ministre de l’Industrie, des sciences, des technologies et de l’innovation.
Pour réaliser cette exposition, l’AFD a fait appel à Minor Act, jeune agence de création participative. « Aujourd’hui, vous ne verrez accroché au mur que le rendu final de ce projet. Mais c’est le processus par lequel l’exposition "Women’s Voices" a été construite qui est important, détaille Minor Act. La création de cette exposition s’est basée sur l’écoute, le regard, la perception, la discussion et la prise en compte des idées avec une égalité totale. Le projet a été réalisé avec une attention particulière pour l’histoire personnelle de chacun, avec solidarité et un engagement commun à capturer au mieux le pouvoir unique des voix des femmes d’aujourd’hui. »
L’AFD porte cet engagement dans les projets qu’elle soutient. L’approche genre et développement du groupe AFD vise une répartition plus équitable des ressources et des opportunités et un renforcement de l’égalité en termes de participation et de leadership pour un développement plus juste entre les femmes et les hommes.
Pour ce faire, nous prenons en compte les inégalités de genre dans chacun de nos programmes de financement afin de proposer des réponses sur mesure pour améliorer l’intégration des femmes. En tant qu’agence féministe, notre rôle est d’engager un dialogue avec nos partenaires sur ces questions clés et de co-construire une compréhension mutuelle des inégalités de genre afin de proposer des solutions communes.
