L’invitée d’afd.fr, Karen Mapusua, directrice de la division Ressources terrestres de la Communauté du Pacifique, explique comment cette solution permet de répondre aux enjeux d’adaptation au changement climatique, de préservation de la biodiversité, de sécurité alimentaire et de résilience économique pour les populations insulaires du Pacifique.
Les États et Territoires insulaires océaniens sont particulièrement vulnérables aux conséquences du changement climatique. En effet, ces territoires sont déjà exposés à divers risques climatiques de grande ampleur tels que l’augmentation des températures de l’air et le réchauffement des océans, l’élévation du niveau de la mer, les cyclones, les inondations, les sécheresses et la salinisation des eaux souterraines. Ces phénomènes menacent la subsistance des communautés océaniennes. L’urgence climatique nous impose d’agir et nous devons faire de la nature notre alliée.
Lors du sommet « One Planet » de décembre 2017, face à l’urgence climatique, le président français s’est engagé aux côtés de l’Union européenne à créer une coalition de bailleurs de fonds pour soutenir les États et Territoires insulaires océaniens dans leur recherche de solutions communes pour le climat.
L’Initiative Kiwa, fruit de cet engagement et gérée par l’Agence française de développement (AFD), est une initiative multi-bailleurs (Union européenne, France, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande) unique de 35 millions d’euros en Océanie dont l’objectif est d’améliorer la résilience aux conséquences du changement climatique des écosystèmes, des économies et des communautés des îles du Pacifique grâce à des solutions fondées sur la nature. Celles-ci sont définies par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) comme « des actions de protection, de gestion durable et de restauration d’écosystèmes naturels ou modifiés, qui répondent à des défis sociétaux de manière effective et adaptative ».
Un certain nombre d’expériences ont montré que les ressources naturelles peuvent non seulement être restaurées, mais aussi protéger les communautés et les écosystèmes des conséquences actuelles et à venir du changement climatique. Par exemple, la restauration des écosystèmes côtiers (récifs coralliens et mangroves), l’agroécologie et l’agriculture biologique constituent de bons exemples de ces « solutions fondées sur la nature (SFN) » qui peuvent offrir une réponse durable aux conséquences du changement climatique.
Un réseau océanien de fermes biologiques pédagogiques
Après le lancement de l’Initiative en 2020, l’AFD a signé avec la Communauté du Pacifique (CPS) en mai 2021 un accord de financement pour la mise en place d’un Réseau océanien de fermes biologiques pédagogiques, premier projet régional soutenu par l’Initiative Kiwa.
Le projet vise à répondre aux défis de l’adaptation du changement climatique, de sécurité alimentaire et de préservation de la biodiversité en Océanie grâce à la promotion de techniques et méthodes de production agricole biologique et agro écologique. Ce réseau sera déployé à Fidji, Nauru, aux îles Salomon et à Tonga. Il permettra également de favoriser l’intégration régionale des territoires français du Pacifique à travers la mise en œuvre d’échanges de bonnes pratiques à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Le projet est ancré dans chacun des territoires : il permettra d’accompagner des agriculteurs locaux volontaires vers l’utilisation et la promotion de systèmes de production et d’alimentation durables et biologiques, en s’appuyant sur des SFN. Enfin, le projet favorise la mise en place de débouchés économiques pour ces agriculteurs.
Ces solutions répondent directement aux enjeux d’adaptation au changement climatique, de la préservation de la biodiversité, de sécurité alimentaire et de résilience économique que vivent les populations océaniennes du Pacifique insulaire.
Des ambassadeurs de l’agriculture biologique
Les exploitations deviendront des centres pédagogiques qui présenteront les bienfaits de la biodiversité, de l’agroécologie, de l’agroforesterie et des méthodes et technologies de production biologiques
Les centres de formation portés par les agriculteurs, à savoir les exploitations et le réseau de fermes biologiques pédagogiques, permettront de générer des revenus tout en apportant de nombreux bénéfices environnementaux : pérennité de la production agricole, eau propre, atténuation du changement climatique grâce au piégeage du carbone, biodiversité plus riche, rejet des organismes génétiquement modifiés (OGM), formation et amendement du sol, recyclage des déchets, protection des pollinisateurs, etc. Les petits exploitants ont une connexion très forte à la terre tant culturelle que professionnelle. Ils joueront pleinement leur rôle d’ambassadeurs de l’agriculture biologique et du projet. L’agriculture biologique se révèle également utile pour aider les femmes et les jeunes afin de les aider à trouver de nouvelles opportunités de carrière dans le secteur agricole.
Capitaliser et diffuser les connaissances
Les répercussions du Réseau ne se limiteront pas à l’échelle locale. Il contribuera aussi à la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unies : l’objectif 2 (Faim « zéro »), l’objectif 5 (Égalité entre les sexes), l’objectif 13 (Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques) et l’objectif 15 (Vie terrestre) qui vise à préserver les écosystèmes terrestres et à les exploiter durablement.
Pour parvenir à créer un système alimentaire sain résilient aux conséquences du changement climatique et aux crises de santé publique, le Réseau devra s’appuyer sur un socle solide de connaissances, d’expérience et de diffusion. La Division ressources terrestres de la CPS fera appel à la Communauté océanienne pour l'agriculture biologique et le commerce éthique (POETCom) pour gérer le réseau.
L’audace est nécessaire
Projet de la Division ressources terrestres de la CPS, la POETCom développe le mouvement de l’agriculture biologique et du commerce éthique et contribue à faire de l’Océanie une région productive, résiliente, viable et en pleine santé depuis plus de dix ans. Grâce à l’expertise de la POETCom en matière de promotion de l’agriculture biologique, de certification biologique et de gestion d’autres projets liés à l’agriculture biologique en Océanie, le Réseau bénéficiera de l’orientation stratégique dont il a besoin pour réussir.
Après la pandémie de Covid-19 et la récente série de cyclones et d’urgences liées au climat, le Pacifique a besoin de solutions audacieuses pour ses systèmes agricoles et alimentaires de plus en plus menacés. La riposte doit aller au-delà des données économiques élémentaires et être globale : nous devons créer un système équilibré qui tient compte de la nature, des facteurs nutritionnels, des connaissances et de nos voisins. Le Réseau océanien de fermes biologiques pédagogiques représente une étape vers cet équilibre : pour un Pacifique résilient, l’avenir passe par la population et la nature.
Karen Mapusua, directrice de la division Ressources terrestres de la Communauté du Pacifique
L’initiative Kiwa bénéficie du soutien de l’Union européenne (UE), de l’Agence française de développement (AFD), d’Affaires mondiales Canada (GAC), du ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce (DFAT), et du ministère néo-zélandais des Affaires étrangères et du Commerce (MFAT). Le contenu de cet article relève toutefois de la seule responsabilité de l’AFD et de la CPS, et ne reflète pas nécessairement l’opinion des bailleurs de fonds.

Ce projet est réalisé avec le soutien de l’Union européenne