Le Dr Acina (photo ci-dessus), 67 ans, est une femme dynamique et pleine d'humour, toujours prête à partager une anecdote. Originaire de Bretagne, elle s'installe à Djibouti dans les années 1980 et prend rapidement conscience des besoins en termes de santé.
Après un poste de pédiatre à l'hôpital public Peltier, elle bénéficie en 1994 d'un des rares prêts individuels accordés par l'AFD pour ouvrir le premier cabinet pédiatrique libéral de Djibouti. Le succès est immédiat : « Une amie qui venait d'ouvrir son cabinet en France m'avait conseillé de me mettre à la lecture en attendant les premiers clients. Je suis donc venue avec mon livre, je ne l'ai jamais ouvert », raconte-t-elle, la voix pleine de reconnaissance.
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Création de l’association Solidarité féminine
Un an plus tard, deux femmes l'approchent pour lui demander de les rejoindre dans la création d'une association, Solidarité féminine : une sage-femme qui s'occupe des premières femmes séropositives, Mme Hasna, et son amie Adabia, mère de famille. Le Dr Acina accepte sans hésiter. « Nous voulions à l'origine simplement créer un lieu où les femmes séropositives et d’autres en situation difficile pourraient se retrouver en toute tranquillité. Les femmes séropositives étaient souvent en situation précaire – sans domicile fixe, loin de chez elles, étrangères, répudiées par leurs familles – et très mal vues par la société. Nous voulions leur offrir un peu de confort et de dignité », explique le Dr Acina.
Beaucoup de femmes apprennent qu'elles sont séropositives pendant leur première grossesse. « Au départ, nous leur conseillions d’en parler à leur mari pour qu'elles ne portent pas seules ce fardeau, poursuit le Dr Acina. Nous avons très vite arrêté en voyant les conséquences pour elles : violences, divorce, rejet… Elles étaient aussi très seules avec leur sentiment de culpabilité et la peur de transmettre la maladie à l'enfant notamment. Notre rôle a été de leur apporter un soutien, tant médical que psychologique. »
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Un accompagnement intégré
Au fil du temps, les actions de l'association se multiplient et un partenariat est établi avec Sidaction en 2011. L'objectif est d’assurer un accompagnement de proximité, en prenant en charge les enfants des mères séropositives, en organisant des distributions de lait en poudre (le VIH pouvant être transmis lors de l'allaitement), de médicaments, mais aussi de vivres et de kits d’allaitement. Ce projet est soutenu par l’AFD via Sidaction depuis 2014. Actuellement, Solidarité féminine soutient 46 mères séropositives et 52 enfants et adolescents sous antirétroviraux, médicaments utilisés pour traiter le VIH.
Malgré les stéréotypes profondément ancrés dans la société, l'optimisme du Dr Acina lui permet de voir le verre à moitié plein : « Certaines femmes venaient intégralement voilées au cabinet, modifiaient leur voix ou prenaient un accent, pour être sûres de ne pas être reconnues. Mais nous constatons que de plus en plus de pères viennent chercher le lait, ce qui n'était absolument pas le cas il y a quelques années. L'évolution des mentalités est lente, mais elle commence à s'opérer. »
Le Dr Acina elle-même suit les enfants, en sa qualité de pédiatre. « J'en suis à la deuxième génération d'enfants du VIH. C'est-à-dire que des enfants que j'ai vus porteurs du virus m'emmènent leurs enfants qui eux ne sont pas porteurs. Ça redonne de l'espoir ! », s'exclame-t-elle avec enthousiasme.
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L’art comme thérapie
Dernière innovation de l'accompagnement apporté par Solidarité féminine : la thérapie par l'art. Ce projet est également soutenu par l’AFD, dans le cadre de l’initiative Accès Culture : « En réfléchissant à ce qu'on pouvait faire de plus pour ces femmes et ces enfants, nous nous sommes rendu compte qu'ils avaient toujours une pesanteur au quotidien, un besoin de s'exprimer face à ce double fardeau de la maladie et du silence imposé. Nous allons donc proposer des ateliers de chant, d'expression avec des matériaux comme la peinture, ou encore de création artisanale à partir de produits recueillis sur place. » À ce stade, huit accompagnateurs psychosociaux ont été formés à ces techniques, qu'ils pourront ensuite mettre en œuvre auprès des patients.
À l’occasion des 50 ans de l’AFD à Djibouti, une exposition présentant 13 portraits d’acteurs et de bénéficiaires des actions de l’AFD a été organisée. Découvrez le livret de l’exposition ici.