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Un agriculteur en Éthiopie
Afin de relancer la production agricole dans les régions touchées par un conflit long de deux ans dans le nord de l'Éthiopie, mais aussi pour améliorer l'autosuffisance alimentaire du pays, l'Agence française de développement et l'Union européenne y financent un nouveau projet. Le Dr Dagnachew Lule, directeur du Cluster de commercialisation agricole (ACC) à l’Institut éthiopien de transformation agricole (ATI), évoque les défis liés à la sécurité alimentaire dans ces régions et l'importance de ce nouveau projet pour les petits exploitants agricoles touchés par le conflit.
Quelle est la situation de la sécurité alimentaire dans les zones touchées par le conflit ?

Dr. Dagnachew : L'Éthiopie a fait des progrès considérables en matière de développement au cours des deux dernières décennies, réduisant la pauvreté et augmentant les investissements. Cependant, l'insécurité alimentaire et la malnutrition restent une préoccupation majeure dans le pays ; on estime que près de 20 millions de personnes ont actuellement besoin d'une aide alimentaire. Ce chiffre inclut les personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI) qui ont dû quitter leur foyer en raison du conflit dans les régions du Nord et de l'Ouest, et de la grave sécheresse dans le Sud et le Sud-Est. Plus généralement, 12 millions de personnes ont été affectées par le conflit dans les régions du Tigré, de l’Amhara et de l’Afar. 

Depuis deux ans, la production agricole est restée au point mort dans une grande partie des régions du Nord. La plupart des cultures n'ont pas été récoltées, les infrastructures agricoles ont été détruites, les intrants agricoles (notamment les semences améliorées et les engrais) n'ont pas été distribués, le bétail a été volé ou tué, les plantations de fruits pérennes ont été partiellement endommagées et les centres de services agricoles, les laboratoires, les centres de formation des agriculteurs, les bureaux et les centres de recherche agricoles ont été démantelés. À cela s’ajoute l’impact psychologique du conflit qui a été dévastateur pour les populations de ces régions.

Il est urgent de fournir aux agriculteurs les ressources nécessaires pour relancer leur production, mais aussi de réhabiliter les infrastructures de services afin d'éviter une crise alimentaire et migratoire sans précédent. 


En chiffres
Le projet Food Security and Agriculture Rehabilitation Measures in Conflict-Affected Regions of Ethiopia (Farm) est financé par des subventions de l'AFD (18 millions d'euros) et de l'UE déléguées à l'AFD (14 millions d'euros) pour les cinq prochaines années.


Comment le projet Farm répondra-t-il aux besoins les plus pressants ?  

Ce projet comporte deux phases : la première consiste à répondre aux besoins les plus urgents en relançant la production agricole dans ces zones. Pour ce faire, nous fournirons des semences améliorées (céréales, légumineuses et légumes), une race améliorée de volaille, des petits ruminants sélectionnés, des semences horticoles et des pompes d'irrigation aux familles bénéficiaires, identifiées par le comité de sélection au niveau du kébélé (la plus petite division administrative). La quantité distribuée permettra l'utilisation de 0,25 ha de terres par ménage. Au total, environ 533 000 ménages (plus de 3 millions de personnes), dont 40 % de femmes, bénéficieront directement du projet.

Pour aller plus loin et multiplier cet impact, nous avons également mis en place un mécanisme de rotation. Les agriculteurs mettront à disposition, après la première récolte, une quantité de graines identiques à celle qu'ils ont reçue pour la distribuer à d'autres agriculteurs vulnérables. 

Pour mettre en œuvre ces activités, nous nous appuyons sur les structures existantes, établies du ministère jusqu’au kébélé, et qui sont déjà sur le terrain. Dans l'Amhara, les différentes parties prenantes et institutions partenaires ont déjà été informées du projet et les woredas (districts) bénéficiaires ont été identifiés, tandis qu'en Afar et au Tigré, des études de faisabilité supplémentaires seront menées par des consultants et les équipes projet.

L'ATI est prête à lancer ce projet en collaboration avec les différentes parties prenantes pour soutenir les agriculteurs dès la première période de plantation en mai/juin, avec des récoltes trois à quatre mois plus tard. Des semences améliorées sont également disponibles auprès des entreprises semencières et des unions de coopératives. 


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Quelles mesures seront prises pour renforcer le secteur agricole à long terme

Au-delà des actions immédiates dans les zones touchées par le conflit, nous travaillons à renforcer l'autosuffisance alimentaire en Éthiopie : le pays est largement dépendant des intrants importés, notamment des engrais et des produits agrochimiques, ce qui le rend vulnérable aux fluctuations du marché et aux chocs extérieurs. 

Face à cette situation, le Cluster de commercialisation agricole (ACC) est l'un des meilleurs dispositifs pour améliorer la productivité et la commercialisation par une approche inclusive et écologiquement durable, en transformant les agriculteurs de subsistance en agriculteurs commerciaux.

Le projet prévoit donc d'apporter un soutien intégré au secteur des semences. L'objectif est de renforcer les secteurs de la recherche et du développement agricoles afin de fournir des technologies améliorées, adaptées aux différentes zones agroécologiques et conditions climatiques, auxquelles très peu d'agriculteurs ont accès aujourd'hui. Nous engagerons toutes les parties prenantes et les partenaires de développement dans la chaîne, y compris les centres de recherche, les bureaux d'agriculture, les entreprises de semences, les ONG et d'autres entités des secteurs public et privé. Cela comprendra notamment la réhabilitation des institutions touchées par le conflit qui travaillaient dans les secteurs de la recherche, la production, la multiplication, l'analyse des sols… 

En parallèle, nous prévoyons de former les agriculteurs aux pratiques agroécologiques, afin de leur permettre de tirer le meilleur parti des technologies agricoles, mais aussi aux pratiques de gestion des ressources naturelles et à l'adoption d'engrais organiques, afin d'améliorer durablement la production et la productivité agricoles. 

En somme, cette composante contribuera à renforcer la sécurité alimentaire et l'autosuffisance du pays, et améliorera la résilience des agriculteurs sur le long terme. Cette intervention contribuera de manière significative à la réduction des importations et à l’accroissement des recettes des exportations, deux priorités du gouvernement éthiopien.


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Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité de l’AFD et ne reflète pas nécessairement les opinions de l’Union européenne.