L’AFD vient de rendre publique sa stratégie de transition économique et financière. Pourquoi est-elle nécessaire ?
Emmanuelle Riedel-Drouin : Cette stratégie pense l’économie pour l’humain en tenant compte de la planète. Elle intervient dans un contexte international troublé par de nombreuses tensions et crises qui questionnent nos actuels modèles économiques et financiers. Pour transformer l’économie, dans un monde qui tend vers plus de durabilité, il faut sortir les modèles économiques et financiers de leurs schémas parfois court-termistes, et les penser à long terme. Tout comme la santé, l’éducation ou le climat, l’économie, et dans son giron la finance, est un pilier de la réussite des Objectifs de développement durable (ODD) défendus par les Nations unies.
Comment résumer cette stratégie ?
E. R.-D. : À ce jour, il n’existait pas de réflexion systématique sur les modèles de production, de consommation et d’investissement des projets accompagnés par le groupe AFD. Cette stratégie 2021-2025 accompagne la transformation des économies des pays où nous intervenons afin de construire un écosystème économique, social mais aussi environnemental viable à long terme.
Dans ce processus, la sobriété, l’inclusion et la résilience sont les trois marqueurs fondamentaux qui structurent nos activités pour accompagner nos partenaires à développer de nouvelles façons de produire, de consommer et de financer. La sobriété parce qu’elle assure une gestion pérenne des ressources naturelles, financières, technologiques et humaines. L’inclusion parce qu’elle implique une répartition équilibrée de ces ressources et un accès aux opportunités économiques et financières pour les populations exclues. Et la résilience parce qu’elle permet de mieux s’adapter aux crises.
Dans les activités du groupe AFD, comment cette stratégie se traduit-elle concrètement ?
E. R.-D. : Six activités principales orientent nos choix. Premièrement, nous soutenons le développement de systèmes productifs ancrés dans l’économie locale. Il s’agit également d’accompagner la mise en place de services financiers adaptés pérennes et responsables, accessibles au plus grand nombre. Soutenir un commerce durable qui associe le bon équilibre entre impacts économiques, sociaux et environnementaux est le troisième pilier de nos activités. Le groupe AFD encourage aussi l’adoption par les entreprises et les institutions financières, notamment les banques de développement, de bonnes pratiques de production, de consommation et de financement, tout comme le développement d’outils de pilotage de gestion des risques pour mieux gérer l’incertitude. Enfin, nous accompagnons les États dans la conduite et la régulation des activités économiques et financières.
Une dizaine d’indicateurs permettront de mesurer l’impact de nos activités en les mettant en lien avec les autres priorités du groupe que peuvent être la lutte contre le réchauffement climatique, les questions de genre, les interventions en zones fragiles…
Lancée en mars 2021, cette stratégie repose toutefois sur de bonnes bases ?
E. R.-D. : Les activités liées à la transition économique et financière représentaient déjà 3,5 milliards d’euros sur les 14,1 milliards engagés par le Groupe en 2019, soit un quart de notre plan d’affaires. L’adoption de cette stratégie ne fera que renforcer des pratiques qui sont déjà bien ancrées dans nos activités.
Cette stratégie est pensée à l’échelle du Groupe.
Quel est le rôle de Proparco dans ce processus ?
Jean-Marc Liger : En tant que filiale dédiée au secteur privé du groupe AFD, Proparco est partie prenante de la stratégie de transition économique et financière. Notre rôle est d’accompagner les acteurs économiques du secteur privé dans leur transition. Ces acteurs peuvent être des entreprises, des banques, des fonds d’investissement.
La réussite de la transition économique et financière passe par une bonne connexion entre le public et le privé. Elle repose également sur l’orientation des flux financiers privés vers des investissements responsables. Un exemple : notre travail avec les fonds d’investissement et les banques pour soutenir leurs entreprises clientes dans leur stratégie bas-carbone. Ou encore, la mobilisation des acteurs financiers pour investir dans l’économie verte, les énergies renouvelables, etc.
Comment Expertise France contribue à cette stratégie ?
Isabelle Valot : Notre rôle se focalise surtout sur de l’assistance technique transversale pour accompagner l’évolution d’un environnement des affaires propice à cette transition économique et financière. Dans une approche systémique, nous fédérons des compétences techniques issues du secteur public et du monde de l’entreprise pour répondre aux attentes de nos différents partenaires institutionnels. Nos experts travaillent dans des domaines très variés tels que l’appui aux politiques publiques en faveur de l’entrepreneuriat et du commerce, les partenariats publics privés (PPP) ou la réglementation douanière et fiscale. Cette transversalité permet la préparation d’écosystèmes économiques et financiers bâtis en cohérence avec la transition.