Article publié pour la première fois le 12 novembre 2021. Dernière modification le 28 juin 2022.
Lors des vagues de chaleur, la population urbaine se trouve particulièrement exposée à la surmortalité, bien plus que celle des campagnes. Ainsi, au moment de la canicule de 2003 en France, la surmortalité était de 40 % dans les petites et moyennes villes. Dans les grandes agglomérations comme Paris, ce taux a augmenté jusqu’à 141 %. Il faut dire qu’en 2003, la température à Paris s’est révélée plus élevée de 10 °C que celle enregistrée en zone rurale, contre un seul degré d’écart en 1868.
Des villes inhabitables
À ce jour, deux villes dans le monde sont sur le point d’atteindre un niveau invivable pour les hommes : Jacobabad au Pakistan, et Ras el Khaïmah dans le golfe Persique. Les températures peuvent, pendant plusieurs jours consécutifs, dépasser les 35 °C et le taux d’humidité dans l’air avoisine les 90 %. Dans ces conditions, le corps humain peine à s’adapter. D’autres villes, en Asie, devraient arriver à ces seuils critiques dans les années à venir.
Dans ce contexte, des mesures permettant de rafraîchir les villes sont mises en place partout dans le monde et présentées à la COP26, avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD). « Nous avons travaillé à l’élaboration d’un guide, fruit d’une collaboration entre l’AFD et l’Ademe, l’agence française de la transition écologique, se félicite Samuel Lefèvre, référent ville et climat au sein de l’AFD, ce recueil est une compilation de retours d’expériences : pour améliorer leur résilience à la chaleur, ces dernières années, certaines villes dans le monde testent plusieurs types d’aménagements. »
Consulter le guide « Des solutions pour rafraîchir les villes »
Plusieurs projets, dont certains financés par l’AFD, proposent différents moyens de faire face au changement climatique, conformément à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat :
Dans la ville nouvelle de Zenata, au Maroc, des études thermodynamiques ont été menées afin de prendre en compte le sens des vents dominants de manière à aérer naturellement la ville. Cela a permis de simuler les effets, en matière de rafraîchissement, de plusieurs options de formes et de trames urbaines, les « trames aérauliques ». Zenata peut ainsi tirer parti d’une ouverture sur la mer, de la dominance de vents frais du nord, et des montagnes à l’est, pour rafraîchir naturellement la ville. À la formation d’îlots de chaleur s’ajoutent les risques d’inondations. C’est pourquoi de nombreux espaces végétalisés et désimperméabilisés ont été aménagés à Zenata. Les surfaces végétalisées constituent 470 hectares de la ville, soit un tiers du territoire. Autant d’adaptations réalisées avec le soutien financier de l’AFD. La ville souhaite être reconnue, d’ici 2030, comme une « éco-cité ».
Dans la municipalité de La Possession, au nord-ouest de La Réunion, la Zone d'aménagement concerté (ZAC) Cœur de ville tend à devenir une « ville-jardin » de manière à assurer un rafraîchissement naturel. Face aux risques de cyclones, inondations et vagues de chaleur extrême, les surfaces du quartier ont été étudiées pour maximiser la perméabilité des sols. En dehors des espaces végétalisés, 50 % des sols sont perméables. Des noues paysagères ont aussi été créées : elles stockent l’eau de pluie et l’acheminent naturellement vers des exutoires. Objectif : éviter le recours à des conduits et favoriser l’évapotranspiration. Pour limiter le recours à la climatisation, l’orientation des rues et des bâtiments a été particulièrement réfléchie, ce qui limite l’exposition au rayonnement solaire tout comme les dispositifs de pare-soleil. L’AFD a accordé un prêt de 14 millions d’euros en 2013 pour financer deux concessions d’aménagement à La Réunion, dont la ZAC Cœur de ville.
Au Brésil, le projet d’aménagement des rives du fleuve Barigui vise à gérer les risques d’inondations et créer des espaces publics végétalisés, et ce, en s’inscrivant dans une démarche de sauvegarde de la biodiversité au sein de la ville. Le rafraîchissement urbain apparaît comme un co-bénéfice des aménagements. Par exemple, la plantation de végétaux stabilisant les berges a un effet sur l’ombrage et l’évapotranspiration. Seules des espèces endémiques et non invasives sont utilisées, la végétalisation des berges stabilise donc le sol et limite l’érosion. La surface d’espaces verts par habitant à Curitiba est de 64,5 m² quand l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande 10 m² par habitant. L’AFD a accordé près de 36 millions d’euros, dès 2011, pour mener à bien ce projet.
Lutter contre le changement climatique et atténuer ses effets
Ces projets s’appuient sur des pratiques parfois anciennes, comme le souligne Samuel Lefèvre : «On redécouvre des manières de concevoir les espaces urbains – comme la valorisation de l’ombrage et de l’orientation des vents, les toits de couleur claire pour réfléchir et non absorber les rayons du soleil – qui existent depuis longtemps. »
L’enjeu est d’autant plus central que la population urbaine ne cesse de croître, avec en toile de fond la question de l’accès à l’emploi. « En 2030, on estime que 60 % de la population mondiale vivra en ville », précise le référent ville et climat au sein de l’AFD.
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Ces solutions visant à affronter les vagues de chaleur en ville atténuent également la production de gaz à effet de serre, dans la mesure où elles limitent le recours à la climatisation de plus en plus prisée par les citadins, sans régler pour autant la question climatique. « Il ne s’agit pas seulement de gérer les conséquences du dérèglement climatique mais aussi ses causes profondes », insiste Samuel Lefèvre. Des solutions palliatives, certes, mais désormais indispensables à l’homme.