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Kebede
En Éthiopie, Kebede Bejiga Geda, 47 ans, a parcouru un long chemin avant de devenir directeur d'une PME agricole. Son histoire illustre l’importance du soutien à ce type de structures, qui sont de véritables leviers pour l’émancipation des communautés dans le pays. Son entreprise a bénéficié d’un programme mis en œuvre par l’Agence éthiopienne de transformation agricole (ATA) et soutenu par le groupe AFD.

Kebede est un homme apprécié. Lorsque nous marchons dans les rues avec lui, les sourires se dessinent, les salutations fusent. Et pour cause : entre création d’emplois, accès aux services et produits agricoles (semences, fourrage, médicaments vétérinaires) ou encore organisation de formations pour les agriculteurs, le patron de 47 ans fait beaucoup pour sa communauté. Mais Kebede a dû se battre pour en arriver là. Il nous raconte son histoire.

Un combat pour aller à l’école

Kebede Bejiga Geda naît dans une famille pauvre dans le village de Bora, un woreda (district) de la zone Misraq Shewa, en Éthiopie. Encore aujourd’hui, dans le pays, environ 80 % de la population dépend de l’agriculture pour vivre et le taux de pauvreté est de plus de 50 %. 

Lorsque Kebede atteint l’âge d’aller à l’école, ses parents n’ont pas les moyens de payer ses frais de scolarité et n’ont d’autre choix que de l’envoyer vivre chez des proches. Pour son père, il est essentiel qu’il étudie pour avoir un avenir meilleur. En échange, il effectue les tâches ménagères du foyer. Pendant huit ans, il tient ce rythme difficile et il devient même premier de sa classe. 

Mais lorsqu’il passe en classe de 4e, il doit changer d’école et se rendre dans une autre ville. Ses proches mettent alors fin à leur accord et lui proposent de venir travailler à temps plein dans leur ferme. « J’ai pleuré, tellement pleuré, que de la famille basée aux États-Unis a entendu parler de mon cas et a proposé de m’aider en payant mon matériel scolaire. Mais pour le logement et la nourriture, je devais me débrouiller. »

Avec sa motivation inébranlable, Kebede déménage dans cette nouvelle ville. Pour survivre, il enchaîne les petits boulots en plus des études. Au fil des années et malgré tous ses efforts, il ne s’en sort pas. Ses notes baissent, et il rate son examen de fin d’études, l’équivalent du bac. Même si cette expérience est encore douloureuse des dizaines d’années plus tard, Kebede préfère en retenir le positif : « C’est ce qui m’a forgé, qui m’a donné envie d’aider les autres. » 


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La force d’entreprendre

Kebede revient alors chez ses proches, les suppliant de lui donner un travail. Ils acceptent, pour une paye de 10 birrs par jour – l’équivalent de 19 centimes d’euros. Il se forme alors aux métiers de l’agriculture : « J’ai commencé à comprendre que l’un des gros problèmes que rencontrent les fermiers, c’est l’accès. Nous devions faire des kilomètres pour trouver ce dont nous avions besoin. » Acharné, Kebede travaille jour et nuit. Mais au bout de quelques mois, il décide de tenter sa chance en ville.

À peine arrivé, il se rend chez le prêteur sur gage et emprunte 200 birrs (3,80 €), qu’il promet de rendre le lendemain. « Je me suis dit : qu’est-ce que je fais ? 200 birrs, ça ne vaut rien ! Mais une autre partie de moi me disait d’essayer. J’ai préféré écouter cette voix. »

Avec cet argent, il achète des produits agricoles, qu’il revend dans la journée. Le lendemain, il rend l’argent au prêteur, avec une plus-value de 20 birrs qu’il garde. Voyant qu’il est fiable, le prêteur lui propose 400 birrs. De jour en jour, d’année en année, la somme prêtée augmente. Le jeune Kebede fait grandir son activité, tout en se demandant comment faire en sorte que ses investissements bénéficient à la communauté.

L’opportunité d’avoir un impact

Alors en 2021, lorsqu’il est approché par l’Agence éthiopienne de transformation agricole (ATA), qui lui propose de l'accompagner pour l’ouverture de son « One Stop Shop », une boutique de proximité permettant aux agriculteurs de gagner un temps considérable sur les achats nécessaires à leur activité, il n’hésite pas une seconde. 

« La question de l’accès est essentielle dans les milieux ruraux. Semences, grains, médicaments pour les animaux… Grâce au One Stop Shop, les agriculteurs peuvent bénéficier d’un accès immédiat aux produits et services dont ils ont besoin pour faire prospérer leur ferme, mais aussi être conseillés par des professionnels, comme des vétérinaires ou des agronomes. C’est une véritable plus-value pour eux », explique Kebede. 


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Kebede est aujourd’hui propriétaire du One Stop Shop agricole de Bote, dans la région d'Oromia. Il a bénéficié d'un programme, soutenu par l'AFD et mis en œuvre par l'ATA, qui s'appuie notamment sur la plateforme Agrihub pour accompagner les PME agricoles dans leur développement commercial et leur accès aux financements. 

« Nous proposons aussi aux agriculteurs des formations plusieurs fois par an sur les bonnes pratiques. Je me réjouis que même les agriculteurs qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, ou qui comme moi n’ont pas pu aller jusqu’au bout, puissent apprendre à mieux produire ! » Alors que 20 millions de personnes sont en insécurité alimentaire en Éthiopie, le renforcement du secteur agricole est un enjeu majeur.

De surcroît, les employés du One Stop Shop bénéficient chaque année de formations sur la gestion du magasin, la relation clients ou la comptabilité. L’objectif est de renforcer leurs compétences et de pérenniser la PME. Pour Kebede, ces formations font fait une vraie différence : « Nous sommes beaucoup plus efficaces, et nous avons tous pu monter en compétences, renforçant aussi notre crédibilité. Tout le monde est content : les employés, mais aussi les clients ! »

« De par mon histoire, et parce que j’ai réussi à m’en sortir, j’ai le sentiment d’avoir une responsabilité sociale vis-à-vis de la communauté. Ce projet m’a permis de la concrétiser », conclut Kebede.