Haïti connaît les taux les plus élevés de mortalité maternelle, infantile et d’enfants de moins de cinq ans de tout le continent américain. La qualité et le faible déploiement des services essentiels restent parmi les causes majeures de cette situation, tout comme les fortes inégalités économiques et socioculturelles au sein de la population.
Il existe en effet très peu d’équipements, de financements ou de compétences professionnelles dans le secteur de la santé adaptés aux besoins du territoire. Les besoins en réhabilitation et en reconstruction des centres de soins sont quant à eux nombreux en raison de la fréquence des catastrophes naturelles telles que les inondations, les tremblements de terre, les coulées de boue et les ouragans.
« Notre centre de santé est situé dans une zone très difficile d’accès. Il n’y a presque pas de route aux alentours et la plupart des habitations se situent sur les hauteurs. La population vit dans des conditions très précaires », raconte Christiane Bernard, infirmière, sage-femme et responsable du centre de santé Saint-Joseph des Abricots, situé sur la pointe sud du pays.
Renforcer la qualité et la disponibilité des services de soins
Doté d’un budget modeste de 100 millions de dollars (92 millions d’euros) par an, le ministère de la Santé publique et de la population (MSPP) a fait de la santé de la mère et de l’enfant l’une des priorités de son Plan stratégique national de santé sexuelle et reproductive 2019-2023.
Traditionnellement, les femmes accouchaient à la maison à l’aide des matrones – les sages-femmes traditionnelles haïtiennes – dans des conditions sanitaires loin d’être optimales. Le ministère de la Santé publique, à travers les agents de santé et les matrones, sensibilise les populations pour promouvoir l’accouchement dans les structures sanitaires et les consultations prénatales et postnatales.
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En partant de ces différents constats, le projet Ti Mama 1 avait été lancé en 2016 dans les départements du Sud, de la Grand’Anse et du Nord-Ouest pour renforcer la gestion des institutions de santé. Ti Mama 2 adresse des problématiques similaires dans les mêmes départements depuis 2020.
« Cette subvention de 9 millions d’euros, dont 1 million additionnel suite aux dégâts causés aux centres de santé par le séisme de 2021, vise à renforcer la qualité et la disponibilité des services de soins de santé maternelle et infantile, ainsi que la planification familiale (SMI/PF), explique Ernest Barbot, directeur adjoint et chargé de mission sur ce projet à l’agence AFD d’Haïti. Cela permet d’offrir des soins de qualité, tout en réduisant les inégalités d’accès à ces services, notamment financières et de genre. »
Sept centres de santé concernés
Sept centres de santé sont concernés par le projet, pour une réhabilitation des locaux ainsi que des achats d’équipements. La formation des personnels de santé en est également l’une des priorités. Ceux des services de SMI/PF seront notamment formés sur le terrain autant que possible, afin de créer une culture commune entre des acteurs amenés à collaborer dans les prises en charge. Le renforcement de compétences porte en particulier sur la gestion administrative et financière des personnels des établissements de santé visés, mais aussi sur la gestion des médicaments, petits matériels et équipements.
« Avec le projet Ti Mama 2, nos patients n’ont plus besoin de se rendre en ville pour leurs examens ou leurs soins, souligne Christiane Bernard. Le centre est de plus en plus autonome et complet grâce à la formation continue des services de maternité qui a permis une meilleure prise en charge des femmes enceintes. Nous accueillons aussi les personnes atteintes du VIH et les enfants malnutris. Notre service de planification familiale et un laboratoire d’analyses fonctionnent de mieux en mieux. »
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Ti Mama 2 conforte également les actions entreprises par un programme de renforcement institutionnel des départements sanitaires des trois zones concernées par le projet. Cette supervision est un facteur essentiel à la pérennisation de la qualité et de la disponibilité des services.
Le projet présente également un fort volet social. La pauvreté étant un déterminant majeur de la sous-utilisation avérée des services sanitaires, Ti Mama 2 vise à réduire la barrière économique représentée par les coûts de transport, des actes médicaux et des médicaments en rapprochant les services médicaux de qualité délivrés à des prix accessibles des lieux de vie des familles.
Prise en charge des femmes victimes de violences
Par ailleurs, les femmes victimes de violence bénéficient d’une identification accrue et d’une prise en charge adaptée sur le court et long terme, selon les besoins des victimes. En effet, l’organisation Solidarite Fanm Ayisyèn (Sofa) articule son intervention autour de trois axes clés, à savoir : la sensibilisation des populations (acteurs communautaires, élus locaux, leaders religieux), l’organisation de rencontres de plaidoyer, et l’accueil et l’accompagnement des femmes et filles violentées à travers des centres d’accueil de jour connus sous le nom de « Douvanjou ».
« Les communautés des trois départements sont sensibilisées sur les violences basées sur le genre, la grossesse précoce, la santé sexuelle et reproductive, les comportements à adopter face à des situations de violence ou en prévention de la violence, ainsi que sur les services existants pour venir en appui aux femmes violentées, explique Stéphanie Siméon, chargée de projet au sein de Ti Mama 2 pour la Sofa. Les femmes victimes de violences sont accompagnées au niveau médical, juridico-légal et psycho-social à travers les trois centres Douvanjou. »
Dans les écoles, les élèves bénéficient de leur côté de séances d’information et de formation aux questions de santé sexuelle et reproductive et aux enjeux liés au genre. D’une durée de quatre ans, le projet est mis en œuvre par cinq ONG haïtiennes et françaises : le Gret, Initiative développement, Entraide médicale internationale (EMI), Sofa et SOE.