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L’Onu a 80 ans : « Notre relation est une évidence invisible »
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Créée en 1945, quatre ans après l’Agence française de développement (AFD) alors appelée Caisse centrale de la France libre, l’Organisation des Nations unies (Onu) partage avec l’AFD une riche histoire au service du développement durable. À l’occasion des 80 ans de l’institution internationale, François Pacquement, chargé de mission Histoire et Réflexion stratégique à l’AFD, et Elsa Duret, conseillère pour les Partenariats internationaux, reviennent sur cette relation particulière.
Leurs missions convergent vers les mêmes objectifs. À tel point que le groupe Agence française de développement a pris l’engagement d’être aligné à 100 % avec les Objectifs de développement durable promus par les Nations unies depuis 2015. « Les accords internationaux forgés sous l’égide de l’Onu sont à la fois une boussole et un moteur du développement durable et de la lutte contre le changement climatique, ils modèlent les objectifs et investissements du groupe AFD ; cette relation va dans les deux sens dans la mesure où l’AFD, dans le cadre de l’Équipe France, contribue également au cadre multilatéral incarné par l’Onu », affirme Elsa Duret.
Pour mieux comprendre le lien qui les unis, un retour en 1919 s’impose. C’est l’année de la création de la Société des nations, l’organisation internationale établie pour préserver la paix en Europe après la Première Guerre mondiale, et dont l’Onu a pris le relais à l’échelle mondiale en 1945.
Parmi les premiers cadres de la Société des nations se trouve le français Pierre Denis. Le même qui, en exil à Londres, concevra en 1941 la Caisse centrale de la France libre – qui deviendra l’AFD –, la première agence de développement au monde, avant de rejoindre l’Organisation des Nations unies. « C’est grâce aux relations qu’il a tissées dans le cadre de la Société des nations que Pierre Denis a pu construire ce qui deviendra l’AFD. Il fut son premier directeur général, explique François Pacquement. Par la suite, il fut impliqué très tôt dans le système des Nations unies, notamment aux côtés de Pierre Mendès-France et Philippe de Seynes. »
Ce dernier, relativement méconnu, est l’homme qui, durant vingt ans, de 1955 à 1975, façonna le système des Nations unies pour le développement. Ce cadre multilatéral guida par la suite les interventions de nombreuses banques de développement, dont l’AFD, qui incarnait déjà à cette époque le financement français du développement aligné sur les priorités onusiennes.
« Pour que les pays en développement puissent participer pleinement à l’Onu, et qu’elle puisse fonctionner, celle-ci y a déployé des programmes d’assistance technique. Coordonnés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ils ont eu un impact très important sur le bon fonctionnement de nos opérations », rappelle François Pacquement.
En route vers les Objectifs de développement durable
Les années 1990 voient l’émergence de deux thématiques qui deviendront centrales : le développement humain et le développement durable. En 1992, au sommet de la Terre de Rio, les Nations unies font du deuxième un objectif commun à tous les pays, industrialisés comme en développement. Ces thématiques deviennent dès lors aussi des priorités pour l’AFD. Pour François Pacquement, « entre l’Onu et l’AFD nous sommes ainsi passés d’une proximité des opérations, matérialisée par les relations entre nos directeurs d’agence locale et les représentants du PNUD, à une convergence stratégique ».
Les différentes conférences organisées par les Nations unies durant cette décennie aboutiront aux Objectifs du millénaire pour le développement, adoptés en 2000. C’est à ce moment qu’émerge un nouveau concept, celui des biens publics mondiaux, qui fut transposé au sein de l’AFD peu de temps après.
En septembre 2015, faisant suite à la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement, l’Assemblée générale des Nations unies adopte 17 Objectifs de développement durable (ODD). Les pays membres se fixent des cibles précises à atteindre pour éradiquer la pauvreté, préserver l’environnement et le climat, soutenir la bonne gouvernance et la prospérité avant 2030. En décembre de la même année, l’Accord de Paris sur le climat est signé. Développement et climat sont désormais liés.
« Les Nations unies ont permis cette année-là aux États membres de renouveler un cadre stratégique coopératif pour le développement et la France y a joué un rôle important », souligne François Pacquement. Les objectifs adoptés deviennent immédiatement un cadre de référence pour l’AFD, comme pour tous les acteurs du développement.
En 2020, un premier sommet regroupe les banques publiques de développement du monde entier autour d’objectifs partagés : Finance en Commun (FiCS). Ce réseau, dont le siège est hébergé par le groupe AFD, regroupe aujourd’hui plus de 530 institutions financières et bénéficie de la reconnaissance de l’Onu comme un acteur majeur du financement public du développement.
« Notre mission est de faire en sorte que les grands engagements pris par la France vis-à-vis des Objectifs de développement durable et de la lutte contre le changement climatique se traduisent en financements et impacts », observe Elsa Duret.
L'AFD à l'Assemblée générale de l'Onu 2025
Présent lors de l'Assemblée générale de l’Onu en septembre 2025, Rémy Rioux, directeur général de l'AFD, a d'ailleurs rappelé le rôle clé du FiCS pour financer les ODD et le climat, et salué la reconnaissance des institutions financières dans le document final de la FFD4 (la Quatrième Conférence internationale sur le financement du développement durable). « Au milieu de la profonde crise à laquelle est confrontée la coopération internationale, nous sommes fermement convaincus que les banques nationales de développement (BND), ainsi que leurs partenaires internationaux, sont particulièrement bien placées pour concilier solidarité et souveraineté, d’une manière renouvelée et attendue. Le FiCS est un laboratoire ouvert et concret pour réinventer le cadre de la coopération internationale », a souligné Rémy Rioux, en présentant une feuille de route pour bâtir une architecture financière inclusive.
Les collaborations directes entre l’AFD et les agences, fonds et programmes du système de développement des Nations unies avec par exemple l’Unicef, l'Unesco, Onu Femmes, le PNUD, le Fonds international de développement agricole (Fida) ou encore Onu Habitat et l’OMS sont multiformes : « Plaidoyer conjoint dans les fora internationaux, régionaux et dans les dialogues de politiques publiques ; échanges d’expertises et d’expériences dans le cadre de communauté de pratiques ; action collective dans le cadre de coalitions thématiques ; co-financement et collaboration sur projets à la demande de pays partenaires » détaille Elsa Duret.
Ces cofinancements et collaborations sur projets représentent une petite part de l’activité du groupe AFD. Mais l’essentiel est ailleurs : la conviction d’une mission partagée et la proximité sur le terrain. « Notre relation avec les Nations unies est une évidence invisible : une évidence parce qu’on ne peut pas se passer d’eux, et invisible parce que ce sont des mécanismes qui tiennent à la magie de la répartition des tâches au sein du monde du développement, estime François Pacquement. Avec les Nations unies, nous participons de missions convergentes, indispensables pour que des politiques publiques mondiales puissent se déployer. Parce qu’à notre époque, la coopération est plus que jamais indispensable. »