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Conflits, dérèglement climatique, épidémies… La sécurité alimentaire se dégrade dans de nombreuses régions du monde, alerte Matthieu Le Grix, responsable de la division Agriculture, développement rural et biodiversité de l’AFD.

Avec la sécheresse qui a empiré cette année dans de nombreuses régions du monde, les perspectives pour la sécurité alimentaire sont inquiétantes…

La situation alimentaire est en forte dégradation depuis 2014 à l’échelle mondiale. Elle est liée à différents facteurs : les conflits, l’instabilité climatique croissante, l'appauvrissement des ressources naturelles, notamment de la fertilité des sols en Afrique. Ces éléments sont à l’origine d’une dynamique négative ensuite amplifiée par la crise du Covid-19, qui a déstabilisé les chaînes d’approvisionnement et restreint la mobilité des hommes, du bétail et des produits agricoles, ajoutant de l’insécurité alimentaire à une situation déjà critique.

La guerre en Ukraine est venue aggraver encore cette situation, avec un impact très fort sur le prix des céréales pour les pays importateurs de blé provenant d’Ukraine et de Russie. Les conséquences de la hausse du prix du blé sont à relativiser s’agissant de l’Afrique subsaharienne, où sa part dans la diète est très faible comparée à d’autres produits d’origine locale. C’est en revanche un vrai sujet pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, par exemple.


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Mais il y a surtout l’augmentation du prix des engrais, pour partie produits en Russie et en Biélorussie et dont les prix sont liés à ceux de l’énergie. Faute d’y avoir accès à hauteur de ce qu’ils ont l’habitude d’utiliser, les agriculteurs de la zone sahélo-soudanienne anticipent une récolte 2022 bien moins importante. La soudure 2023, la période entre la fin des stocks de l’année précédente et la disponibilité de la nouvelle récolte, risque d’être très compliquée.

La sécurité alimentaire est aussi une question d’accès. Il ne suffit pas d’avoir dans un pays des produits en disponibilité suffisante, il faut aussi que les gens puissent se les procurer, en milieu urbain comme en milieu rural. Et là aussi, nous observons des difficultés croissantes, à la fois du fait de l’impact de la crise sanitaire et de la forte inflation qui s’en est suivie. « Éliminer la faim », l’un des Objectifs de développement durable des Nations unies, sera compliqué à atteindre d’ici 2030.

Comment l’Agence française de développement agit-elle sur ce sujet ?

La problématique de l’agriculture et du développement rural est un secteur traditionnel d’intervention de l’AFD pour lutter contre la faim, avec des logiques d’amélioration des revenus et du niveau de vie des agriculteurs, à travers une meilleure capacité de production, mais aussi des logiques plus intégrées de développement de l’espace rural pour que ces populations aient accès aux services de base et à des ressources naturelles gérées de manière plus durable.

L’AFD s’engage de façon importante contre l’insécurité alimentaire. Sur les dernières années, entre 400 et 500 millions d’euros sont consacrés chaque année, en moyenne, à des projets contribuant à la sécurité alimentaire dans nos pays d’intervention.


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En 2021, nous avons élaboré une initiative dédiée à ces enjeux, « Alimentation en commun », qui partait du constat que l’AFD se devait de faire davantage en faveur de projets contribuant plus directement à la sécurité alimentaire. Nous ciblons ainsi davantage nos financements sur la production de produits de base consommés dans nos pays d’intervention, ainsi que sur leur disponibilité à travers des dispositifs de stockage.

La stabilité, c’est aussi faire en sorte d’être mieux préparés et plus résilients face aux chocs : chocs climatiques, attaques de ravageurs… Nous travaillons depuis des années sur les systèmes de prévention des crises acridiennes en Afrique de l’Ouest, et désormais aussi en Afrique de l’Est. Nous soutenons également l’accès à l’alimentation, avec des dispositifs de filets sociaux ciblés sur les populations vulnérables du point de vue alimentaire. Nous donnons également la priorité à l’agroécologie et à la durabilité des systèmes de production, à travers l’accompagnement à la transition agroécologique.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?

Au Sénégal, nous soutenons le développement de l’irrigation et de la production de riz dans le delta du fleuve Sénégal, afin de réduire les importations de riz du pays et d'améliorer son autonomie alimentaire. Nous travaillons aussi sur la question de la gestion foncière et du pastoralisme.

Au Niger, en zone semi-aride, nous finançons le Projet d'appui à la sécurité alimentaire des ménages (Pasam), qui initie des solutions issues de l’agroécologie contre l’ensablement des cuvettes oasiennes : couvert végétal, haies, association de cultures, meilleure irrigation… Ce projet, mis en œuvre par l’ONG Karkara, s’inscrit dans le cadre de la Grande muraille verte (GMV), une vaste initiative de restauration écologique et de lutte contre l’insécurité alimentaire dans la bande sahélienne.


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Je peux également évoquer le projet d’appui à la politique de stockage de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). L’idée est d’accompagner une politique régionale qui fait jouer la solidarité entre les États membres en mettant en place une stratégie de stockage à différentes échelles. Les sécheresses ne se produisent pas partout au même moment, ce qui permet de faire jouer la solidarité à l’échelle régionale.