Quels sont les objectifs de ce prêt ?
Jérôme Trinelle : Les actions de l’Adie en Outre-mer permettent de toucher un public d’entrepreneurs qui n’a que peu ou pas accès au système bancaire traditionnel. Ce public est composé majoritairement de femmes, de moins de 30 ans, d’habitants en zone rurale sans diplôme, et parfois vivant sous le seuil de pauvreté. Le prêt de l’AFD nous permet d’être sereins sur les lignes de refinancement du microcrédit pour les vingt-quatre prochains mois. Ce prêt correspond à 25 % du total des prêts que l’on accorde dans l’Outre-mer sur cette période.
Clara Dufresne : L’AFD accompagne l’Adie depuis 2005 et a renouvelé sa confiance pour les prochaines années, grâce à un prêt de 34 millions d’euros sur deux ans (16 millions d'euros en 2023 et 18 millions d'euros l’année suivante). Il permettra de développer l’action de l’Adie à travers les microcrédits alloués aux entrepreneurs individuels et très petites entreprises bénéficiaires, en cohérence avec les objectifs stratégiques de l’AFD sur les enjeux de développement économique et social des territoires ultramarins.
Quels sont les principes fondateurs de la microfinance ?
J.T. : La microfinance fournit une palette de produits financiers de plus en plus sophistiqués incluant, au-delà du crédit, des services d’épargne, d’assurance ou de transferts, à des populations jusqu’ici exclues du système bancaire, qui souhaitent lancer une activité mais sans argent, sans étude et sans réseau pour le faire.
Maria Nowak, présidente-fondatrice de l’Adie, rencontre Muhammad Yunus [économiste bangladais lauréat du prix Nobel de la paix en 2006] dans les années 1980, qui lui parle alors du rôle essentiel des institutions de microcrédit dans les pays du Sud. En France, c’est l’époque de la création du revenu minimum d'insertion. Maria Nowak prend la mesure de la pertinence du microcrédit dans le système européen et y crée l’Adie en 1989. Celle-ci s’est développée dans les Outre-mer au cours des années 2000 et a ainsi ouvert un sas d’entrée vers le système bancaire traditionnel aux Antillais et Guyanais qui en étaient écartés jusqu’alors.
Lire aussi : Les Outre-mer en transitions : quels défis pour l'avenir ?
C.D. : Des actions qui paraissent anodines, comme déposer son argent dans un lieu sécurisé, investir pour démarrer son activité ou la développer, rembourser un ami par virement, être conseillé sur son épargne, sont impossibles pour 1,7 milliard d’adultes dans le monde qui ne détiennent pas de compte auprès d’une institution financière formelle. Les banques perçoivent souvent ces gens comme une clientèle à risque car insuffisamment solvable selon les standards de la profession. L’inclusion financière permet de répondre à ce défi et propose aux individus et aux microentreprises des services financiers adaptés à leurs besoins.
À qui s’adresse majoritairement la microfinance dans la zone Antilles-Guyane ?
J.T. : La microfinance touche beaucoup de monde ! En Martinique, Guadeloupe et Guyane, où l’on compte près d’un million d’habitants, environ 3 000 personnes ont utilisé nos services cette année. C’est un public majoritairement féminin, originaire des quartiers prioritaires de la ville ou issu de l’immigration, doté d’un esprit entrepreneurial très fort.
L’exclusion du système bancaire traditionnel est plus fréquente dans les territoires d’Outre-mer que dans l’Hexagone. Les taux de chômage sont élevés et les collectivités locales et le secteur privé ne parviennent plus à répondre à la demande. Face à l’exode des populations dans nos territoires, il est impératif de trouver rapidement des solutions pour retenir les jeunes, créer de la richesse localement, des entreprises non délocalisables et de l’emploi. La microfinance est une réponse formidable.
Lire aussi : Prix AFD Jeunes chercheurs Outre-mer : inégalités et changement climatique au cœur des travaux des lauréats
Quels services de microfinance l’Adie propose-t-elle ?
J.T. : L’Adie propose des microcrédits à partir de 500 euros et jusqu’à 15 000 euros pour les porteurs de projet. Notre association offre également un service d’accompagnement avant, pendant et après la création d’entreprise. Cet accompagnement est totalement adapté aux individus en demande et à leurs besoins, afin de ne pas les décourager.
Nous avons développé une offre simple, accessible à tous et à la carte : par exemple, une semaine de formation pour balayer l’ensemble des sujets de la création d’entreprise, ou encore deux ans de coaching individualisé pour guider les personnes issues du secteur informel vers le système formel. Notre objectif est de déconstruire les idées reçues sur la création d’entreprise et de rappeler que tout le monde peut devenir entrepreneur. Finalement, l'Adie propose des solutions de micro-assurance permettant de sécuriser le parcours des entrepreneurs en cas d'imprévu, mais aussi de faciliter l'accès à une offre parfaitement adaptée à leurs besoins.
Que fait l’AFD pour renforcer les capacités des acteurs de l’inclusion financière ?
C.D. : Le groupe AFD possède une gamme complète d’outils financiers à destination du secteur et peut intervenir sur toute la chaîne, en direct auprès des institutions financières, en soutien à des initiatives sectorielles et des infrastructures de marché et plus largement, entre autres, par un soutien au régulateur. Les engagements du Groupe en inclusion financière ont atteint presque 600 millions d’euros en 2021.
Le groupe AFD est partenaire en Haïti d’ACME (Action pour la Coopération avec la Micro Entreprise), qui finance avant tout des micro-entrepreneurs, en particulier des femmes, malgré des opérations fragilisées par la crise du Covid et par l’instabilité politique du pays. En République dominicaine, Proparco travaille avec l’ONG FONDESA et avec sa filiale bancaire Banfondesa, qui a financé notamment des crédits étudiants, des projets dans le secteur agricole et des logements sociaux.
Pour aller plus loin, découvrez le web-documentaire La protection du client en microfinance, avec des témoignages de responsables d'institutions de microfinance, de clients, d'experts et d'ONG, au Cambodge, au Sénégal et au Maroc.