Article publié pour la première fois le 13 avril 2023 et mis à jour le 4 octobre 2023
Musique, théâtre, cinéma, danse, radio, jeux vidéo… L’Agence française de développement (AFD) s’est vu confier en 2018 un nouveau mandat afin de soutenir les industries culturelles et créatives (ICC) dans ses pays d’intervention. « Nous intervenons avec la conviction que ce secteur a un rôle à jouer en matière de création de lien social, d’accès à l’emploi et de développement local inclusif, explique Gaëlle Mareuge, chargée de mission ICC à l’AFD. Depuis 2021, nous avons aussi pour ambition de déployer les ICC au sein de l’ensemble des opérations de l’AFD, via des activités culturelles ou artistiques, afin d’amplifier l’impact des projets financés. »
Au-delà des industries culturelles et créatives, les arts permettent d’activer l’intelligence émotionnelle, force de transformations individuelles et collectives. « Si nous mettons en place les conditions nécessaires, les arts prennent la forme d’un nouveau langage qui vient compléter l’expertise technique sous-jacente à toute dynamique de développement », souligne Tiphaine de Mombynes, directrice du fonds Metis arts et développement.
Accès culture : soutenir les micro-projets à impact
Mis en œuvre en partenariat avec l’Institut français, le dispositif Accès Culture finance en Afrique des micro-projets culturels à fort impact social au bénéfice des populations les plus éloignées de l’offre culturelle et artistique. La première édition du programme, menée de 2020 à 2023 et dotée d’un budget de 3 millions d’euros, a permis de soutenir 92 projets touchant à 17 disciplines – cirque, cinéma, musique, photographie – dans 29 pays. Plus de 46 000 personnes en ont bénéficié.
Au Cameroun, le projet Septen-Crions, porté par les associations Grand Slam National et Universlam, a mobilisé les élèves et étudiants des villes de Maroua, Garoua et Ngaoundéré pour des concours de slam sur le thème des violences faites aux femmes et aux jeunes filles. Il a permis de sensibiliser 900 jeunes.
Accès Culture vise également à renforcer les collaborations entre opérateurs culturels français et africains, ainsi qu’à documenter l’impact de la culture sur le lien social à travers un programme de recherche-évaluation. La deuxième édition, mise en œuvre jusqu’en 2026, a permis de sélectionner 30 nouveaux lauréats.
Tanbou : un espace de création et de dialogue
Lancé fin 2022, financé à hauteur de 3 millions d’euros par l’AFD, le projet Tanbou entend contribuer à la création d’emplois et à la restauration du lien social en Haïti par le lancement d’un espace culturel autonome : la Fabrique des arts. Celle-ci s’établira comme un espace commun sécurisé de création, de représentation pluridisciplinaire, de formation, de libre expression et de dialogue pour toutes et tous.
Les acteurs du secteur de l’art auront également l’opportunité de conduire des projets sociaux et artistiques dans le cadre d’un programme d’incubation qui sera proposé par la Fabrique. Ces projets seront en partie tournés vers le quartier de Port-au-Prince, où elle sera située, favorisant ainsi son intégration locale.
Metis : quand l’émotion rencontre la technique d’une dynamique de développement
Le fonds Metis art et développement a été initié par l’AFD en 2021. Avec son appui, dans les pays soumis à de fortes vulnérabilités, un hôpital, une mairie, une entreprise ou une ONG peuvent mobiliser un artiste pour construire un espace de dialogue et de création en lien avec un enjeu de développement.
En 2022, l’initiative Metis « Vivre ensemble » a été co-construite avec le district autonome du Grand Lomé, au Togo, qui connaît une problématique de traitement des déchets. Mise en œuvre par le musicien Yao Bobby et le plasticien Tesprit, elle a permis de former plus de 80 jeunes à la réalisation d’œuvres d’art à partir de déchets récupérés sur des plages. Grâce au vecteur artistique, les jeunes Togolais sont sortis de cette expérience fiers d'être des acteurs de la lutte contre la pollution.
En 2023, l’initiative Metis « Slamunité » a été élaborée avec l’Institut national du travail social (INTS) au Congo, où les inégalités se creusent depuis dix ans. La slameuse Mariusca Moukengue a formé des élèves, formateurs et bénéficiaires de l’INTS à la pratique du slam. En partageant leur vécu, leurs rêves et leurs craintes, ils ont constaté la force de cette démarche pour lutter contre les injustices sociales, les préjugés et toute forme d’exclusion. Face au succès de l’initiative, le directeur de l’INTS a décidé d’intégrer le slam dans le parcours de formation du centre.
« Metis propose un pas de côté dans la sphère du développement et nous en avons besoin, décrit Tiphaine de Mombynes. La créativité ouvre des espaces de dialogue, de compréhension, d’action. L’ingénierie très spécifique que nous déployons vient répondre aux besoins des populations en complétant les approches techniques traditionnelles. »
Le dispositif Metis finance dix projets en moyenne chaque année. En trois ans, 60 artistes sont intervenus et plus d’une centaine d’opérateurs de développement ont été mobilisés sur des sujets comme la biodiversité, la pollution, la paix, le genre… Chaque projet renforce la conviction que les arts sont un levier indispensable au développement.