• logo linkedin
  • logo email
Passam Gouré agriculture
Annoncée en juillet 2020, l’initiative internationale de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD), à laquelle participe l’Agence française de développement, travaille à l’élaboration d’un cadre commun permettant aux institutions financières et aux entreprises d’évaluer, de suivre et de publier les risques financiers liés au déclin de la biodiversité. Pourquoi, comment et pour quels résultats ? Éléments de réponse.

Quels sont les objectifs de la TNFD ?

Plus de la moitié de la richesse économique créée au niveau mondial – soit 44 000 milliards de dollars – dépend à différents niveaux de la nature. Il peut s'agir de la fourniture d’eau potable ou de bois pour l’industrie, de l’entretien de terres cultivables, de la pollinisation des cultures ou encore de l'existence de paysages pour le tourisme.

Dans le contexte de dégradation des écosystèmes et de déclin rapide des espèces vivantes observées ces dernières années, cette dépendance à la nature implique un risque pour les entreprises de voir leur activité se réduire, et pour les institutions financières de ne pas récupérer une partie des sommes engagées.

Or, pour comprendre la manière dont ces risques peuvent affecter les performances financières à court et long terme, il manque aujourd’hui à la plupart des entreprises et institutions un cadre permettant de recueillir l’information utile avec les outils adaptés. C’est ce qui a conduit à la création d’un groupe de travail international sur la communication des données et la transparence des risques financiers liés à la nature : la TNFD.


Lire aussi : 3 risques que l'effondrement de la biodiversité fait peser sur la finance


« Il faut prendre en compte la perte d’écosystèmes, car c’est un risque pour les systèmes économiques. Et pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place des groupes de travail dont l’objectif est de faire en sorte que le secteur privé prenne en compte ces risques et les rende publics », estimait Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), lors du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, début septembre à Marseille.

« L’ambition de la TNFD est de livrer un cadre au secteur privé pour qu’il puisse produire de l’information permettant d’analyser les risques liés à la nature, afin d’intégrer celle-ci dans les processus de décision », explique Matthew Saville, chargé de recherche à l’Agence française de développement (AFD).

Pour y parvenir, la TNFD veut établir et promouvoir l’adoption d’un cadre intégré de gestion et de publication des risques regroupant les meilleurs outils et documents existants. L’objectif final est de contribuer à ce que les flux financiers internationaux se détournent des activités ayant des retombées négatives sur la biodiversité et privilégient celles ayant un impact positif.

La démarche s’inspire des travaux menés ces dernières années par la TCFD, son équivalent pour le climat, notamment pour la conception du cadre et l’engagement des parties prenantes, afin d’accélérer son adoption par les entreprises. « Les deux initiatives sont complémentaires », précise Matthew Saville.

Comment fonctionne la TNFD ?

L’initiative a débuté ses travaux préparatoires en septembre 2020 avec la création d’un groupe de travail informel composé de 75 membres : 8 gouvernements, 18 consortiums et 49 entreprises et institutions financières.

Ce groupe a été appuyé par un ensemble d’experts ainsi qu’un groupe réunissant les partenaires à l’origine de l’initiative : le Programme des Nations unies pour le développement, l’Initiative financière du programme des Nations unies pour l’environnement, Global Canopy et le WWF. Une équipe d’observateurs a également pu suivre et commenter les activités du groupe de travail informel.

En juin 2021, ce dernier est entré dans une phase plus officielle. Un groupe de travail composé de 35 membres issus du secteur privé – Axa, BNP Paribas, Nestlé, Tata Steel… – a pris le relais et tenu sa première assemblée plénière le 6 octobre, à Paris.

Le même jour, l’AFD a réuni le Development Finance Hub (DevHub), chargé de faciliter les échanges entre membres de la TNFD et de leur apporter informations et conseils. « L’expérience des banques publiques de développement est intéressante à partager. Cela fait longtemps que nous réfléchissons à la manière d’intégrer le climat et la biodiversité dans nos activités. Il y a des synergies à trouver entre public et privé », souligne Matthew Saville.

La TNFD est financée par l’ONU, par des gouvernements – Royaume-Uni, Pays-Bas, Suisse et France –, des fondations et des entreprises privées.

Et maintenant ?

La TNFD s’est fixée comme objectif de formuler une première proposition de cadre commun d'ici le début de l'année 2022. Le cadre définitif devrait quant à lui être publié en 2023. Cinq phases de travail sont au menu : construire, tester, consulter, diffuser et faire adopter.

Que faut-il en attendre ? « La mobilisation de ces acteurs privés dépendra de leurs intérêts, puisqu’ils n’ont pas un mandat pour protéger la biodiversité, observe Étienne Espagne, économiste à l’AFD. Il me semble qu’il est dans l’intérêt d’un fonds de pension, par exemple, de prendre soin de la nature, puisqu’il gère des actifs sur le long terme. En gardant toutefois en tête qu’il doit aussi générer des profits pour les retraites d’aujourd’hui. »