Petit pays situé sur le plateau des Guyanes et abritant environ 600 000 habitants, le Suriname génère un volume exponentiel de déchets. D’ici 2040, la population pourrait enregistrer une croissance de 25 % et générer 403 000 tonnes de déchets par an, contre 253 000 tonnes aujourd’hui. Le groupe AFD et la Banque Interaméricaine de Développement (BID) ont décidé de collaborer pour soutenir la création d'un système intégré de gestion des déchets solides.
Chaque institution a financé sa propre étude, portant sur des aspects complémentaires. Pierre Bourguignon, responsable du bureau AFD Suriname-Guyane, à Paramaribo, et Gilroy Lewis, expert Eau et assainissement à la BID, livrent leur point de vue sur la situation dans le pays et sur les résultats attendus.
Quels sont les enjeux prioritaires dans le secteur des déchets au Suriname ?
Pierre Bourguignon Le Suriname fait face à de nombreuses difficultés concernant la gestion de ses déchets : l’absence d’une stratégie nationale claire, l’inefficacité de la collecte et du transport des déchets, l’absence d’infrastructures de traitement et de régulation, ce qui cause des problèmes de pollution environnementale et de sécurité sanitaire, et enfin, le manque de ressources financières.
Gilroy Lewis Malheureusement, au Suriname, les décharges à ciel ouvert, les décharges sauvages et l'incinération sont des pratiques courantes. Les questions prioritaires à traiter sont le renforcement du cadre politique, institutionnel et juridique pour la mise en œuvre de politiques, de stratégies et de lois sur la Gestion intégrée des déchets solides (GIDS). Cela permettra d’instaurer des normes et des lignes directrices opérationnelles pour réglementer le secteur.
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Quels sont les objectifs des études financées ?
GL L'étude financée par la BID vise à mettre en œuvre des activités prioritaires dans le cadre d'un nouveau Programme de gestion intégrée des déchets solides (IWMP), commandé par le gouvernement surinamais en 2022. L'étude a pour objectif un renforcement institutionnel qui soutiendra la coordination nationale des stratégies, des politiques, des lois, de la budgétisation et des investissements majeurs liés à la gestion des déchets au Suriname, tout en appuyant les programmes de sensibilisation. Nous devrions lancer l’étude en avril et elle durera 24 mois.
PB L’étude financée par l’AFD portera sur les pratiques de collecte et de traitement. Le Suriname partage sa frontière orientale avec la Guyane française, et sur cette frontière se trouve le fleuve Maroni. Une partie des déchets surinamais se déverse dans le fleuve, participant à la pollution des berges côté français. L’AFD appuie la Guyane française via la mise en place d’une assistance technique près de la Communauté de communes de l’Ouest guyanais (CCOG). Parallèlement, la gestion des déchets dans l’est surinamais doit impérativement être prise en charge pour mettre fin à cette pollution.
Malgré l’élaboration de deux plans d’action nationaux (le premier en 2009, ensuite revu en 2022) et un diagnostic centré sur Paramaribo en 2017, très peu d’actions ont été mises en place. Cet appui porté par l’AFD fait suite à une priorisation de l’État du Suriname, dans son plan de développement multi-annuel 2022-2026, de la nécessité d’intervenir dans le secteur des déchets solides. En plus de l’étude, nous pensons financer une campagne de sensibilisation à la gestion des déchets et au tri.
En quoi les deux études sont-elles complémentaires ?
PB Les efforts de coordination entre la BID et l'AFD sont positifs et permettront d’atteindre les objectifs plus efficacement, sans duplication des activités de nos deux institutions. Nos deux études permettront d’acquérir une meilleure compréhension du secteur en vue d’une intervention ultérieure de plus forte envergure.
GL La résolution des défis en matière de gestion des déchets solides nécessitera un effort concerté de la part du gouvernement, de la société civile et des agences de développement. L’étude financée par l'AFD se concentrera sur les pratiques actuelles de collecte et de traitement dans l’est du Suriname et la proposition de solutions techniques et financières. L'étude financée par la BID abordera davantage les défis liés à la gouvernance, tels que le manque de coordination nationale des agences et institutions, ou encore le manque de clarté des rôles en matière de réglementation, en lien avec l'AFD le cas échéant.