Nexus North est un projet triplement novateur : il inaugure les toutes premières éoliennes de la région, associe des investissements dans les secteurs de l’eau et des énergies renouvelables, et intègre une gestion directement assurée par les opérateurs. Les investissements dans les énergies renouvelables au sein du gouvernorat de Tubas permettront ainsi aux opérateurs de bénéficier d’une plus grande autonomie énergétique tout en optimisant la gestion de l’infrastructure. Les détails de ce projet innovant avec Eissa Dababat, directeur exécutif du syndicat des services d’eau et d’assainissement de Tubas en Cisjordanie.
Quelle était la situation avant le financement du groupe AFD et de l’Union européenne ?
Eissa Dababat : L’eau n’était disponible que pour 25 % de la région de Tubas. L’accès devait donc être étendu et l’infrastructure avait grandement besoin d’être rénovée : le réseau d’eau datait de 1967 et ces canalisations vieillissantes entraînaient beaucoup de fuites. Le groupe AFD travaille avec nous sur des projets hydrauliques, à Tubas, depuis 2008. Dans le cadre du projet Nexus, l’Union européenne (UE) soutient également les projets d’énergie et d’assainissement, en partenariat avec l’AFD. Avec deux financeurs, nous nous occupons de l’eau, des eaux usées et de l’énergie, une interdépendance que nous qualifions de « nexus », car elle couvre les trois secteurs.
L'Union européenne a délégué des fonds à l'AFD pour les raccordements à la station d'épuration et a financé le volet énergétique du projet. L’AFD s’est chargée des systèmes hydriques dans les régions de Tubas, de Maythaloun et d’Al-Yamoun, et a développé le réseau et le raccordement aux foyers.
Dans ces régions, aucun réseau d’approvisionnement en eau n’existait. Par exemple, à Tamun, l’eau n’était approvisionnée que par camion. Un acheminement qui soulevait de nombreuses difficultés : insalubrité de l’eau, processus coûteux, problèmes d’approvisionnement. L’eau potable était tellement rare qu’il fallait en préserver chaque goutte.
La qualité de l’eau était très variable. Qu’est-ce qui a changé ?
E.D. : La qualité de l’eau dépendait de sa provenance. La plupart du temps, elle était récupérée dans les forages agricoles, et non dans les puits. L’eau était acheminée vers les foyers par des camions-citernes, qui alimentaient d’abord les zones agricoles, avant les familles. L’eau était ensuite déversée dans les citernes, puis dans les réservoirs à toit. Avec l’eau de pluie, c’était l’unique source d’eau des habitants.
Les habitants souffraient de nombreuses maladies, notamment de troubles gastriques et d’amibiase. Nous nous sommes rendus dans des cliniques et avons comparé celles de Tubas et Tamun aux autres cliniques de la région. Avant, la majorité d’entre elles devaient soigner des maladies liées à l’eau. Aujourd’hui, ces maladies ont disparu.
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Ici, à Tubas, nous buvons de l’eau sans risque pour notre santé, et l’eau est toujours disponible, qui plus est à un bon prix. Autrefois, le prix minimum était de 15 shekels (environ 4 euros), et pouvait atteindre 30 shekels (environ 8 euros) par m3. Désormais, les familles qui consomment jusqu’à 10 m3 d’eau peuvent payer 4 shekels (environ 1 euro), au lieu de 30. C’est un gain énorme !
Ce projet a changé la vie des habitants. Auparavant, les foyers n’avaient par exemple pas assez d’eau pour utiliser un lave-linge. Aujourd’hui, ils ont assez d’eau pour nettoyer leur maison, faire fonctionner leur lave-linge et leur lave-vaisselle, et même arroser leur petit jardin. Ce projet présente donc des avantages directs et indirects. Et cet impact se fait sentir au-delà des zones financées.
D’autres villages, qui ne sont pas directement impliqués dans ce projet, sont néanmoins alimentés en eau. Nous utilisons en effet les conduites installées dans le cadre du projet de l’AFD pour les raccorder.
Qu’en est-il des coûts énergétiques ?
E.D. : Toutes ces infrastructures d’alimentation en eau et de traitement des eaux usées sont très énergivores. Les stations d’épuration et les installations d’eau coûtent beaucoup d’argent. Mais en faisant par exemple passer le pourcentage de fuites de 30 à 20 %, nous pouvons exploiter cette eau dans d’autres régions.
Nous comptons aussi réaliser d’autres économies d’énergie en parallèle. Par exemple, nous prévoyons d’installer un système solaire à proximité de la station d’épuration, financé par l’UE. De petits systèmes de ce type existent déjà, mais nous espérons que les plus grands panneaux solaires seront opérationnels d’ici la fin de l’année, afin qu’ils produisent l’énergie dont nous avons besoin pour les stations d’épuration. Cela nous permettrait de parvenir à un coût proche de zéro, et nous n’aurions plus besoin d’importer de l’énergie provenant d’Israël pour le traitement de l’eau.
Nous développons également un projet d’éoliennes qui contribueront à la production de l’énergie nécessaire pour les installations d’eau. Nous cherchons un constructeur pour bâtir deux éoliennes d’ici la fin de l’année, d’une capacité de 1,7 mégawatt (MW). Ainsi, 2 MW seraient issus de l’énergie solaire et 1,7 MW de l’énergie éolienne. La construction des éoliennes sera financée par l’UE et l’AFD. Ce sera une grande première ici, en Palestine. La réussite de ce projet se mesurera à l’échelle de Tubas, mais inspirera également tous les Palestiniens qui souhaiteraient construire des éoliennes ailleurs.
Chiffres clés
Budget / Répartition :
- Contribution AFD : 10 M€
- Contribution UE (fonds délégués) : 7 750 000 € (frais compris)
Budget total 17 750 000 € (frais compris)
Production électrique prévue par le projet (Tubas uniquement) :
- PV : 2 MW
- Éoliennes : 1,7 MW
Puissance installée : 3,7 MW
Effet attendu de la partie énergies renouvelables :
- 80 % des besoins en électricité pour l’opération des infrastructures en eau (pompes, puits, réseau, station d’épuration de Tayasir) devraient être couverts par les énergies renouvelables.
Population visée par le projet :
- 49 000 personnes au sein de l’aire de service de l’opérateur de Tubas
- 60 000 personnes au sein de l’aire de service de l’opérateur d’Al-Yamoun
Total : 109 000 personnes.
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