Brésil : les défis de Curitiba

Quand on débarque à l’aéroport de Curitiba, le ton est vite donné. Des affiches invitent les voyageurs à se rendre en ville par le bus et être « sustentavel » (« durable »). Apparaît alors à l’extérieur le premier « tube », le surnom des arrêts de bus de la ville ressemblant à des tuyaux munis de portes automatiques pour monter dans le véhicule, comme dans un métro.
Même aux heures de pointe, le maillage de la capitale du Parana, imaginé dans les années 1940 par l’architecte français Alfred Agache et amplifié à partir des années 1970 par le maire Jaime Lerner, permet une circulation plutôt fluide, qu’on soit en voiture ou en bus.
Mais Curitiba a vu sa population bondir de près de 350 000 habitants en dix ans pour atteindre 1,7 million aujourd’hui (3,5 millions pour l’agglomération) tout en se reposant sur ses acquis. Elle se retrouve alors face à un paradoxe. Si elle dispose d’un réseau de bus avec couloir réservé, un bus à haut niveau de service (BHNS ou BRT, modèle que Curitiba a « exporté » un peu partout dans le monde), celui-ci perd des passagers et Curitiba est désormais la ville avec le plus grand nombre de voitures par habitant (1,8) du Brésil.
Depuis 2011, l’intervention de l’AFD vient l’aider à affronter les principaux défis de son agenda climat : améliorer la qualité des transports pour réduire le nombre de voitures et les émissions de gaz à effet de serre. Mais aussi préserver la biodiversité et s’adapter aux conséquences des changements climatiques, via la création d’un corridor écologique.
L’extension progressive de la ville par le Sud s’est révélée préjudiciable pour l’état de la rivière Barigui et la sécurité de certains habitants. La rivière est en effet bordée de nombreuses habitations informelles ; ses berges sont autant de zones à risque en cas d'inondation et de pollution.
Le financement de l'AFD permet de récupérer la biodiversité par le réaménagement des berges et la création de quatre nouveaux parcs. Les habitants des zones à risque sont soit relogés soit maintenus dans leur habitat régularisé. L'objectif à terme est de relier tous les parcs en un seul et constituer un véritable corridor tout autour de la ville. C'est un premier pas vers l'adaptation aux conséquences des changements climatiques.
Cette revitalisation urbaine est accompagnée d’un programme éducatif environnemental, « Olho d’agua » (« œil d’eau »), auquel les élèves de 30 écoles publiques de la zone participent en surveillant la qualité de l’eau de la rivière Barigui.
« Ce projet va améliorer la qualité de vie des habitants de ces quartiers à bas revenus avec une offre de loisirs gratuite », indique Leonardo Werneck, chef de projet à
I Care Environment et consultant pour l’AFD. Il a de fait complètement transformé la zone : « Dans la foulée, les habitants ont commencé à rénover leurs habitations et de nouveaux commerces ont ouvert. »
« Curitiba s’est toujours permis de tester des choses nouvelles, dans tous les domaines, de la création de parcs au tri sélectif en passant par le concept de BHNS qui est né ici ! », clame Ana Jayme, directrice du secrétariat municipal chargé de la Planification, des finances et du budget. Tout cela est concentré dans le projet « Linha Verde » (« Ligne Verte »), une véritable revitalisation urbaine planifiée pour une période de 30 ans.
Cette dernière concerne pas moins de 20 quartiers qui ont poussé aux abords d’une ancienne autoroute qui contournait à l’origine Curitiba de manière transversale par le Sud-Est. Faisant aujourd’hui partie intégrante de la ville, elle a été dotée, à partir de 2009, d’une 6e ligne de BHNS, la Ligne Verte. Arborisée, elle est accompagnée également d’une piste cyclable. Son extension vers le Nord, qui devrait être terminée l’année prochaine, a été financée par l’AFD.
« La Ligne Verte répond à une importante demande des habitants de l’agglomération de Curitiba et même si elle n’est pas encore complète, les résultats positifs sont incontestables », indique Leonardo Werneck. « Nos prévisions montrent une réduction effective des gaz à effet de serre », précise-t-il. Les bus articulés de la Ligne Verte roulent au biocarburant, avec l’objectif de les rendre électriques à terme, alors que de plus en plus de bus d’autres lignes sont hybrides (3,8 % des 1500 bus à l’heure actuelle avec un objectif de dépassement des 10 % d’ici 2020).
Avec cette conjonction de projets de mobilité urbaine efficiente et de remise en valeur de toutes ses composantes naturelles, la capitale du Parana espère ainsi conserver les atouts qui font d’elle une ville « exotique » au Brésil : verte, propre et bien organisée.