Au Royaume du Maroc, l’égalité femmes-hommes est consacrée par la Constitution depuis 2011 : son article 19 dispose que « l’Homme et la Femme jouissent, à égalité, des droits et des libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental… ». Ce principe n’est pas demeuré à l’état d’abstraction : c’est devenu une ligne directrice dans la conception des bugdets publics grâce à la budgétisation sensible au genre (BSG). Une approche qui consiste à octroyer des ressources suffisantes et optimisées pour les programmes budgétaires visant la réduction des inégalités femmes-hommes, et à leur associer des indicateurs d’impact précis.
Tout commence au début des années 2000 : le pays entame alors une réflexion sur les réformes à mener pour promouvoir l’émancipation des femmes. Parallèlement, un chantier de modernisation budgétaire est lancé afin de renforcer la performance de l’action publique. La budgétisation sensible au genre est le produit de ces deux dynamiques.
En 2013, avec l’appui d’ONU Femmes, une structure spécifique est créée. « Rattaché au ministère de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’administration, le Centre d’excellence de la budgétisation sensible au genre (CE-BSG) est une plateforme chargée à la fois de piloter la mise en œuvre de la BSG, de capitaliser les connaissances sur cette approche et d’en diffuser la méthodologie à différents niveaux institutionnels », explique Hajar Ben Ameur, membre du CE-BSG et responsable du suivi de la performance budgétaire et de la BSG au ministère.
L’objectif d’égalité comme règle budgétaire
Avec la Loi organique de finance (LOF) adoptée en 2015, la BSG trouve un ancrage juridique : les obligations qui y sont attachées s’y voient précisées. L’évaluation des politiques publiques au regard des principes de l’égalité de genre fait désormais l’objet d’un « rapport budget genre » publié chaque année. « Il s’agit d’un livrable clé dans le processus de BSG ; il fait une synthèse des engagements des ministères en matière d’égalité et fournit ainsi au Parlement des éléments pour jouer son rôle de corps de contrôle », explique Sacha Belle-Clot, assistante de programme à ONU Femmes Maroc.
En 2018, l’Agence française de développement (AFD) devient l’un des bailleurs de fonds de l’initiative BSG, conjointement à l’Union européenne qui a commencé à appuyer le mécanisme de BSG un an plus tôt. Cet appui se matérialise d’abord par un prêt de 100 millions d’euros accordé au Royaume du Maroc : « Négociée avec les autorités marocaines, la matrice de politique publique à laquelle ce prêt est assorti présente des indicateurs qui couvrent sept départements ministériels. Ceux-ci doivent être atteints pour permettre le décaissement des quatre tranches du prêt », détaille Benjamin Danbakli, chargé de projet pour l’AFD au Maroc. Une subvention d’un million d’euros est également accordée à ONU Femmes afin d’accompagner l’appropriation de la BSG dans différentes instances clés.
Une réforme de longue haleine
Depuis deux ans, l’initiative amorce une nouvelle phase de son déploiement. Avec l’appui du Centre d’excellence, elle vise désormais à familiariser plus d’acteurs à l’approche BSG, qu’il s’agisse d’agents de l’État, d’opérateurs de politique publique intervenant notamment à un niveau local, ou encore d’élu·es. Le rapport Budget Genre a ainsi vocation à être un outil de discussion dans le vote de lois de finance. ONU Femmes s’y emploie, explique Sacha Belle-Clot : « Le document a été rendu plus lisible, et nous travaillons avec le Groupe de travail thématique pour la parité et l’égalité, qui regroupe des membres des deux chambres, afin que les parlementaires s’en emparent et en fassent un moyen de contrôle et de redevabilité de l’action publique. »
En attendant, aux côtés du Rwanda, de l’Albanie ou encore de l’Autriche par exemple, le Maroc fait figure de pays pionnier dans la mise en œuvre de l’approche BSG. Si les impacts varient d’un secteur d’intervention à l’autre, Hajar Ben Ameur se réjouit des évolutions constatées : « Dans la conception des politiques publiques, il y a des sujets qui ne font plus débat : soutenir financièrement les familles des zones rurales afin qu’elles ne déscolarisent pas leurs filles, investir sur les enjeux de santé maternelle, ou encore promouvoir la pratique du sport par les filles et femmes. » Reste à garder le cap d’une transformation de fond : « La BSG est une réforme de longue haleine, qui nécessite du temps et des moyens pour se déployer et montrer tous ses effets. »
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