Article publié pour la première fois le 15 avril 2021.
Cotonou, Bénin. Venance Sènou, 20 ans, est élève en terminale scientifique. Il a été élu par ses camarades pour les représenter auprès de la direction de l’établissement. Tout en maîtrise de son portefeuille, il énumère les acquis du Projet d’appui à l’enseignement secondaire au Bénin (PAESB) pour son collège : « Avec la construction de ce module de classe à huit salles, nous avons pu régler en grande partie le problème du manque de places. Les deux blocs de latrines dont nous avons bénéficié sont venus à point nommé car, auparavant, l’atmosphère était irrespirable : les anciennes latrines étaient pleines et certains élèves ne s’embarrassaient plus pour déféquer en pleine nature dans le périmètre du collège. »
Le système éducatif béninois est marqué par un taux de décrochage faramineux. Six enfants sur dix accèdent au collège, et seuls deux d’entre eux le terminent. En cause, le manque d’infrastructures et d’enseignants qualifiés, mais aussi les effectifs pléthoriques – les moins de 14 ans représentent environ 40 % de la population, soit 5 millions d’enfants.
Pour répondre à ces problèmes, le PAESB mise en premier lieu sur le renforcement des infrastructures. Quatre départements – Atlantique et Littoral au sud et Atacora et Donga au nord – ont bénéficié de la construction et de l’équipement de salles de classe. Ainsi, en l’espace de trois ans, 62 modules de quatre classes et 112 blocs de latrines ont été construits. Lors de leur inauguration, le ministre de l’Éducation, Mahougnon Kakpo, a dévoilé les résultats de cette opération, soit « 12 400 places assises pour nos apprenants, dans 45 établissements ».
Réinventer le système éducatif
Subventionné à hauteur de 10 millions d’euros par l’AFD, le PAESB porte également sur la qualité de l’enseignement. Le dispositif d’encadrement et d’animation pédagogiques a été déconcentré, afin de « renforcer l’accompagnement de proximité », explique le coordinnateur du projet, Wilfrid Djènontin. 108 inspecteurs pédagogiques ont été recrutés, dont 50 seront formés dans le cadre du PAESB. « Nous avons également doté ces nouvelles équipes en matériel roulant – des véhicules 4x4 – et en matériel de reprographie : photocopieurs, imprimantes et accessoires », souligne Wilfrid Djènontin.
Le problème de la qualité de l’enseignement se pose de manière criante s’agissant des sciences. La désaffection des élèves béninois pour les matières scientifiques est préoccupante, comme en attestent les taux d’échec élevés aux examens. Pour inverser cette tendance, un « plan sciences » est en cours d’élaboration. En attendant son adoption, 3 470 enseignants ont été formés afin de faire remonter le niveau du pays dans ces disciplines.
Des élèves ministres
Pour finir, le PAESB fait la part belle au renforcement des capacités de pilotage des établissements secondaires. L’objectif ? « Améliorer la gestion, la vie scolaire et la qualité du suivi des élèves », poursuit Wilfrid Djènontin. Cette ambition prend notamment la forme d’un cadre collaboratif formel pour les équipes éducatives.
En complément, les élèves ont été placés au cœur de la gouvernance de leur collège, représentés par un « gouvernement » et des ministres, comme Kouandika Idani, 19 ans, élève de 3e. Ministre de la Santé dans son établissement, situé dans la commune de Kouandé (au nord-ouest du Bénin), elle a activement conduit la sensibilisation des élèves filles de son établissement sur la salubrité et le phénomène des grossesses en milieu scolaire. « Le fait que le message soit porté par des élèves facilite la compréhension et suscite l’adhésion du plus grand nombre », se réjouit-elle.
Pour conclure, comme le soulignait la journaliste du Monde Marie de Vergès dans une chronique récente, la crise sanitaire s’annonce comme une « catastrophe générationnelle » pour la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. Les fermetures d’écoles ont accentué le drame du décrochage, plus particulièrement chez les filles. Alors que dans certains pays les portes sont restées closes durant dix mois, voire n’ont pas toujours ré-ouvert, au Bénin la fermeture n’a duré que dix semaines. Un tour de force et un motif d’espoir dans un pays qui cherche à sauver la scolarisation de ses enfants.
« La construction de ce module de quatre classes a résolu le problème des classes volantes. C’était souvent difficile pour nous de suivre les cours, on devait attendre qu’une classe se libère avant d’avoir un lieu pour faire nos cours. Aujourd’hui, ce module a permis qu’on installe de façon définitive tout le cycle, de la 6e à la 3e. C’est un stress en moins pour nous tous ! »
« Notre établissement a bénéficié de deux modules de quatre classes. Cela a renforcé notre capacité d’accueil et a permis, par la même occasion, de réduire l’ampleur du phénomène des classes volantes qui nous causait beaucoup d’ennuis. Ainsi, certains scolarisés qui résident à des dizaines de kilomètres du collège vivaient très mal cette contrainte en termes de sorties relativement tardives des cours et de programmations assujetties à des revirements inattendus. C’était une raison suffisante pour plusieurs élèves de déserter les classes. Nous avons également obtenu la construction de deux blocs de latrines avec une rampe d’accès adaptée aux personnes à motricité réduite. C’est un style de construction nouveau qui sera répliqué sur d’autres sites ne bénéficiant pas de l’appui du PAESB. »
Le Projet d'appui à l'enseignement secondaire au Bénin, en chiffres
- Près de 250 salles de classe construites et entièrement équipées
- 12 400 places en plus pour les élèves
- 112 blocs de latrines réalisés dans 45 collèges, dont la moitié pour les filles
- 3 470 enseignants de mathématiques, physique-chimie et technologie formés
- 2 639 responsables de collège, inspecteurs et conseillers pédagogiques formés pour la gouvernance scolaire et l’amélioration de l’animation pédagogique