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Maroc : au coeur de la transformation agricole de Ghassate
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L'édition 2025 du Salon international de l'agriculture met à l'honneur le Maroc. Au sud-est du pays, où l’agriculture est souvent synonyme de survie, les sols fragiles, les ressources en eau limitées et les conditions climatiques posent de nombreux défis. Pourtant, depuis 2014, à Ghassate, le Programme d’amélioration des performances du secteur agricole (Papsa) a semé les graines d’une transformation durable. Les bénéficiaires témoignent.
Dans la région de Ghassate, au Maroc, les conditions climatiques font peser de nombreuses menaces sur l’agriculture. Porté par l’ONG Agrisud International et la Fondation Norsys, et cofinancé par l’AFD, le projet Papsa (Programme d’amélioration des performances du secteur agricole) a permis à des centaines de familles de réinventer leur rapport à la terre grâce à une transition agroécologique ambitieuse. Au cœur de cette réussite, un engagement passionné et une proximité unique entre une équipe d’experts et des agriculteurs bénéficiaires.
Imane Taaime, directrice de la Fondation Norsys, a une vision claire des objectifs du programme Papsa : allier les exigences du terrain à des stratégies de développement durable. « Au départ, nous accompagnions 11 % des foyers agricoles de la commune. Aujourd’hui, ce chiffre atteint 66 %, explique-t-elle. Ce projet s’est étendu à vitesse grand V, grâce à une approche qui combine techniques durables, structuration économique et vision territoriale. » Depuis ses débuts, Papsa s’appuie en effet sur une approche intégrée, structurée autour de trois axes complémentaires : améliorer les exploitations agricoles, organiser les filières économiques et fédérer les acteurs territoriaux. « Il ne s’agit pas seulement de former, mais de transformer les pratiques pour bâtir un cadre durable », résume Imane Taaime.
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Des pratiques agricoles repensées
Papsa vise donc à transformer les exploitations agricoles, tout en respectant les ressources naturelles. À Izerki, Aznag Mohammed, agriculteur de 40 ans, se réjouit des changements apportés. Grâce aux formations qu’il a pu suivre, il est passé des plantations traditionnelles aux plantations en rangées… pour le plus grand bonheur de ses légumes. « Avant, nous travaillions de manière aléatoire et nous perdions nos maigres récoltes, du fait de la sécheresse et d’autres aléas climatiques, explique-t-il. Maintenant, nous produisons même du fumier maison pour que les graines plantées ne soient pas abîmées. Tout est produit localement, c'est bio et ça marche très bien. » Grâce à la diversification des cultures et aux programmes de formation de Papsa, les bénéficiaires pensent désormais par-delà l’agriculture de subsistance.
« La meilleure chose que j’ai apprise, c’est la commercialisation, explique Abdelaziz Kassi, agriculteur installé à Ait Ali Moussa. Avant, j’avais honte de parler d’argent. Je n’avais pas cette culture, je préférais encore donner. Maintenant, c’est devenu normal de vendre, et c’est même désormais un peu compétitif entre nous. »
L’élevage, un levier de résilience
L’élevage ovin, en particulier dans les zones de piémont et de montagne, est un autre pilier du projet. En formant les éleveurs à l’hygiène des bergeries, à la gestion des cycles de reproduction et à l’alimentation adaptée des animaux, Papsa a permis une réduction drastique des pertes animales et une nette amélioration des revenus des éleveurs. « Avant, j’avais l’impression de travailler énormément pour très peu de résultats, détaille Fatima Kamal, éleveuse de 51 ans installée à Asseghmou. Aujourd’hui, mon troupeau est sain, et je ne dois plus acheter mon mouton pour l’Aïd. J’en vends même à des acheteurs qui viennent jusqu’à moi. »
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Structurer les filières pour l’avenir
Au-delà des exploitations individuelles ou familiales, Papsa soutient la création de filières solides et autonomes. La coopérative laitière de Ghassate, présidée par Abdelkabir El Imam, en est un exemple : « Le lait de nos vaches était trop souvent gaspillé. Nous avons donc fondé cette coopérative afin d’optimiser sa commercialisation et améliorer les conditions de vie des éleveurs. » Les actions de Papsa s’étendent à d’autres secteurs, comme l’apiculture, le maraîchage, les cultures fourragères, l’aménagement hydroagricole ou l’arboriculture, connectant les petits producteurs aux marchés. Ces filières structurées leur garantissent une pérennité économique et un développement local durable.
Une équipe investie
Le succès de Papsa repose sur l’engagement infaillible de son équipe locale, composée de techniciens agricoles, de formateurs, d’experts en élevage et de coordinateurs. Chaque semaine, ces professionnels se rendent sur le terrain pour accompagner les 750 exploitations bénéficiaires, ajuster les actions en fonction des besoins et renforcer les progrès. « Certaines de nos actions, comme les cours d’alphabétisation, ne relèvent pas directement des pratiques agricoles, mais elles sont indispensables pour renforcer l’autonomie des bénéficiaires et leur permettre de tirer pleinement parti du projet », souligne Imane Taaime.
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Un modèle à répliquer
Alors que Papsa entre dans sa dernière phase (2023-2026), l’équipe s’attache à pérenniser ses acquis tout en explorant de nouvelles perspectives d’expansion. Pour garantir la continuité de cette transition, des relais agricoles sont formés en tant que référents locaux, et des partenariats solides sont établis, notamment avec l’Office régional de mise en valeur agricole de Ouarzazate (ORMVAO) et le programme Génération Green. « Notre projet mériterait d’être dupliqué. Sa combinaison unique d’interventions techniques, économiques et humaines peut inspirer et transformer durablement d’autres régions », assure la directrice de Norsys. Et si la formule Papsa fonctionne, c’est parce qu’elle ne se résume pas à un programme de développement agricole : « Ce qui compte, c’est de ne pas réduire les gens à des indicateurs. Chaque famille a ses défis, ses espoirs, et mérite des solutions adaptées. »
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