
Contexte
La Tunisie est un territoire particulièrement exposé aux impacts du changement climatique sur les plans environnementaux, sociaux et économiques. En raison de pratiques agricoles inadaptées, la disponibilité des ressources hydriques a diminué, le processus de salinisation s’est aggravé, et les terrains et couverts végétaux ont connu une dégradation significative. Depuis septembre 2018, l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ) et le ministère de l’Agriculture tunisien travaillent en collaboration avec l’AFD sur le développement d’un modèle macroéconomique issu du programme GEMMES permettant d’effectuer des projections des rendements agricoles jusqu’en 2050 et de considérer les politiques envisageables.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de travaux de modélisation qui intègrent l’impact du changement climatique dans les prévisions macroéconomiques, afin d’éclairer les choix de politiques publiques en la matière. L’AFD développe d’une part un modèle théorique général, et d’autre part des modèles nationaux appliqués à des cas concrets et adaptés aux caractéristiques de chaque pays, dont le modèle GEMMES Tunisie.
Ce partenariat est réalisé dans le contexte du mémorandum de dialogue stratégique entre l’AFD et le ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale tunisien. Cette collaboration passe par la production conjointe d’études, de diagnostics et d’outils de modélisation, en vue de favoriser des politiques de développement inclusives et durables.
Consulter la brochure : L'AFD et les outils de modélisation macroéconomiques pour la transition écologique
Objectif
GEMMES Tunisie a pour vocation d’analyser les effets macroéconomiques du dérèglement climatique sur l’agriculture. En réalisant des modélisations de trajectoires de développement, il améliore la compréhension des interactions entre économie et environnement et permet d’éclairer la décision publique. Aspirant à favoriser les échanges entre monde de la recherche et décideurs politiques, ce projet a pour but de placer les enjeux de la transition écologique et de la soutenabilité forte au cœur du dialogue politique. Il vise à devenir un outil au service des autorités tunisiennes, en contribuant à évaluer les avantages des politiques d’adaptation pouvant éventuellement être mises en place.
Méthode
Le modèle GEMMES repose sur une analyse transdisciplinaire, en mesure de prendre en compte l'hétérogénéité sectorielle, que ce soit concernant les structures de marché, l'accès aux marchés financiers ou l’emploi, ainsi que les déséquilibres structurels propres à un changement aussi profond que celui du changement climatique. GEMMES Tunisie utilise cette méthode afin de tester différents scénarios concernant la mécanisation de la production agricole, l'amélioration des pratiques agricoles ainsi que l’investissement dans les ressources hydriques.
Le programme de recherche se décompose en plusieurs phases :
- La première année a été consacrée à l’identification des fragilités macroéconomiques et écologiques dues aux impacts du changement climatique sur l’agriculture et le cycle de l’eau.
- La seconde reposait sur la construction du cadre macroéconomique et le choix du modèle agricole.
- La troisième année est dédiée à la combinaison du modèle macroéconomique et du modèle du cycle de l’eau au travers de l’ajout de dynamiques agricoles.
Résultats
Les scénarios établis par le modèle GEMMES Tunisie révèlent que la mise en place de politiques d’adaptation est nécessaire et souhaitable. Une absence de ce type de politique conduirait à une hausse conséquente de la dette extérieure, ce qui diminuerait la valeur de la monnaie nationale et ainsi le pouvoir d’achat des habitants, tout en menaçant la sécurité alimentaire du pays. De même, l'inflation alimentaire atteint des niveaux très élevés, ce qui aura un impact massif sur l'augmentation de la pauvreté parmi les ménages tunisiens.
A l’inverse, les bénéfices des politiques de développement durable dépassent ses coûts en limitant la hausse du chômage rural, l'urbanisation rapide et la baisse des revenus par habitant. Comme résultat important, les avantages sociaux et économiques des politiques d'adaptation envisagées pour la Tunisie sont encore plus élevés si ces politiques sont financées par des prêts à faible coût en devises étrangères par des fonds climatiques, des obligations vertes ou des institutions financières internationales. Dans ce cas, les politiques d'adaptation ont un effet beaucoup plus bénéfique sont beaucoup plus élevés et les coûts des importations alimentaires mettent beaucoup moins de pression sur la balance des paiements, l'inflation alimentaire, le taux de change et donc le revenu par habitant des ménages tunisiens. Ainsi, les résultats de ce projet concordent avec le positionnement de l’AFD en faveur de la soutenabilité forte.
Enseignements
Ce programme de recherche a permis de mettre en lumière la difficulté de quantifier les impacts du changement climatique dans un contexte de disponibilité limitée des données, sans pour autant rendre l’exercice impossible. En effet, produire des modèles nationaux dans ce contexte a incité les équipes de recherche à tester une plus grande diversité de scénario ou à réunir différentes sources de données par exemple.
- Télécharger le papier de recherche: Climate change, loss of agricultural output and the macro-economy: the case of Tunisia (juin 2023, en anglais)
- Revoir la Conversation de recherche consacrée aux résultats de GEMMES Tunisie :
Contact :
- Devrim Yilmaz, économiste senior, AFD

Contexte
Les interactions entre sphères socio-économiques et écologiques font de l’élaboration des trajectoires de développement de soutenabilité forte un exercice particulièrement difficile. Le Maroc a exprimé sa volonté d’engager un plan de développement reposant sur la prospérité, l’inclusion et la durabilité dans un rapport publié en mai 2021, mais est confronté à une situation de stress hydrique parmi les plus élevées au monde. Une requête de coopération technique portant sur la modélisation de l’impact du changement climatique sur l’agriculture à l’horizon 2050 a ainsi été transmise à l’AFD, que le modèle GEMMES Maroc tente de satisfaire.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de travaux de modélisation qui intègrent l’impact du changement climatique dans les prévisions macroéconomiques, afin d’éclairer les choix de politiques publiques en la matière. L’AFD développe d’une part un modèle macroéconomique théorique général, et d’autre part des modèles nationaux appliqués à des cas concrets et adaptés aux caractéristiques de chaque pays, dont le modèle GEMMES Maroc.
Consulter la brochure : L'AFD et les outils de modélisation macroéconomiques pour la transition écologique
Ce partenariat est réalisé dans le contexte du mémorandum de dialogue stratégique entre l’AFD et la direction des Etudes et des Prévisions financières (DEPF) du ministère de l’Economie et des Finances du Royaume du Maroc. Le programme de recherche est notamment financé par la Facilité 2050, ayant pour vocation à contribuer au renforcement de capacités et à l’élaboration de stratégies à long terme dans le respect des engagements de l’Accord de Paris. Outre le partenariat avec la DEPF, le projet est développé avec l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) pour la partie hydro-agricole.
Objectif
Le projet GEMMES Maroc réalise des simulations de la production agricole et des ressources en eau de surface disponibles à l'horizon 2050 selon différents scénarios climatiques et en analyse les impacts sur l’économie du pays. Cette démarche repose sur une volonté d’éclairer la décision publique, grâce à une collaboration des expertises marocaines, françaises et internationales. Dans cette logique, le modèle GEMMES Maroc a vocation à devenir un outil de simulation supplémentaire aux mains de la direction des Etudes et des Prévisions financières du Maroc.
Méthode
La spécificité de ce projet réside en le couplage de deux modèles : le modèle macroéconomique GEMMES, adapté aux spécificités du Maroc, et le modèle hydro-agricole Lund-PotsdamJena managed Land (LPJmL). Ce dernier, largement utilisé dans la communauté scientifique internationale, produit des simulations de l'hydrologie de surface et des rendements de cultures les plus importantes du pays. Il utilise pour cela les projections de température et de précipitations issues du modèle climatique régional ALADIN et permet de comparer les besoins en eau pour l’agriculture marocaine aux ressources qui seront effectivement disponibles. Le modèle GEMMES Maroc utilise ensuite ces projections des rendements agricoles, en vue de les intégrer dans son cadre macroéconomique.
Résultats
Des résultats intermédiaires ont été présentés lors de la COP26 à Glasgow, accompagné d’un résumé à destination des décideurs politiques. Les premières conclusions mettent en lumière les effets néfastes du dérèglement climatique, en particulier concernant les ressources en eau disponibles pour l'irrigation. Un niveau d’irrigation en 2050 correspondant à 75% des besoins conduirait à une production agricole supérieure de 3,7% à celle où seulement 50% des besoins en irrigation seraient couverts. Le PIB et la consommation des ménages seraient alors supérieurs de 0,5%. Ainsi, investir dans les infrastructures hydrauliques paraît primordial afin de limiter les impacts du changement climatique.
Enseignements
Le projet GEMMES Maroc révèle l’utilité du couplage de deux types de modèles répondant à différents domaines d’expertise. En favorisant le dialogue entre chercheurs de différentes disciplines, les différentes perceptions de chacun peuvent être explicitées et ainsi entraîner une plus grande pertinence du débat politique.
Les apports de ce projet peuvent par ailleurs perdurer au-delà du cadre de l’AFD, que ce soit du fait de l’intégration de certains de ses résultats dans un exercice de la Banque mondiale ou de son utilisation dans la stratégie de long-terme marocaine.
Contact :
- Antoine Godin, économiste à l'AFD, responsable de la cellule de modélisation macroéconomique