Où en est-on de la réalisation des ODD quatre ans après leur lancement ?
On commence tout juste à pouvoir en mesurer les avancées grâce aux plus de 200 indicateurs officiels proposés par la commission statistique des Nations unies ! Ils feront d’ailleurs l’objet d’une première révision en 2020 afin de les adapter davantage aux données statistiques disponibles. Plusieurs acteurs ont également lancé leurs propres tableaux de bord afin de suivre, de façon un peu plus simple, la réalisation des ODD.
Ce qu’on peut en dire aujourd’hui, c’est que la situation est très variable suivant les ODD. Certains vont dans la bonne direction, comme l’élimination de l’extrême pauvreté, incluse dans l’ODD n°1 : « Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde ».
D’autres ne sont pas sur la bonne voie, notamment celui qui concerne le climat (ODD n°13 : « Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions »). Le pire, ce sont sans doute les océans : la situation continue à empirer et rien de significatif n’est engagé pour inverser leur acidification, la perte de biodiversité ou la dégradation des zones côtières.
Il nous reste dix ans pour inverser ces tendances, et même aller beaucoup plus loin. Car les ODD sont très ambitieux : il s’agit, d’ici 2030, d’éliminer la pauvreté et la faim, d’assurer à tous une éducation de qualité… Et certains objectifs, ceux concernant le climat et les océans notamment, doivent être atteints de toute urgence.
Comment accélérer le déplacement des flux financiers vers la réalisation des ODD ?
On observe aujourd’hui un grand paradoxe avec les ODD : ce n’est pas tant qu’il manque de l’argent pour les réaliser, du moins à l’échelle mondiale, c’est d’abord qu’il y a trop d’argent qui finance des pratiques qui vont à l’exact inverse de ce qu’il faudrait faire. Pour le dire autrement, trop d’investissements ne tiennent pas compte des ODD. Sans doute pas plus d’ 1/20e des sommes aujourd’hui investies dans le monde vont dans le sens des ODD !
La finance mondiale n’a jamais été aussi abondante. Et comme le Titanic lancé à pleine vapeur contre l’iceberg il y a plus de 100 ans, elle nous emmène droit dans le mur. Il y a bien un commandant qui tentera de tourner la barre au dernier moment… Mais ça ne suffira pas. Ce qu’il nous manque aujourd’hui, c’est un remorqueur assez puissant pour l’orienter au plus tôt dans la bonne direction.
Et c’est précisément le rôle de la puissance publique, États, collectivités et leurs institutions, y compris les agences de développement. À travers des initiatives, des appuis et des projets dans les pays en développement, il s’agit de faire évoluer les pratiques et les normes, de montrer la voie à toute la planète. De montrer que c’est possible.
Comment l’AFD s’y prend-elle ?
Les Objectifs de développement durable sont totalement intégrés dans notre plan d’orientation stratégique. Les familles de « Transitions » que nous accompagnons découlent toutes des différents ODD. Quant à nos cinq grands engagements, ils sont directement inspirés des cinq piliers portant les ODD : la planète, le social, la paix, la prospérité et les partenariats.
Nous disposons également d’un outil nous permettant d’identifier très tôt, et avec précision, dans quelle mesure un financement que nous instruisons est bien conforme aux ODD : l’analyse développement durable. C’est un diagnostic réalisé par un groupe de nos experts, de façon indépendante. Qui entraîne évidemment son lot de questions : une déficience limitée à un secteur est-elle compensable par des effets très bénéfiques dans les autres ? Ou faut-il avoir un voyant vert au-dessus de chaque critère ?
C’est de cette manière que la notion d’« alignement » avec les ODD prend un sens. Nos homologues des banques de développement réunies au sein d’IDFC (International Development Finance Club) pourraient être intéressés par ce genre de grille d’analyse, pour voir eux aussi où ils en sont et comment progresser.