Les interactions entre sphères socio-économiques et écologiques font de l’élaboration des trajectoires de développement de soutenabilité forte un exercice particulièrement difficile. Le Maroc a exprimé sa volonté d’engager un plan de développement reposant sur la prospérité, l’inclusion et la durabilité dans un rapport publié en mai 2021, mais est confronté à une situation de stress hydrique parmi les plus élevées au monde. Une requête de coopération technique portant sur la modélisation de l’impact du changement climatique sur l’agriculture à l’horizon 2050 a ainsi été transmise à l’AFD, que le modèle GEMMES Maroc tente de satisfaire.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de travaux de modélisation qui intègrent l’impact du changement climatique dans les prévisions macroéconomiques, afin d’éclairer les choix de politiques publiques en la matière. L’AFD développe d’une part un modèle macroéconomique théorique général, et d’autre part des modèles nationaux appliqués à des cas concrets et adaptés aux caractéristiques de chaque pays, dont le modèle GEMMES Maroc.
Consulter la brochure : L'AFD et les outils de modélisation macroéconomiques pour la transition écologique
Ce partenariat est réalisé dans le contexte du mémorandum de dialogue stratégique entre l’AFD et la direction des Etudes et des Prévisions financières (DEPF) du ministère de l’Economie et des Finances du Royaume du Maroc. Le programme de recherche est notamment financé par la Facilité 2050, ayant pour vocation à contribuer au renforcement de capacités et à l’élaboration de stratégies à long terme dans le respect des engagements de l’Accord de Paris. Outre le partenariat avec la DEPF, le projet est développé avec l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) pour la partie hydro-agricole.
Le projet GEMMES Maroc réalise des simulations de la production agricole et des ressources en eau de surface disponibles à l'horizon 2050 selon différents scénarios climatiques et en analyse les impacts sur l’économie du pays. Cette démarche repose sur une volonté d’éclairer la décision publique, grâce à une collaboration des expertises marocaines, françaises et internationales. Dans cette logique, le modèle GEMMES Maroc a vocation à devenir un outil de simulation supplémentaire aux mains de la direction des Etudes et des Prévisions financières du Maroc.
La spécificité de ce projet réside en le couplage de deux modèles : le modèle macroéconomique GEMMES, adapté aux spécificités du Maroc, et le modèle hydro-agricole Lund-PotsdamJena managed Land (LPJmL). Ce dernier, largement utilisé dans la communauté scientifique internationale, produit des simulations de l'hydrologie de surface et des rendements de cultures les plus importantes du pays. Il utilise pour cela les projections de température et de précipitations issues du modèle climatique régional ALADIN et permet de comparer les besoins en eau pour l’agriculture marocaine aux ressources qui seront effectivement disponibles. Le modèle GEMMES Maroc utilise ensuite ces projections des rendements agricoles, en vue de les intégrer dans son cadre macroéconomique.
Des résultats intermédiaires ont été présentés lors de la COP26 à Glasgow, accompagné d’un résumé à destination des décideurs politiques. Les premières conclusions mettent en lumière les effets néfastes du dérèglement climatique, en particulier concernant les ressources en eau disponibles pour l'irrigation. Un niveau d’irrigation en 2050 correspondant à 75% des besoins conduirait à une production agricole supérieure de 3,7% à celle où seulement 50% des besoins en irrigation seraient couverts. Le PIB et la consommation des ménages seraient alors supérieurs de 0,5%. Ainsi, investir dans les infrastructures hydrauliques paraît primordial afin de limiter les impacts du changement climatique.
Le projet GEMMES Maroc révèle l’utilité du couplage de deux types de modèles répondant à différents domaines d’expertise. En favorisant le dialogue entre chercheurs de différentes disciplines, les différentes perceptions de chacun peuvent être explicitées et ainsi entraîner une plus grande pertinence du débat politique.
Les apports de ce projet peuvent par ailleurs perdurer au-delà du cadre de l’AFD, que ce soit du fait de l’intégration de certains de ses résultats dans un exercice de la Banque mondiale ou de son utilisation dans la stratégie de long-terme marocaine.
Contact :
- Antoine Godin, économiste à l'AFD, responsable de la cellule de modélisation macroéconomique
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