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Assemblée Bénin
Dans quelle mesure « les communs », ces ressources partagées et gérées en autonomie par une communauté, contribuent-ils à des objectifs d’intérêt général ? Comment les structures publiques peuvent-elles sécuriser ces initiatives citoyennes ? Lors d’une conférence organisée par l’AFD le 6 février, co-auteurs de l’ouvrage « L’Afrique en communs », chercheurs, politologues et acteurs de terrain ont débattu de ces questions.

Sur tout le continent africain, des initiatives citoyennes pouvant être qualifiées de « communs » fleurissent. Santé, numérique, accès à l’eau, habitat urbain… « Ces communs émergent par-delà les marchés et l’État, en élaborant de manière collective leur propre mode de gouvernance », explique Carl Bernadac, directeur exécutif adjoint Innovation, stratégie et recherche à l’AFD.

Une forme originale de contribution à l’intérêt général

Un commun, « c’est trois choses », rappelle Benjamin Coriat, économiste et co-auteur de l’ouvrage L’Afrique en communs, co-édité par l’AFD et la Banque mondiale : une ressource en accès partagé ; un ensemble de personnes qui ont des droits (d’usage, de prélèvement, de diffusion…) et des obligations liées à cette ressource ; et enfin une structure de gouvernance qui vérifie le respect de ces droits et obligations pour garantir la préservation de la ressource.


Écouter le podcast Existe-t-il des spécificités africaines quant au développement de certains communs ?


Si les pouvoirs publics ont intérêt à s’intéresser aux communs, c’est « parce qu’ils sont porteurs d’une valeur sociétale et environnementale originale, propre, additionnelle, à des niveaux auxquels la puissance publique d’une manière générale n’a pas accès », souligne Benjamin Coriat. Les communs se développent souvent à un niveau décentralisé, dans des domaines ou des zones où les dispositifs publics – tout comme les marchés – sont défaillants, voire absents. Le BabyLab, par exemple, a été fondé à Abobo, « l’une des communes les plus populaires de Côte d’Ivoire », explique Guiako Obin, fondateur de ce fablab qui est un exemple de commun numérique.

Penser autrement l’action publique 

« L’actualité en Afrique nous renvoie à l’urgence de penser autrement l’action publique », pointe Carl Bernadac. Cela peut passer par la reconnaissance, voire par la sécurisation des communs par les acteurs publics – au-delà de l’indifférence qui prévaut souvent, ou de l’opposition parfois constatée. Guiako Obin évoque, de son côté, la volonté de « se sentir comme des acteurs pris en compte dans les politiques publiques. »

Regarder la vidéo « Soutenir le potentiel des communs en Afrique » :

L’Afrique en communs recense plusieurs communs, dont le rôle environnemental, social ou économique a été reconnu par les pouvoirs publics. Qu’ils soient centraux ou locaux, les acteurs publics peuvent être « facilitateurs » et rendre possible les communs, en créant un cadre favorable à leur développement (réglementation adaptée, mise à disposition de locaux…). Les pouvoirs publics peuvent aussi aller plus loin, en contribuant aux communs – à condition qu’ils ne les dénaturent pas et « qu’ils ne se déchargent pas de leurs responsabilités sur eux », précise Stéphanie Leyronas, chercheuse à l’AFD et co-autrice de l’ouvrage.

Impulser une « approche par les communs »

« Ces sujets résonnent particulièrement du côté des bailleurs de fonds », plus habitués à leur rôle de financeur de projets de développement classiques, note Sophie Salomon, directrice adjointe du département de la recherche à l’AFD. Des expérimentations existent : « on a testé des choses, sur les communs agrosylvopastoraux de la vallée du fleuve Sénégal par exemple », poursuit-elle.

Regarder la vidéo « Vallée du fleuve Sénégal : sécuriser les communs de la terre et des ressources naturelles » :

Les travaux menés dans le cadre du programme de recherche de l’AFD sur les communs ont aujourd’hui permis de poser les bases d’une « approche par les communs ». Tant sur les postures que sur les outils, des bons réflexes existent – par exemple, recenser les communs pour réfléchir aux façons de les intégrer dans les projets ou favoriser leur mise en réseau plutôt que de chercher à les répliquer. Avec l’enjeu de « transformer des projets techniques en projets porteurs de sens et d’impact pour les acteurs, ce qui est fondamental pour le développement durable », insiste Sophie Salomon. 


Lire aussi : Les communs, un nouveau cadre pour les politiques de développement en Afrique


Pour Mamoudou Gazibo, politologue, ce sont autant de pistes qui viennent nourrir les réflexions pour repenser l’action publique en Afrique, en écho aux dynamiques sociales du continent pointées par la philosophe Tanella Boni lors de la conférence.


Revoir la conférence-débat « Quelles politiques publiques pour les communs ? » du 6 février 2024 en français ou en anglais