Contrairement aux idées reçues, l'Indice du genre dans les Objectifs de développement durable 2022 montre que peu de progrès en faveur de l'égalité de genre ont été réalisés à travers le monde entre 2015 et 2020. Le score de l'indice mondial en matière d'égalité de genre relevé pour 2020 n'était que de 67,8, soit une faible amélioration, de moins de deux points, depuis 2015. Pire, les effets combinés du Covid-19 et des crises internationales récentes provoquent un recul inquiétant, dans le domaine de l’éducation des filles notamment, mais aussi pour les violences basées sur le genre, l’emploi des femmes et les droits et la santé sexuels et reproductifs. Les pertes d’apprentissage et la flambée des décrochages scolaires pourraient entraîner une baisse des revenus pour toute une génération, estimée à dix milliards de dollars. Dix millions de mariages précoces supplémentaires pourraient avoir lieu d’ici la fin de la décennie, ce qui risque d'aggraver encore la déscolarisation. L’Unesco estime que plus de 11 millions de filles ne retourneront pas à l’école après la pandémie.
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Mais comment comprendre la volonté du groupe AFD et des grandes institutions internationales de cibler spécifiquement l’égalité de genre, si les crises n’épargnent personne et que le développement bénéficie à tous ? Sur le terrain, il s'avère en effet que les dominations de genre impactent la stabilité des géographies ciblées, entravent la résilience et la réduction de la pauvreté, limitent la croissance et la cohésion sociale. C’est donc pour gagner en efficacité que le groupe AFD inclut désormais l’analyse des inégalités de genre dans les nombreux programmes et politiques d’investissement auxquels elle prend part.
« On ne peut plus envisager les choses autrement, dans un monde profondément inégalitaire et alors que le développement est par essence un sujet humain. Quel que soit le projet porté, le développement a des implications et des répercussions sur l’égalité de genre, explique Mar Merita Blat, experte des questions de genre auprès de l’AFD. Cette approche permet de travailler en même temps sur des aspects spécifiques (comme les violences faites aux femmes) et transversaux (comme le lien entre genre et climat). »
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Dans le cas d’un projet d’infrastructure de transport, par exemple, a priori sans lien avec le genre, il ressort au Maroc que de sérieux bénéfices sont mesurés en matière de justice sociale. Au-delà d’un service de mobilité amélioré, les femmes y ont désormais un meilleur accès aux études, à la culture, au marché du travail. Au Mexique, une étude de la Banque mondiale montre qu’à l’inverse, les femmes hésitent à travailler en raison de l’insécurité dans les transports. Des dépenses destinées à améliorer les équipements de transport public, et envisagées sous le prisme de l'égalité de genre, peuvent donc non seulement favoriser la mobilité, mais aussi créer des conditions susceptibles d’aider les femmes à intégrer le marché du travail formel.
Cette grille de lecture articulant les enjeux du développement et de l’égalité de genre s'avère particulièrement pertinente quand il s’agit d’éducation. Selon la Banque mondiale, l’absence d’éducation secondaire des filles coûte aux pays entre 15 000 et 30 000 milliards de dollars en pertes de productivité et de revenus pour une génération… Sans compter, par ailleurs, la perte des bénéfices en termes de santé, de citoyenneté, de cohésion sociale et d’environnement. Mar Merita Blat prévient : « L’égalité de genre n’est pas qu’un sujet de gain économique. On peut dire qu'elle agit comme un accélérateur sur les effets des politiques de développement. Elle permet d’ouvrir le champ des possibles sur la base des droits humains, d’optimiser les stratégies d’intervention dans toutes les dimensions de leurs impacts. »
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Miser sur l'éducation des filles
Il est attesté par exemple qu’un meilleur accès à l’éducation des petites filles retarde l’âge du premier enfant, réduit fortement la mortalité en couches à l'âge adulte, la mortalité infantile, l’exposition aux violences familiales et le nombre de grossesses non désirées. Moins attendu, une étude a révélé que le nombre de décès dus aux événements météorologiques pourrait être inférieur de 60 % d'ici 2050 si 70 % des femmes atteignent le premier cycle de l'enseignement secondaire. La traduction d’une injuste réalité : la grande majorité des victimes lors de catastrophes naturelles sont des femmes et leurs enfants en bas âge.
« L’éducation des jeunes filles est donc au cœur de l’action de l’AFD. Nos interventions ont soutenu la scolarisation d’environ un million de filles par an sur la période 2018-2020. Nous ciblons le secondaire, du fait du rôle majeur de la scolarisation au collège dans l’émancipation des jeunes filles, notamment en milieu rural, face à la combinaison de facteurs de vulnérabilité : risques de mariages et de grossesses précoces, poids des normes et attentes sociales, etc. », souligne Virginie Delisée-Pizzo, responsable de la division Éducation, formation et emploi à l’AFD.
Cette approche vient illustrer l’une des orientations majeures du groupe AFD, au travers du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), co-piloté par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et l’AFD. Il s’inscrit dans le cadre de la diplomatie féministe française et de la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2022. Avec une enveloppe de 120 M€ sur trois ans (2020 à 2022), ce fonds finance les associations féministes dans tous leurs domaines d’action, y compris l’éducation et l’autonomisation des filles et des adolescentes.
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« L'objectif du fonds est de développer les actions des organisations féministes pour travailler sur les barrières et normes sociales limitant la scolarisation des filles. En cela, il permet une diversification des partenaires pour l’AFD, dans une approche complémentaire de celles des acteurs publics via des actions transformationnelles en matière de genre, et via le renforcement de l’égalité par l’éducation, pour amplifier la voix des femmes », conclut Virginie Delisée-Pizzo.
Face à l'urgence que suscite l’épuisement des ressources planétaires, combiné à l’accroissement des populations et au dérèglement climatique, le combat pour l’égalité de genre apparaît comme l’indispensable instrument d’accélération des changements structurels nécessaires. C’est pourquoi l’AFD suit rigoureusement les recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes pour mettre en œuvre la posture résolument féministe, intersectionnelle et universelle revendiquée par la France dans tous ses domaines d'intervention.