3,8 M€
dont 2,3 millions d'euros apportés par l’AFD
12
emplois créés dans l’usine d’ici 2023, 18 d’ici 2024
200 tonnes
de wassaï transformées en 2023, le double en 2024
En Guyane, les besoins locaux ne rencontrent pas ou peu de réponse industrielle. Le secteur agricole et l’agro-industrie restent donc très dépendants des importations du fait d’exploitations de très petites tailles et d’outils de transformation encore peu nombreux. La création de l'usine Yana Wassaï, qui transforme des plantes endémiques d’Amazonie (dont l’açaï, dit « wassaï »), contribue à dynamiser le tissu économique guyanais et à offrir des perspectives de développement aux jeunes actifs.

Après huit ans de maturation, l’usine Yana Wassaï a été inaugurée en septembre 2022. Située dans la ville de Montsinéry, elle a pour objectif de développer la transformation locale de plantes endémiques comme le wassaï (açaï), l’awara ou le cupuaçu, à destination du marché national et international, et de participer par la même occasion à la structuration de la filière agro-alimentaire, pourvoyeuse de nombreux emplois locaux.

Le wassaï est une baie naturellement présente sur le plateau des Guyanes et au nord du Bassin amazonien. Ce fruit du palmier pinot est résilient et sa culture demande peu d’entretien. Apprécié pour ses propriétés anti-oxydantes et énergétiques, il est très en vogue depuis quelques années en Europe et aux États-Unis.

Première unité de transformation du wassaï, Yana Wassaï est pionnière sur le plan environnemental, avec des pratiques qui respectent la biodiversité amazonienne, mais également sur le plan économique, avec un modèle basé sur une économie d’échelle. L’AFD a souhaité accompagner ce projet créé par Dave Drelin, entrepreneur visionnaire, qui affiche sa volonté de développer son activité en ayant le moins d’impacts possible sur la nature.

Le wassaï rassemble. Il est présent dans toutes les communautés guyanaises, qui lui reconnaissent les mêmes vertus.

Dave Drelin, président de l’usine de transformation Yana Wassaï
Plante, açaï, Guyane, Amazonie
Agro-industrie, Guyane, Amazonie
Une industrie circulaire
L’usine ne perd rien. Une partie de ses déchets issus de la transformation du wassaï sont valorisés : des agriculteurs les utilisent comme substrats et des industriels s’en servent dans leurs propres processus - l’entreprise est en effet à l’initiative de travaux de recherche et de développement sur de l’isolant à base de wassaï. L’autre partie de ses déchets permet d'alimenter un chauffe-eau biomasse qui génère de la vapeur utilisée dans certaines étapes de transformation de l’usine. Yana Wassaï vise l’économie circulaire mais pas uniquement ! L’efficacité énergétique est aussi de mise, avec une isolation thermique de très haute qualité au sein de l’usine.
Agro-industrie, Guyane, Amazonie
Une production qui vise l’excellence écologique
En partenariat avec l’Office national des forêts (ONF), Yana Wassaï exploite une centaine d’hectares de parcelles de wassaï sauvage. Un comité de pilotage a été mis en place entre l’usine et le bureau de l’ONF de Cayenne, qui se rencontrent à intervalles réguliers pour suivre l’évolution des terrains exploités. Les normes imposées sont claires : pas d’engin lourd dans ces espaces, des zones bien délimitées pour circuler afin d’éviter le compactage des sols et interdiction formelle de déforester massivement.
Par ailleurs, par le biais de la coopérative Bio-Savane, Yana Wassaï recrute des agriculteurs chargés de produire du wassaï labellisé biologique, associé à d’autres cultures. Les méthodes agro-forestières mises en œuvre par la coopérative garantissent la sauvegarde de la biodiversité amazonienne. Le wassaï planté est réintégré à son environnement naturel, sans causer de déséquilibre sur le milieu qu’il intègre de par son caractère endogène.
Agro-industrie, Guyane, Amazonie
Futurs développements du projet
Tous les indicateurs de suivi de l’usine Yana Wassaï laissent à penser que les prévisions de production seront dépassées, que ce soit en termes de produit traité ou de diversification des produits issus de la valorisation des résidus. C’est cette dernière activité que Dave Drelin compte déployer à l’avenir, en valorisant notamment les résidus provenant de la transformation artisanale du wassaï.
« Nous sommes partis pour des années d’évolution »
Dave Drelin
Dave Drelin | © Katherine Vulpillat

 

« Fils d’agriculteur, je suis plongé dans le milieu agricole depuis toujours. J’ai été gendarme avant de me réinventer et de me pencher sur l’intérêt croissant pour le wassaï à l’international. Depuis huit ans, mon projet est de transformer le wassaï, l’awara et le cupuaçu, en privilégiant l’association de cultures sur les mêmes surfaces d’exploitation et en excluant la monoculture.

Avant la construction de notre usine, quelques producteurs vendaient le wassaï de façon informelle et il y avait beaucoup de prélèvements de wassaï sauvage dans la forêt, mais sans aucune structuration de la filière. Après une immersion totale chez des fabricants, universitaires et producteurs brésiliens, je suis revenu en Guyane pour répliquer certaines pratiques et en modifier d’autres, en les adaptant au contexte local.

Yana Wassaï ne travaille qu’avec des agriculteurs dont les exploitations sont labellisées bio ou qui souhaitent le devenir. Je cherche à avoir le moins d’impacts possible sur la nature guyanaise. La capacité de transformation de l’usine est trop importante par rapport aux capacités d’absorption du marché local. Ainsi, 90 % de notre production est destinée au marché de l’export pour les secteurs agroalimentaire, nutraceutique, médical et cosmétique. Nous avons choisi de faire appel à une coopérative, Bio-Savane, pour l'accompagnement technique des agriculteurs, notamment pour leur transition vers une agriculture bio.

Aujourd’hui, l’usine emploie sept personnes, nous serons dix au premier semestre 2023, puis 30 à 40 d’ici quelques années et entre 200 et 400 sur l’ensemble de la filière. Chaque parcelle de terrain signifie des salariés en plus pour la production agricole bien sûr, mais aussi pour faire de la recherche et du développement, de la logistique et de la transformation. Je recrute des jeunes en formation pour leur apprendre le métier de la transformation. Le cap reste le même : créer de la richesse localement, maîtriser les coûts du wassaï en Guyane, améliorer constamment nos méthodes... Nous sommes partis pour des années d’évolution. »

Dave DRELIN, président de Yana Wassaï

« Je produis bio, sans pesticides et avec des techniques adaptées au contexte local »
Mélina
Mélina Goasduff
© Katherine Vulpillat

« Dès le début du projet Yana Wassaï, la coopérative Bio-Savane a contacté les producteurs de wassaï autour de Montsinéry. Avant cela, il n’y avait pas de filière organisée, le marché était très informel. Grâce à Yana Wassaï, nous avons maintenant un débouché, un marché sécurisé où le prix est fixé à l’avance. Il y a deux ans, j’ai donc décidé de tripler la surface de production dédiée au wassaï sur mon exploitation.

Mon but était de produire en impactant le moins possible la nature et en compensant au maximum les externalités négatives liées à mon activité. Je produis bio, sans pesticides et avec des techniques adaptées au contexte local telles que le paillage, l’association de plantes et la rotation de cultures. J’utilise des plantes aromatiques et à fleurs pour attirer les auxiliaires de culture, j’associe mes poules à mon verger pour que leur fumier bénéficie aux arbres, en échange les palmiers leur offrent un abri contre les prédateurs et un peu de nourriture. Outre l’aspect écologique, le but est également de ne pas dépendre d’intrants agricoles, difficiles et coûteux à importer.

Toutes ces techniques agro-écologiques m’ont été enseignées par le biais de Bio-Savane. Nous avons réalisé plusieurs voyages d’études pour aller à la rencontre de producteurs et organismes de recherche brésiliens, notamment dans la ville de Macapa, qui se trouve dans une zone plutôt enclavée dans le nord du Brésil. »

Mélina Goasduff, agricultrice adhérente de la coopérative Bio-Savane.

« Notre objectif principal est de ne pas transformer le milieu naturel en milieu agricole »
Guillaume Thiebaut
     Guillaume Thiebaut
     © Katherine Vulpillat

« Pour garantir le rendement de son usine, M. Drelin avait besoin de diversifier les flux d’approvisionnement de Yana Wassaï. En Guyane, il y a des milieux naturels – des pinotières – dont le peuplement forestier est composé de 70 à 80 % de palmiers pinots, et ainsi du wassaï sauvage en grande quantité. M. Drelin nous a demandé une Convention d’occupation temporaire (COT) forestière de 201 hectares, où l’État reste propriétaire. C’est un projet tout à fait unique en Guyane ! Nous n’avions jamais signé de contrat avec une entreprise pour de la récolte de produits sauvages auparavant.

Le Brésil a de l’avance sur la culture des palmiers pinots, sur le développement de produits et de sous-produits à base de wassaï. L’ONF et Yana Wassaï se sont donc appuyés sur de la bibliographie existante et sur l’expérience brésilienne avant de donner son accord à ce projet. Notre objectif principal est de ne pas transformer le milieu naturel en milieu agricole, de prélever du wassaï sauvage dans la forêt sans modifier le milieu pour autant. Pour garantir cette condition, nos agents sont libres d’aller inspecter les terrains d’exploitation.

M. Drelin a fait une demande de COT sur des parcelles aux abords du fleuve Approuague, dont l’embouchure se trouve à l’est de la Guyane. Ces zones ne sont pas faciles d’accès, il faut compter au moins 45 minutes de pirogue. Il a choisi ce secteur car les palmiers pinots s’épanouissent surtout dans des zones marécageuses, en aval des fleuves. C’est dans ce type de milieu que le pourcentage de wassaï sera le plus élevé. Actuellement, ces forêts sont composées de peuplements naturels de wassaï : en haut de la canopée se trouvent des arbres dominants naturels comme le carapa, au milieu le wassaï et en bas du cacao issu de vieilles plantations. Grâce à l’intervention de M. Drelin, celles-ci pourront être renouvelées et valorisées, ce qui influence positivement la capacité de séquestration carbone de nos forêts. »

Guillaume THIEBAUT, technicien forestier territorial de l’ONF.