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conférence "la main visible": les banques de développement en transition
Face à la crise liée au Covid-19, comment veiller à ce que les plans de relance à court terme ne compromettent pas les trajectoires de long terme vers une économie bas-carbone, inclusive et durable ? Quel rôle peuvent jouer les banques de développement pour contribuer à une relance juste et durable ? Chercheurs, économistes et représentants des banques de développement se sont rassemblés les 9 et 10 novembre depuis Paris pour partager leurs analyses et recommandations sur les défis à relever.

Les 9 et 10 novembre, en amont du premier Sommet mondial des banques publiques de développement, l’Agence française de développement (AFD) tenait sa 14e Conférence internationale de recherche sur le développement intitulée « La main visible : les banques de développement en transitions ».


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Organisée avec le soutien de l’Institut chinois de la nouvelle économie structurelle (INSE), l’IDDRI et la FERDI, cet événement a rassemblé en ligne plus de 700 participants, issus des quatre coins de la planète. Son objectif ? Formuler des propositions concrètes, issues de la recherche, à l’intention des banques publiques de développement (BPD) en vue du sommet Finance en commun des 11 et 12 novembre.

Dès son discours d’ouverture, Rémy Rioux, directeur général de l’AFD, a insisté sur le rôle des banques publiques de développement pour impulser les transitions vers un monde plus juste et plus durable. Face à l’échec de l’autorégulation du marché, résumée dans la formule célèbre de « main invisible » par l’économiste Adam Smith, les BPD peuvent agir comme des « mains visibles, pour concilier les impératifs du court terme avec ceux du long terme, et encourager les transitions ». Une idée reprise avec force par Joseph Stiglitz, économiste et Prix Nobel.


Qui sont ces banques publiques de développement ?

« Il est absolument crucial de savoir qui nous sommes, en tant que communauté », prévient également Rémy Rioux. L’AFD et l’INSE de l’université de Pékin ont ainsi lancé la première base de données sur les BPD, dévoilée par Régis Marodon (AFD) et Jiajun Xu (INSE) en ouverture de la conférence. Après des mois de recherche, cette base de données unique en son genre, en open source, recense plus de 450 BPD dans le monde et permet de visualiser leur positionnement au regard des Objectifs de développement durable (ODD). 


Au-delà de la crise, replacer les ODD au cœur de l’intervention des BPD

« Quand les capitaux privés se retirent, les capitaux officiels (bilatéraux ou multilatéraux) interviennent » : comme le souligne l’économiste en chef de la Banque mondiale, Carmen Reinhart, les BPD jouent un rôle contracyclique vital en apportant du capital là où le secteur privé tend à réduire ses investissements du fait de la crise. Les BPD peuvent ainsi limiter les impacts économiques de la crise et soutenir la reprise. 

Mais pas seulement : « Les ODD sont là pour imaginer le monde dans lequel nous voulons vivre, pas pour corriger une défaillance. Nous devons utiliser ces objectifs pour vraiment transformer notre système », argumente Mariana Mazzucato, professeure d’économie à l’University College London (UCL). Les BPD doivent concevoir leurs stratégies et leur gouvernance de manière à contribuer à la mise en œuvre des ODD. Ce qui nécessite en premier lieu de cerner le caractère interconnecté et transversal de l’Agenda 2030. 


Des instruments et une réglementation sur mesure

Pour y parvenir, les banques de développement doivent concevoir des instruments adaptés à leurs spécificités. Et notamment des instruments qui leur permettent de gérer les risques ayant une incidence positive, comme ceux liés à l’innovation technologique dans le cas des énergies vertes, sans compromettre la stabilité financière.

Idem du côté du cadre réglementaire : « Les cadres actuels de Bâle III sont conçus pour les banques commerciales et il est de la plus haute importance de concevoir des cadres sur mesure pour les BPD » plaide Jiajun Xu, vice-doyenne exécutive de l’INSE de l’université de Pékin et l’une des coordinatrices du programme de recherche mené sur les BPD


L’urgence de changer d’échelle

Autre point crucial soulevé unanimement par les intervenants : les BPD doivent avoir la capacité d’agir à plus grande échelle. Avec plusieurs pistes pour y parvenir : « Nous avons besoin de financements du secteur privé pour atteindre les objectifs de développement », explique Alexia Latortue, directrice générale de la stratégie d’entreprise de la BERD. Notamment grâce au mixage des ressources « qui nous permet de repousser les frontières de ce que les marchés peuvent faire ».

La recapitalisation des BPD est également essentielle, en particulier pour les banques de développement régionales et subrégionales en cette période de Covid-19, plaide Stephany Griffith-Jones, directrice des marchés financiers au sein de l’Initiative for Policy Dialogue à l’université de Columbia.
Une idée portée également par Masood Ahmed, président du Center for Global Development : « Si nous voulons que ces institutions soient pleinement alignées avec l’Agenda de Paris, leurs actionnaires doivent leur en donner les moyens. Mais aussi les responsabiliser. » 


Vers une coalition des BPD ?
 


Les défis globaux appellent des réponses globales et coordonnées. Les BPD doivent travailler ensemble, en complémentarité, coordonner leurs pratiques, « parfois mettre en commun leurs ressources » comme le souligne Lord Nicholas Stern, économiste à la London School of Economics, mais aussi partager leur expérience. Et développer des standards communs, pour mesurer leurs impacts et accroître la transparence de leurs actions. En somme, « les BPD doivent opérer en tant que système » résume José Antonio Ocampo, professeur et coprésident de l’Initiative pour le dialogue des politiques à l’université de Columbia. 

C’est l’architecture mondiale de la finance du développement dans son ensemble qui doit être remise en question, et dans laquelle les BPD doivent prendre toute leur place. « Ce dont nous avons besoin, c'est d'un financement engagé, d'un financement qui se fait entendre, d'un financement transparent. C'est un appel à l'action ! », conclut Thomas Melonio, directeur exécutif de l’Innovation, de la recherche et des savoirs à l’AFD. Un appel qui aura fait office de point de départ des discussions du sommet Finance en commun.
 


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