Le français, langue officielle d’enseignement au Sénégal, reste incontournable pour s’informer, réaliser des démarches administratives ou trouver un emploi. Il n’est pourtant pas la langue maternelle de la majorité des enseignants ni des élèves. Une étude récente a montré qu’une majorité d’entre eux utilisait d’autres langues locales en classe : wolof, pulaar, sérère, diola, mandingue ou soninké. L’apprentissage bilingue, combinant le français avec l’une d’elles, a cependant prouvé qu’il améliore les résultats scolaires et les opportunités professionnelles futures des élèves.
Afin d’accroître leurs performances, l’ONG internationale Bibliothèques sans frontières (BSF) s’est fixé pour objectif d’améliorer la maîtrise du français des professeurs. Son projet, soutenu par l’Agence française de développement et mené en collaboration avec le ministère sénégalais de l’Éducation nationale, vise à leur fournir des outils pédagogiques adaptés à leurs besoins en enrichissant son application d’apprentissage du français Karibu de fonctionnalités d’intelligence artificielle (IA).
« L’intérêt est de pouvoir créer une expérience d’apprentissage personnalisée, donc plus engageante et plus efficace. L’application peut désormais générer des exercices en fonction du niveau et des centres d’intérêt de l’utilisateur. Celui-ci peut aussi écrire librement et bénéficier d’un retour détaillé et individualisé », détaille Cormac O’Keeffe, directeur de l’éducation, de l’impact et de la recherche de BSF.
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Des solutions rapides à déployer
Cette solution développée avec l’entreprise sociale Kajou et le laboratoire de recherche Pleias pour être frugale et durable mobilise un modèle linguistique LlamA (Large Language Model Meta AI) de 7 milliards de paramètres. Il est alimenté par une grande variété de textes en français issus du ministère de l’Éducation sénégalais et de contenus libres de droits. Objectif : adapter les activités au contexte linguistique et culturel du Sénégal.
« L’IA générative peut vraiment être mise au service des trois piliers de l’éducation : l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation. Elle peut permettre de corriger des copies, de personnaliser les activités des élèves, de mieux préparer des cours et de se former, tout en s’adaptant aux cadres et cultures locaux. Le but n’est bien sûr pas de remplacer l’enseignant mais de l’aider dans son travail », défend Cormac O’Keeffe.
« Le grand avantage de l’intelligence artificielle est que ces solutions sont rapides à déployer et pas nécessairement trop coûteuses », souligne Alexis Frémeaux, responsable innovation à l’AFD.
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Trente enseignants d’écoles élémentaires de Dakar et de Thiès participent à cette première phase pilote, menée de février à mars 2025. « Nous avons hâte de prendre connaissance de leurs retours pour alimenter notre démarche d’amélioration continue et participative de l’outil », poursuit Cormac O’Keeffe.
Si l’impact positif sur le niveau de français des enseignants est démontré, un déploiement plus large de l’application sera envisagé. De nouvelles fonctionnalités pourraient y être intégrées, comme la conversation orale. BSF réfléchit aussi à décliner l’application dans d’autres langues locales afin de permettre aux enseignants d’échanger plus facilement avec les élèves et leurs parents et favoriser le développement de l’éducation multilingue.