Qu'il peut sembler loin, le Mali de la Madame Bâ d'Erik Orsenna. Après des années d’expansion économique, le coup d’État de 2012 entraîne le pays dans une crise politique et sécuritaire. La moitié Nord est occupée par les rebelles touaregs et les groupes djihadistes qui multiplient les exactions. Cela conduit à une intervention militaire internationale dans laquelle la France a joué un rôle majeur.
Vaste pays d’Afrique de l’Ouest sans débouché sur la mer, le Mali compte 17,6 millions d’habitants et une croissance démographique de 3,6 % par an. Peu diversifiée, l’économie malienne a beaucoup souffert. Le tourisme s’est effondré. Le Mali a pourtant des atouts solides pour remonter la pente : aide internationale, gouvernement actif et mobilisation d'entrepreneurs passionnés permettent d’espérer un renouveau de la croissance. Déjà, le tourisme d’affaires reprend à Bamako.
Pour Proparco, la filiale de l’AFD dédiée au secteur privé, le développement de l’industrie hôtelière était un préalable indispensable au retour des investisseurs. La création de l’École hôtelière Chiaka Sidibé (EHCS) a ainsi été soutenue dans le cadre d'un prêt de 16,4 millions d'euros destiné à la rénovation de l’hôtel Salam à Bamako, qui accueille l'école. Le prêt est assorti d'une assistance technique de trois ans pour la mise en place des programmes de formation.
Nos élèves sont conscients qu’ils sont là pour apprendre un métier et éviter la fatalité du chômage.
La présence d'un militaire belge en faction à l'entrée de l'école hôtelière Chiaka Sidibé le rappelle : le Mali reste sous la menace du djihadisme. Alors, aujourd’hui plus que jamais, les jeunes Maliens ont besoin d’opportunités économiques et de solutions qui répondent à leurs aspirations. Car même diplômés, ils rejoignent trop souvent les rangs des chômeurs.
Confrontée à un cortège de formations universitaires inadaptées et à la crise générale des apprentissages, la moitié de la jeunesse du pays est touchée par le sous-emploi ou l'inactivité forcée.
Dans ce contexte, le rôle des dirigeants de l'école et des initiateurs du projet est primordial : « C’est de la responsabilité sociale de notre entreprise que de réinvestir dans cette formation, dit Mossadeck Bally. De donner une chance à ces jeunes qui autrement, peut-être, iraient grossir les rangs des terroristes ou seraient tentés par l'aventure en traversant le désert et la Méditerranée, avec tous les risques que nous connaissons. »
Le choix de la parité s'est vite imposé à l'École hôtelière Chiaka Sidibé, dans un pays où l’autonomisation des femmes reste une question centrale et un défi à relever. Pour l'EHCS, le succès dépasse les espérances puisque l’école compte désormais une majorité d’étudiantes. Une bonne nouvelle pour le secteur de l’hôtellerie-restauration malien où les femmes restent sous-représentées, tant dans les fonctions dirigeantes qu’opérationnelles.
Deux ans après l'ouverture de l’école Chiaka Sidibé, Mossadeck Bally peut dire qu'il a réussi son coup. Désormais, les employeurs du pays veulent embaucher des élèves avant même la fin de leur formation. Et le temps est déjà venu de changer de dimension : « Devant le succès de notre première promotion et les retours très positifs des entreprises partenaires, nous avons décidé d’augmenter les effectifs 2017, d’ouvrir deux nouvelles classes en 2018 et de recruter davantage afin de former 100 élèves par an. »
À ce stade, un seul établissement ne suffit plus. Le PDG du groupe Azalaï voit plus loin : pour cet homme issu d’une famille de commerçants où « entreprendre est une seconde nature », il faut essaimer le concept dans d'autres pays africains. Une ambition qui répond à un réel besoin, tant le nombre d’offres d'emploi non pourvues en hôtellerie-restauration augmente chaque année dans les pays d’Afrique subsaharienne.
En attendant, l’EHCS recherche d’autres investisseurs et aspire à devenir une structure autonome, solide et reconnue. Il lui est donc nécessaire d'élargir l’offre de formation et de bâtir de nouvelles salles de cours pour couvrir tous les métiers de l’hôtellerie. En parallèle, son objectif est d'obtenir de l'État malien la validation du cursus de l'école comme formation diplômante. Et faire de l'apprentissage sauce Bally un plat de référence connu dans toute la région.