L’agenda « Océans » s’est invité pour la première fois au Sommet Finance en commun, le 5 septembre à Carthagène, en Colombie. Dans un texte commun, neuf banques, dont l’Agence française de développement (AFD), se sont engagées à coopérer pour faire plus et mieux en matière de protection et d’usage durable des ressources marines. Cette collaboration et ses avancées seront présentées lors de la Conférence des Nations unies sur les Océans (Unoc), qui se tiendra en France en 2025.
Romain Chabrol, expert Océans à l’AFD, revient sur les enjeux de cette déclaration.
Quel est l’objet de cet appel de Carthagène sur les océans ?
Romain Chabrol : Pour la toute première fois, des banques publiques de développement (BPD) se sont engagées publiquement à travailler ensemble pour faire des océans et de l’économie bleue durable une de leurs priorités. C’est un premier pas important, symbolique de l’importance croissante de cet enjeu dans la communauté internationale, et en particulier pour notre communauté de bailleurs.
En effet, depuis 2019, et notamment le rapport spécial du Giec sur les océans et la cryosphère, nous sommes de plus en plus conscients que l’océan est un puits de carbone, une pompe à chaleur, à oxygène, un réservoir de ressources essentielles à la sécurité alimentaire (plus d’un milliard de personnes dépendent des ressources halieutiques pour leur survie), un réservoir de biodiversité, mais aussi le support de très nombreuses activités économiques… Des activités économiques en pleine croissance ! L’océan est un enjeu de développement majeur, en Colombie comme dans de très nombreux pays d’intervention de l’AFD.
Mais cet espace de développement commun est soumis à de très nombreuses pressions : surexploitation, pollutions, changements climatiques, qui appellent la mobilisation de tous les acteurs, publics comme privés. Il y a donc beaucoup à faire, notamment pour les BPD, qui représentent 10 % de l’investissement mondial… L’Objectif de développement durable (ODD) 14 pour la protection des océans est le moins financé des 17.
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Pourquoi cette mobilisation est-elle importante pour l’AFD ?
L’année dernière, en organisant à Brest un sommet dédié, le One Ocean Summit, le président de la République a témoigné de la volonté de la France d’apporter sa pierre à un agenda en faveur des océans et d’inscrire cet agenda au cœur des priorités françaises. Cette volonté se traduira par l’organisation avec le Costa Rica de la prochaine Conférence des Nations unies sur les océans en 2025, à Nice, au bord de la Méditerranée.
Pour le groupe AFD, qui a un lien historique fort avec les océans et qui y consacre une part conséquente de son activité (environ 6 % tous les ans), c’est une invitation à faire plus et mieux. Et pour cela, il est essentiel de travailler avec nos homologues avec des cofinancements, des partages d’expériences, d’expertises, de méthodologies…
Avec cet appel, nous nous engageons à définir ensemble une feuille de route, des principes communs, et à partager des bonnes pratiques pour une économie bleue ou océanique durable et positive pour les océans. Cette feuille de route sera l’une des contributions des BPD au pilier finance bleue de l’Unoc de Nice.
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Pourquoi parler de contribution positive ?
L’enjeu est de ne pas se limiter à la maîtrise des impacts négatifs des projets soutenus, mais de chercher aussi des contributions positives ou régénératrices : dépollution, traitement des eaux usées, aires marines protégées, protection des mangroves et autres écosystèmes côtiers, gestion intégrée des zones côtières…
Du côté de l’AFD, notre action doit se comprendre comme une contribution à la dimension marine du Cadre mondial biodiversité, dont les cibles 2 et 3 sur la restauration et la protection, et plus globalement comme un engagement fort de l’AFD pour la nature. C’est l’ambition « Nature positive » du Cadre mondial : il s’agit d’ici 2030 de mettre un terme à la dynamique de dégradation continue qui touche les océans et d’engager ensuite une véritable restauration. Les BPD ont un rôle essentiel à jouer pour y parvenir.