« Unir nos forces. » C’est le mantra martelé par Audrey Rojkoff, responsable des opérations de l’Agence française de développement (AFD) en Afrique du Sud : « Nous avons tous intérêt à unir nos forces, à explorer nos complémentarités, à partager nos expériences. Nous serons plus forts ensemble. » Et par ce « nous », Audrey Rojkoff évoque le groupe AFD, bien sûr, mais aussi l’ensemble des banques publiques de développement qui opèrent en Afrique du Sud. Une vaste alliance donc, comme une déclinaison locale de la coalition Finance en commun : là où, habituellement, chaque organisme agit dans son périmètre, l’AFD propose aux banques de développement de penser complémentarité plutôt que compétition.
Ainsi, un partenariat entre l’Afrique du Sud, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’Union européenne autour d’une transition énergétique juste a été annoncé à la COP26 de Glasgow, en novembre 2021. La déclaration politique qui scelle ce partenariat prévoit la mise à disposition de 8,5 milliards de dollars de financements : « Cet engagement sera essentiellement mis en œuvre par les banques publiques de développement des États signataires. La complémentarité entre leurs actions va prendre tout son sens et sera garante du succès de l’initiative », rappelle Audrey Rojkoff.
Tout savoir sur la coopération entre le groupe AFD et la Commission européenne
Indispensable transition
Il faut dire que ce pays, le douzième plus émissif de gaz à effet de serre au monde, cumule certaines caractéristiques préoccupantes : un secteur minier qui représente environ 10 % du PIB, ainsi qu'une énergie produite majoritairement à partir de charbon, dont l’exploitation fournit plus de 100 000 emplois et représente des revenus à l’export importants pour le pays – bien qu’en baisse du fait de la réduction de la demande.
Dans le même temps, les effets du changement climatique se font douloureusement sentir. Il affecte notamment l’agriculture et provoque montée des eaux et inondations ; la ville du Cap a également souffert d’un stress hydrique important en 2018. L’UE, un important partenaire commercial, envisage par ailleurs d'accroître la taxation des produits carbonés, ce qui aurait pour conséquence un ralentissement des exportations sud-africaines. Face à ces pressions contradictoires, le pays doit s’engager rapidement sur une trajectoire bas-carbone, s’adapter et diversifier ses sources d’énergie.
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C’est dans ce contexte que les partenaires internationaux interviennent. Un premier projet financé par le groupe AFD et la KfW avait vu le jour en 2016, pour le compte de la TCTA (Trans-Caledon Tunnel Authority). Il concernait le financement d’un vaste programme d’infrastructures assurant la mobilisation et le transport d’eau brute dans la région de Durban. Ghislain Rieb, chef de pôle Infrastructures-environnement de l’AFD à Johannesburg, se souvient : « Cela n’a pas toujours été facile. Mais aujourd’hui, le barrage existe et les investissements ont permis d’augmenter les capacités en eau potable de Durban. Et le projet est en cours de remboursement. » La réussite de cette initiative a ouvert la voie à une méthode de coopération impliquant la Banque européenne d’investissement (BEI), principale interlocutrice de la TCTA, l'AFD et la KfW, son homologue allemande.
Intervenir dans les « zones grises » de la transition énergétique
Le secteur de la mobilité est un nouveau champ de coopération européen : toujours avec la KfW et, cette fois-ci, la Banque de développement de l’Afrique australe (DBSA), l’AFD participe au financement d’études de faisabilité pour l’extension du réseau ferré du Gautrain, le train reliant l’aéroport de Johannesburg au centre de Pretoria et au cœur économique de Johannesburg, Sandton. Cette extension devrait voir le jour en 2023 ou 2024.
Mais désormais, c’est bien sur le financement de la transition énergétique que l’effort commun se porte. « De façon concertée avec la KfW et la BEI, nous avons soutenu le financement d’infrastructures nécessaires au développement des énergies renouvelables au sein de l’opérateur électrique Eskom, précise Ghislain Rieb. Nous souhaitons accompagner le démantèlement des vieilles centrales à charbon et leur remplacement par de nouvelles capacités de production, principalement en solaire et en éolien, qui constituent un énorme potentiel dans le pays. »
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C’est dans cette « zone grise », entre tout charbon et EnR, que l’alliance AFD-KfW-BEI est la plus pertinente et qu’Eskom a besoin d’appui. Cette alliance concernera tous les aspects de la transition, aussi bien techniques que sociaux. Car il s’agit également de faire coïncider cette sortie du charbon avec le développement de nouvelles opportunités pour les habitants des territoires concernés.
En finir avec l’approche sectorielle
D’où la nécessité d’une approche transversale du développement : « La transition juste est une séquence dans laquelle les projets sont interdépendants. Cela implique de développer des initiatives qui touchent à tous les aspects du problème, insiste Audrey Rojkoff. L’idée est donc de se répartir le travail entre banques de développement. Chacune apporte sa valeur ajoutée. Idem sur les instruments de financement : là où nous consentons des prêts, l’UE peut intervenir avec du don. »
Un tel travail de coordination peut sembler très délicat à mener, tant il nécessite d'avoir réfléchi en détail aux enjeux de gouvernance. Audrey Rojkoff ne nie pas la difficulté, mais se montre optimiste : « En définitive, c’est un gain majeur pour le partenaire local. Un contexte complexe implique par nature une extrême complexité des dispositifs. En Afrique du Sud, nos partenaires comptent sur l’AFD pour jouer ce rôle de rassembleur. » Et de conclure : « Au lieu de partir à la recherche directe de solutions aux problèmes à résoudre, nous nous attachons en amont à comprendre les défis du pays, à écouter la demande formulée par les Sud-Africains, puis à tenter de mettre en place des réponses adaptées. »
L’engagement pris à Glasgow présente une opportunité de formuler une offre en format « Team Europe ». Avec les autres banques de développement des États membres, avec la BEI, mais aussi avec la DG Partenariats internationaux de l’UE (ex-DGDEVCO), c’est bien le sens des projets en cours. Avec comme objectif immédiat la COP27 de novembre 2022 à Charm el-Cheikh, où les premières réalisations devront avoir vu le jour. En matière de transition juste, le long terme se prépare dès maintenant. En « unissant nos forces ».
Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité de l’AFD et ne reflète pas nécessairement les opinions de l’Union européenne.

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