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Migrations & Développement au Maroc : « Notre avenir repose sur notre capacité à accompagner les populations migrantes locales »
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Accompagnement administratif, création d’écoles, événements interculturels… L’association franco-marocaine Migrations & Développement agit sur le terrain, dans la région du Souss-Massa, afin d’adapter les politiques migratoires aux réalités locales et de favoriser l’engagement collectif.
Dès ses débuts, en 1986, l'association franco-marocaine Migrations & Développement s’est attachée à transformer les territoires marginalisés de l'Atlas et de l'Anti-Atlas marocains. Initialement concentrée sur des infrastructures essentielles — électrification, adduction d’eau, écoles et dispensaires — l'association a évolué vers un modèle intégré de développement rural. Abderrazak El Hajri, son directeur, insiste sur la philosophie qui guide l’ONG : « nous ne faisons pas à la place des populations. Nous travaillons avec elles pour libérer leur potentiel et leur redonner confiance en leurs capacités ». C’est ainsi que M&D a su mêler solidarités villageoises, partenariats avec les autorités locales et formation d'acteurs locaux, répondant aux besoins identifiés de manière participative.
PRIM : une réussite exemplaire
L’un des projets emblématiques de l’association, « Territorialisation des politiques migratoires-TPM », s’inscrit dans le cadre du Programme régional des initiatives de la migration (PRIM[AE1] ). Il est mis en œuvre par Expertise France, sur financement de l’AFD, et en étroite collaboration avec les autorités marocaines. Son objectif est d’adapter les politiques migratoires aux réalités locales, en particulier dans la région Souss-Massa, qui accueille de plus en plus de personnes migrantes, souvent d’origine subsaharienne.
M&D joue un rôle pivot dans ce projet en développant, notamment, dans le Souss-Massa, les Bureaux d'accueil et d'orientation des migrants (BAOM), structures novatrices qui facilitent l'accès des migrants à leurs droits sociaux et économiques. Ces bureaux, où officient des fonctionnaires, traitent de questions cruciales, telles que l’accès à l’éducation, la santé ou encore l’état civil.
D’autres initiatives illustrent la manière dont le PRIM transforme concrètement les territoires en intégrant les populations migrantes et en mobilisant les collectivités locales pour en faire des espaces inclusifs et participatifs.
A Belfaâ, commune rurale de la province de Chtouka-Aït Baha, les migrantes et migrants subsahariens ont été invités à participer à l’élaboration du plan communal, marquant un tournant symbolique dans leur intégration. Cela a conduit à des actions comme la création de maternelles mixtes pour enfants marocains et subsahariens, des formations en pâtisserie et événements interculturels (tournois de football, défilés…). « Ces actions démontrent que le vivre-ensemble n’est pas une utopie. C’est un travail culturel qui se construit », résume Abderrazak El Hajri.
Une approche globale de la politique migratoire locale
Bien plus qu’une association, Migrations & Développement est un modèle de mobilisation citoyenne et d’engagement collectif. Grâce à des projets comme PRIM, elle démontre que les défis migratoires peuvent être relevés avec audace, créativité et solidarité.
Outre les populations migrantes subsahariennes, l'association s’intéresse également aux Marocains de retour, souvent confrontés à des difficultés d’intégration. Avec un système innovant de transferts de compétences, un accompagnement sur mesure et une aptitude constante à s'adapter aux mutations sociales et économiques, M&D mise sur une inclusion durable, plaçant les individus au cœur de l’action. Pour Abderrazak El Hajri, les défis sont nombreux, mais l’horizon est clair. « Notre avenir repose sur notre capacité à accompagner les populations migrantes locales, les Marocains du monde et les migrants de retour. Nous devons continuer à promouvoir des politiques inclusives qui répondent à leurs besoins et valorisent leurs contributions », explique-t-il avec conviction.
« Ma relation avec M&D dépasse le cadre professionnel. Il s'agit d'une adhésion totale à la mission »

Au croisement de la détermination militante et de la vision stratégique, Abderrazak El Hajri, directeur de Migrations & Développement (M&D), incarne un engagement sans faille.
Ce fils du Souss découvre l'association par hasard, en 1994, grâce à un ami qui peine à traduire une enquête de terrain en français. Abderrazak El Hajri, alors jeune étudiant à l’Université Ibn Zohr d’Agadir, connaît bien l’univers associatif, culturel et militant. Mais là, il découvre des concepts nouveaux — développement local, approche participative, autonomisation des populations rurales… et, dans la foulée, un livre clé : Marocains des deux rives, de Zakya Daoud. Un lexique qui lui est jusque-là inconnu, et une œuvre qui transformera sa vision du monde.
Après avoir contribué à M&D en tant que bénévole, il rejoint officiellement l’association en 2002 en tant que chargé de programme. Entre 2009 et 2011, il s’engage au sein du ministère du Développement social, à Rabat, tout en restant en lien avec son association de cœur. De retour à Agadir, El Hajri succède en 2013 au fondateur emblématique de M&D, Jamal Lahoussain : « nous avons réussi la transition grâce à un effort collectif. La continuité d’une association après le départ de son fondateur est un pari difficile, mais nous l’avons relevé ».