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L’intelligence artificielle (IA) ne se contente pas de bousculer les technologies. Elle redessine déjà le futur du continent africain. Santé, éducation, agriculture : l’IA s’impose comme une réponse aux défis sociaux, économiques et environnementaux majeurs de l’Afrique. Avec son potentiel inédit, elle pourrait bien changer la donne.

L’intelligence artificielle (IA) n’est plus une promesse lointaine pour l’Afrique : elle est déjà un outil clé pour transformer le continent, secteur par secteur. Dans la nouvelle édition de L’Économie africaine, le professeur Paulin Melatagia Yonta, enseignant à l’Université Yaoundé 1, l’assure : l’IA constitue déjà un outil stratégique pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). « La prédiction des épidémies et des inondations, l’automatisation des diagnostics en imagerie médicale, la détection de maladies à partir d’images de plantes ou de peau, l’automatisation de l’évaluation d’apprenants…, sont des cas d’utilisation de l’IA qui apportent déjà des solutions au déficit de ressources humaines dans les domaines comme la santé, l’agriculture et l’éducation en Afrique. En même temps, ils contribuent à l’amélioration des rendements et de la productivité », explique-t-il.

Une souveraineté numérique en jeu

Pour l’Afrique, l’IA représente plus qu’une avancée technologique : c’est aussi et surtout une question de souveraineté. « Qui contrôle les données contrôle l’avenir », résume le professeur Yonta. Tant que les grandes entreprises technologiques internationales monopoliseront les données africaines, le continent restera dépendant. La maîtrise des données locales est donc une priorité absolue.


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Le Sénégal illustre cette quête avec son programme national d’intelligence artificielle, qui valorise les langues locales. « Une dynamique de (re-)valorisation des langues africaines est en cours dans plusieurs pays. L’IA offre des moyens techniques et technologiques pour accélérer l’intégration de ces langues dans le quotidien des citoyens africains. Cela favorisera une meilleure représentation de l’Afrique dans les nouvelles technologies numériques et un recul de l’hégémonie idéologique et culturelle non africaine », poursuit le professeur Yonta.


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Inclure les langues locales dans les modèles d’IA n’est pas qu’une question d’identité. C’est un enjeu stratégique. Les modèles de langage massif (LLM) se nourrissent de données linguistiques. En excluant les langues africaines, ils créent des biais qui les rendent totalement inadaptés aux problématiques locales. « Intégrer ces langues permettrait non seulement de mieux répondre aux besoins des populations, mais aussi d’assurer une représentation équitable des cultures africaines dans l’écosystème numérique », insiste Paulin Melatagia Yonta. Une démarche essentielle pour faire de l’IA un outil inclusif et souverain sur le continent.

Miser sur les talents locaux

L’avenir de l’IA en Afrique repose aussi sur ses ingénieurs. « Le développement de l’IA par les ingénieurs sur le continent repose sur leur capacité à créer des applications qui non seulement résolvent des problèmes sociétaux en Afrique, mais ouvrent également la voie à de nouvelles formes d’intelligence artificielle », analyse le professeur Yonta. Mais entre la fuite des talents et le manque de formations spécialisées, le défi est de taille. Il est urgent de former des ingénieurs compétents, ancrés dans les réalités africaines.


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Enfin, pour se développer, l’IA a besoin d’infrastructures solides. « En plus des données, la création de gros modèles d’IA demande une grande puissance de calcul, d’importantes capacités de stockage et des réseaux d’interconnexion performants. Très peu de pays africains disposent actuellement d’infrastructures de qualité pour rivaliser avec d’autres régions du monde », reconnaît le professeur Yonta. Face à cette situation, une approche alternative s’impose : l’IA frugale. En misant sur des réseaux de petites machines interconnectées, cette méthode réduit les coûts tout en limitant l’impact environnemental. Une innovation qui répond parfaitement aux contraintes du continent.

Faire de l’IA un levier de transformation

L’intelligence artificielle est un pari audacieux pour l’Afrique. Entre défis structurels et opportunités inédites, elle peut devenir un moteur de transformation durable. Pour y parvenir, il faudra maîtriser les données, investir dans les talents et bâtir des infrastructures adaptées. « Avec une vision ancrée dans ses réalités, l’Afrique peut faire de l’IA un outil d’émancipation, tout en affirmant sa place dans la révolution numérique mondiale », conclut, optimiste, Paulin Melatagia Yonta.


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