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Des communes du Liban et une région française, unies contre la crise
De septembre 2019 à décembre 2022, la région française des Pays de la Loire s’est impliquée auprès de plusieurs communes du Liban pour investir cinq chantiers majeurs liés au développement durable, à l’environnement, à l’eau et l'assainissement, à la transition énergétique, à la qualité de l’air ou encore à la gestion des déchets.

Frappées depuis 2018 par une succession de crises dans les domaines politique, sécuritaire, économique et environnemental, on pourrait croire les villes du Liban condamnées à la dégradation perpétuelle de la qualité des services fournis à leurs habitants. Pourtant, malgré les épreuves cumulées et une proportion de réfugiés la plus élevée au monde au regard de la population générale, un certain nombre de communes libanaises a conjuré la fatalité. Ce tour de force a été rendu possible grâce à la Facilité de financement des collectivités territoriales françaises (Ficol). Cet outil créé en 2014 permet à l'Agence française de développement (AFD) de financer des projets de coopération décentralisée initiés puis mis en œuvre par des collectivités territoriales françaises. La Ficol s’inscrit dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) et des orientations de la politique de développement et de solidarité internationale de la France. 

Des échanges d'expertise

C’est ainsi que la région Pays de la Loire a pu satisfaire son ambition de soutenir le Liban à travers le projet Socle (Soutien opérationnel aux collectivités locales libanaises pour l'environnement). À partir de septembre 2019, la région a collaboré avec le Bureau technique des villes libanaises (BTVL) pour mettre en place un échange d'expertise et un transfert de compétences. Au programme, des sujets environnementaux et l’accès aux services essentiels pour les populations libanaises de ces collectivités. Il s'agissait notamment de former les élus, policiers, fonctionnaires et citoyens volontaires de 40 collectivités représentatives de la diversité libanaise. Et certaines de ces collectivités ont été accompagnées plus avant dans la formulation de leurs besoins de développement et d’équipement.


Tout savoir sur la Ficol, un tremplin pour l'action extérieure des territoires français


De son côté, le Conseil régional des Pays de la Loire (PDL) a choisi de s’appuyer sur l’expertise de ses directeurs techniques pour assurer ces formations, tout en associant d’autres acteurs du territoire comme le réseau des professionnels de la filière photovoltaïque du Grand Ouest Atlansun (secteur privé) et le Syndicat mixte de traitement des déchets de Vendée Trivalis (collectivité publique). « Ce projet a permis de concrétiser une volonté politique exprimée dès 2016 de voir la région mobiliser les compétences propres à son territoire pour soutenir le Liban », explique Sophie Marion-Maanni, cheffe de projets Europe et international au sein de la direction des Affaires internationales du Conseil régional PDL. 

La première phase du projet a ainsi permis d'investir cinq chantiers majeurs dans le domaine de l’environnement, de l’eau et l'assainissement, de la transition énergétique, de la qualité de l’air ou encore de la gestion des déchets. Parmi les 40 municipalités formées, 12 collectivités ont ensuite bénéficié d’un accompagnement approfondi afin de constituer des « unités environnementales », dans un objectif de passage à l’action en faveur de l’environnement. « Ces échanges entre ingénieurs libanais et ceux de notre région ont été profitables pour toutes les parties. Côté français, nous avons ainsi découvert un savoir-faire pointu, par exemple au niveau de la gestion de l’eau, pour prévenir la pollution marine depuis les littoraux, ou de la gestion des déchets en zone littorale. Et nous avons rapporté du Liban des solutions inédites, comme les tuiles photovoltaïques », détaille Sophie Marion-Maanni.


Au Liban, chaque unité environnementale a donc dû identifier un équipement déterminant manquant ou à moderniser en priorité. EIles ont à cet effet croisé les divers besoins vitaux mis en exergue par les pénuries consécutives de la crise. Une fois l’équipement déterminé, une pré-étude de faisabilité a été engagée par les partenaires. Le cadre initial du partenariat aurait dû prendre fin à cette étape mais le Conseil régional PDL, après avoir préparé le terrain, a également souhaité identifier de potentiels financeurs pour accompagner la concrétisation du projet de bout en bout. 

Des briquettes végétales au lieu du mazout

Et pour la municipalité libanaise d’El Qaa, cette collaboration directe entre collectivités territoriales pourra peut-être changer la donne. Située à 15 km de la frontière syrienne, avec 15 000 habitants et 30 000 réfugiés, cette commune est particulièrement fragilisée. « Près de 8 000 poêles à mazout chauffent notre ville actuellement. Il nous faut trouver tous les trois mois 600 litres de carburant. C’est très cher, très polluant et il y a des problèmes de trafic avec la Syrie », déplore le maire Bachir Matar. L’élu a trouvé dans le projet Socle une opportunité de faire bouger les lignes, malgré la guerre, la crise du Covid-19, la crise économique et encore d’autres obstacles. « Nous avons des usines agricoles qui peuvent se convertir en chaînes de production de briquettes végétales, qui apporteraient une solution à la fois au traitement des déchets agricoles et aux besoins de chauffage », s'enthousiasme-t-il. 

Par-delà le cadre initial du projet Socle, ce sont les bases d’un lien de long terme qui se sont tissées. « Nous préférons travailler avec une collectivité, cela a beaucoup d’avantages, on se comprend », explique le maire d’El Qaa. Il mise désormais sur la multiplication des échanges culturels, la mise en place d’un jumelage et, qui sait, sur l'accroissement futur de l’intérêt touristique de sa ville. Du côté ligérien, Trivalis, syndicat mixte de traitement des déchets en Vendée, souhaite lui aussi poursuivre ses réflexions avec les communes libanaises d’El Qaa et d’Araya (régions du mont Liban). Les trois collectivités instruisent d’ailleurs leur propre projet de coopération, financé là aussi par une Ficol de l’AFD.


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Sensibiliser les jeunes à la citoyenneté internationale

Forte de son rayonnement jusqu’au Levant, la région PDL a également profité de cette aventure et des liens tissés avec le Liban pour sensibiliser les établissements scolaires de son territoire aux enjeux de la citoyenneté internationale. Élèves et professeurs se sont approprié les réalités et les problématiques intrinsèques au Liban, et ont ainsi déjoué les contraintes liées à la crise du Covid en créant une exposition virtuelle. 

Ce musée en ligne, produit par le réseau Pays de la Loire Coopération internationale, illustre l’implication générale des acteurs de la région : « Nous avons mené un projet concret, bénéfique et durable », conclut Sophie Marion-Maanni, qui ambitionne déjà de voir sa région se projeter à nouveau vers l’international en 2024.


Le succès de cette opération illustre une conviction au sein de l'AFD : les relations que les collectivités territoriales nouent entre elles pour confronter et enrichir leurs politiques publiques locales sont un levier fondamental dans la réalisation des Objectifs de développement durable.