1. Les inégalités nuisent à la cohésion sociale…
Les inégalités et l’injustice sociale créent un sentiment de frustration qui alimente les tensions au sein de la société, explique Anda David, spécialiste des questions d’inégalités à l’Agence française de développement (AFD) : « Les individus qui en souffrent ont tendance à moins coopérer entre eux, ce qui augmente le risque d’apparition de conflits sociaux, de crises politiques et de conflits armés. »
Vingt-sept ans après la fin de l’apartheid, les inégalités persistantes en Afrique du Sud entre riches et pauvres, entre groupes ethniques et entre habitants des grandes villes et ceux des anciens « bantoustans » – régions réservées aux populations noires durant l’apartheid – continuent de provoquer des tensions.
2. …et affaiblissent la croissance
La croissance économique d’un pays est généralement tirée par sa demande intérieure. Or si les inégalités y sont trop fortes, entre des populations pauvres qui ne disposent pas d’un grand pouvoir d’achat et des riches dépensant une plus faible part de leur revenu – et que la classe moyenne n’est pas suffisamment importante – la demande domestique s’en trouve affaiblie, et avec elle la croissance du produit intérieur brut (PIB).
En 2015, le Fonds monétaire international (FMI) battait en brèche la théorie du « ruissellement » selon laquelle les revenus des plus riches tireraient la croissance, en soutenant le contraire dans une étude : plus leur fortune augmente, moins la croissance est forte. « Ça a marqué les esprits », se souvient Anda David.
3. Elles réduisent les opportunités économiques…
Dans une société inégalitaire, les plus pauvres sont découragés dans leurs tentatives d’investir ou de créer une activité économique par les contraintes de crédit auxquelles ils font face. « Ils ne peuvent alors pas mettre à profit leurs compétences, ce qui conduit à moins d’opportunités économiques pour tout le monde », détaille Anda David.
Ces contraintes sont particulièrement néfastes lorsqu’elles entravent la capacité des ménages à financer les études des enfants. « Créer des bourses à destination des plus pauvres dès l’éducation de base peut les aider à réaliser un cursus éducatif complet et leur permettre ensuite de mettre leur créativité et leurs compétences au service du développement du pays », souligne Rohen d’Aiglepierre, économiste spécialisé dans l’éducation et l’emploi à l’AFD.
4. …et affectent le bien-être
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a confirmé, dans une étude publiée en avril 2018, le lien entre le niveau d’inégalité et celui de bien-être au sein de la population.
D’après cette étude, les 20 % les plus riches sont deux fois plus susceptibles d’exprimer un niveau élevé de satisfaction à l’égard de la vie que les 20 % les plus pauvres. Et plus l’écart se creuse entre riches et pauvres, plus les sentiments de bien-être et de mal-être sont prononcés.
5. Les inégalités réduisent l’efficacité de l’aide au développement
L’idée que les inégalités ont un impact négatif sur le développement des pays, parce que sources de tensions, de ralentissement de la croissance et de mal-être des populations, est aujourd’hui largement partagée.
« S’il y a de fortes inégalités dans un pays, les moyens déployés pour y lutter contre la pauvreté ne servent pas à grand-chose, pointe Anda David. Si en tant qu’acteur du développement nous soutenons des projets contribuant à la croissance d’un pays mais que celle-ci bénéficie davantage aux riches qu’aux pauvres, nos opérations seront moins efficaces. »
D’où l’importance de prendre davantage en compte les effets des programmes d’aide au développement sur la réduction des inégalités. Ce qui est déjà une préoccupation majeure au sein de l’AFD [en savoir plus sur la stratégie « 100 % lien social »].
6. Elles renforcent la criminalité…
De fortes inégalités au sein d’une société ont tendance à y faire grimper le taux de criminalité. Explications : « Dans une société où les revenus sont majoritairement très bas, le coût d’opportunité d’un acte violent, un vol par exemple, sera plus bas et le gain espéré plus élevé », constate Anda David.
Le sentiment d’injustice sociale y participe aussi. « Les jeunes diplômés qui ne peuvent pas s’insérer localement sur le marché du travail peuvent être tentés par la criminalité, l’extrémisme violent ou la migration », observe Rohen d’Aiglepierre.
7. … et augmentent le nombre d’enfants par femme
La population mondiale a doublé en un demi-siècle pour atteindre 7,6 milliards d'humains en 2018, et devrait passer à 11,2 milliards d'ici 2100 selon les projections de l'ONU. Alors que notre impact sur l’environnement et la raréfaction de certaines ressources naturelles nous invitent à faire moins d’enfants, les inégalités peuvent, au contraire, pousser les femmes à en avoir plus.
Là encore, c’est une histoire de coût d’opportunité : « Dans une société sans redistribution, et donc sans filet de sécurité sociale, et lorsque le coût d’opportunité d’avoir des enfants est faible, les parents comptent sur leur descendance pour s’occuper d’eux à un âge avancé. Mais si les revenus escomptés de l’enfant sur le marché du travail sont faibles, alors il devient important d’en avoir plusieurs pour s’assurer suffisamment de moyens », explique Anda David.
Et ce mécanisme prend dans certains cas des allures de cercle vicieux, lorsque l’augmentation de la population conduit à l’accroissement de la main-d’œuvre peu qualifiée, et tire en définitive les salaires vers le bas.
Lutter contre les inégalités n’est donc pas seulement une priorité : c’est un combat de longue haleine.
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