Cernée par des entreprises de produits chimiques, un abattoir et une raffinerie de pétrole, la baie de Hann, à Dakar, subit depuis de nombreuses années les rejets d’eaux usées qui entraînent ce que l’Union européenne qualifie de désastre écologique. Avec des répercussions colossales pour le pays sur les plans sanitaire, social, environnemental et économique.
« Il n’y a plus de poissons, déplore Ousseynou Ndiaye, un pêcheur dakarois. Ici, dans le quartier de Yarakh, 90 % des usines déversent leurs eaux usées dans la baie, et la chaleur dégagée par ces rejets n’est pas bonne pour la mer. »
Les pêcheurs sont contraints de s’aventurer à plus grande distance de la côte, et dépensent donc plus, pour moins de poissons.
De lourdes conséquences pour la santé, l’environnement et l’économie
Un canal de drainage, initialement construit pour acheminer les eaux pluviales jusqu’à la mer, reçoit les eaux usées de certaines habitations. Ces eaux usées non traitées contribuent à un niveau élevé de contamination (elles présentent notamment une concentration importante en bactéries fécales) et entraînent des problèmes sanitaires, en particulier des pathologies respiratoires, dermatologiques et gastro-intestinales.
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Le développement rapide et non maîtrisé de toute une zone urbaine sans un système d’assainissement approprié joue un rôle majeur dans ce contexte. La baie étant semi-fermée, avec peu de circulation de l’eau, les substances polluantes y sont piégées avant d’être finalement libérées dans l’océan Atlantique.
Les infrastructures sénégalaises n’ont pas pu accompagner le rythme de ce développement. Mais un projet de grande envergure rassemblant plusieurs partenaires est en cours pour nettoyer la baie, avec un soutien financier de plus de 140 millions d’euros, répartis comme suit :
- État sénégalais (9,26 millions d’euros) ;
- Groupe Agence française de développement (AFD) (83,1 millions d’euros en subventions et prêts) ;
- Invest International, basé aux Pays-Bas, (30 millions d’euros en subventions) ;
- Union européenne (14 millions d’euros en subventions) ;
- Des prêts de la Chinese Development Bank (CDB) sont par ailleurs en cours de négociation.
Un conduit de dépollution de 15 kilomètres
Les eaux usées seront collectées et déversées dans un réseau de traitement comprenant une canalisation de 15 km qui transportera les effluents jusqu’à une usine de traitement. Cette usine réalisera la première phase de filtration, qui consiste à retenir et retirer les matières solides et le sable.
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« Nous pouvons restaurer la qualité des eaux de la baie en mettant fin au déversement des effluents provenant directement de l’activité industrielle et indirectement des canaux de drainage des eaux pluviales », explique Alassane Dieng, coordinateur projet à l’Office national de l’assainissement.
La deuxième phase portera sur le traitement bactériologique. Les eaux traitées seront ensuite rejetées dans l’océan. Les travaux de construction, entamés en septembre 2020, devraient encore durer un ou deux ans.
Des réformes significatives pour éviter toute pollution future
Dans le cadre des mesures visant à reformer ce secteur, le gouvernement sénégalais va introduire le principe « pollueur-payeur » en instaurant une redevance d’assainissement pour les entreprises connectées au réseau. Les industriels devront prétraiter leurs effluents, et la facturation sera basée sur la quantité de polluants et le volume d’eau rejetés.
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Le gouvernement sénégalais assurera également la conformité aux normes environnementales en accélérant la mise en œuvre d’installations de prétraitement au niveau industriel.
Les bénéfices attendus devraient être considérables, certains rapports indiquant que des personnes souffrent actuellement de problèmes dermatologiques et respiratoires en raison de la pollution et d’un système d’assainissement largement dépassé. Les dizaines de milliers d’habitants de cette zone, autour de la baie de Hann, devraient profiter d’un air et d’une eau plus purs, ainsi que d’un système d’assainissement correct.
« Nos enfants seront en bonne santé grâce à l’amélioration de l’environnement dans lequel ils vivent », souligne Yandé Ngom, présidente du Réseau des femmes de Thiaroye-sur-Mer. Elle espère que les nombreux Sénégalais qui ont besoin de la pêche pour vivre pourront à nouveau pêcher plus près de leur foyer : « Les habitants n’auront plus de problèmes pour gagner leur vie. Ils pourront se concentrer sur eux-mêmes et sur leurs activités. »