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Récole du maïs qui sera transformé en farine dans la commune de Gouré, au Niger. Le projet PASAM vise à améliorer la sécurité alimentaire dans les cuvettes oasiennes dans les régions de Zinder et Diffa © Ollivier Girard/AFD
Alors que le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde est en augmentation constante depuis plusieurs années, l’ONU organise ce 23 septembre à New York un sommet mondial pour appeler à une transformation des systèmes alimentaires. Matthieu Le Grix, responsable de la division Agriculture, Développement rural et Biodiversité à l’Agence française de développement, fait le point sur les enjeux et les attentes en lien avec l'événement.
Quelle est la situation de la faim dans le monde ?

Matthieu Le GrixMatthieu Le Grix : La situation alimentaire internationale est très préoccupante, elle se dégrade. En effet, depuis 2014, la courbe s’est inversée. Tout porte à croire qu’on n’arrivera pas à atteindre l’objectif de développement durable n°2 – éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l'agriculture durable – d’ici à 2030. Jusqu’à 811 millions de personnes ont été confrontées à la faim en 2020, soit un dixième de la population mondiale. Ce chiffre est en augmentation depuis plusieurs années. 

Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. En premier lieu, la dégradation des ressources naturelles, et en particulier des sols. Ce phénomène est très marqué, notamment au Sahel. Par ailleurs, les changements climatiques ont d’ores et déjà des effets négatifs sur la production agricole et la sécurité alimentaire. Les conflits constituent aujourd’hui un facteur prépondérant de l’insécurité alimentaire ; là encore, le Sahel en est une illustration. Enfin, la crise du Covid-19 a fragilisé les systèmes d’approvisionnement et les filières agricoles. Un certain nombre de pays ont donc dû faire face à des problèmes d’accès à l’alimentation. 

Dans ce contexte, une remobilisation de la communauté internationale autour de la question alimentaire est plus que bienvenue : elle est nécessaire.

 

Qu’attendre de ce Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires du 23 septembre ?

M. L. G. : Il faut souhaiter une remobilisation des États et un renforcement de la solidarité internationale pour réduire la faim à l’échelle mondiale, à travers un plus fort investissement dans les domaines du développement agricole et de la nutrition. Il est aussi important que l’on arrive à une meilleure prise en compte des liens d’interdépendance entre agriculture et sécurité alimentaire d’une part, et enjeux globaux du climat et biodiversité d’autre part.

L’objet même du sommet, les « systèmes alimentaires », et le lien explicite établi entre sécurité alimentaire et l’ensemble des objectifs de développement durable marquent une évolution assez nette par rapport aux précédents événements de ce type.

Il faut dire que le dernier sommet comparable a eu lieu en 2009, il y a douze ans… Par le biais de cette nouvelle rencontre, la communauté internationale reconnaît désormais l’interdépendance des questions alimentaires avec les enjeux environnementaux globaux. Le changement climatique affecte la disponibilité alimentaire, fragilise les ménages vulnérables et compromet leur accès à l’alimentation. Or, nous savons à quel point, à terme, le maintien de la biodiversité est essentiel pour la productivité agricole.

Parler de systèmes alimentaires, c’est aussi prendre en compte l’ensemble des acteurs de la filière, de la production à la consommation. C’est donc reconnaître le rôle des consommateurs, celui du secteur privé, et insister à nouveau sur le rôle central de l’agriculture familiale.

Enfin, il faut attendre de ce sommet des solutions concrètes. Selon l’Agence française de développement (AFD), l’une des solutions passe par les banques publiques agricoles. C’est pourquoi, au cours de ce sommet, son directeur général Rémy Rioux interviendra pour mettre en avant l’enjeu de leur mobilisation.

Autrement dit, il faut soutenir une coalition de banques publiques agricoles travaillant ensemble afin de toucher les exploitants familiaux qui ne le sont pas encore. Il s’agit pour elles de disposer des instruments financiers adaptés aux besoins des petits producteurs, mais aussi d’améliorer la traçabilité de leurs financements au regard de leur contribution aux enjeux environnementaux. 

Cette coalition travaille d’ores et déjà, depuis le premier sommet Finance en commun. Elle va s’étendre pour prendre la forme d’une plateforme pérenne à l’occasion du sommet Finance en commun 2. Nous ne pourrons pas obtenir une transition vertueuse des systèmes alimentaires s’ils ne sont pas correctement financés. 

 

Quelle est la stratégie de l’AFD en matière de sécurité alimentaire ?

M. L. G. : Aujourd’hui, l’AFD intervient fortement pour le renforcement des exploitations agricoles familiales et le développement de l’agro-écologie. Il s’agit maintenant pour l’AFD d’intensifier son investissement sur les enjeux strictement alimentaires, c’est-à-dire l’accès à l’alimentation des populations vulnérables, la nutrition, ou encore la production de produits de base (céréales, tubercules…). Nous préparons pour ce faire une initiative spécifique.

Des projets dédiés à la sécurité alimentaire sont actuellement soutenus par l’AFD. Ainsi, au Niger, nous soutenons directement le dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires. Cela passe par le renforcement des institutions nationales concernées, et de leurs capacités à anticiper les crises et y répondre au mieux.

À l’échelle régionale, l’AFD soutient avec l’Union européenne la politique régionale de stockage de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Cette politique permet une solidarité entre les pays de l'organisation régionale en mettant en commun des ressources pour un stockage au niveau régional. Les denrées stockées sont mobilisées en réponse aux crises alimentaires traversées par les pays de la zone, en complémentarité des stocks existant aux niveaux local ou national. Ce financement est emblématique des actions soutenues par l’AFD en matière de sécurité alimentaire.