L'excision, une pratique sévèrement préjudiciable qui implique l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins, persiste malgré les conséquences dévastatrices sur la santé physique et mentale des victimes et les appels à son éradication. Elle peut provoquer des saignements, des infections, causer l’infertilité des femmes ou des complications à l’accouchement allant jusqu’à la mort des nouveau-nés et des personnes excisées elles-mêmes.
Selon l’Unicef, 98 % des femmes ont été victimes d’excision en Somalie, 96 % en Guinée, 93 % à Djibouti ; trois pays qui, comme la grande majorité des États où elle se pratique, ont pourtant adopté des lois pénalisantes. Elles ne suffisent toujours pas à lutter contre le poids des normes sociales, culturelles et ethniques qui justifient encore cette coutume.
L'emprise des traditions
Financé par l'AFD et produit par le Groupe URD, think tank spécialisé dans l'action humanitaire, le documentaire La jeune fille, les chouettes et les hommes lions (ci-dessous) propose une immersion dans la province du Mandoul, au Tchad. Dans ce berceau de l’ethnie Sara, 80 % des femmes sont encore victimes d’excision, pourtant interdite dans le pays depuis 2002.
« Je me suis dit que j’étais entre la vie et la mort », confie Évelyne à l’anthropologue Florence Chatot et au journaliste Carol Valade, qui ont récolté un grand nombre de témoignages de femmes et d’hommes pour réaliser ce film. Ce dernier fait le constat de l’emprise des traditions sur les habitants du Mandoul, et sème l’espoir en relatant le combat de Tchadiennes et de Tchadiens cherchant à libérer les femmes de ces pratiques.
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Femmes et hommes engagés contre l’excision
« J’ai dit à mon père : "Si tu laisses encore tes filles aller là-bas subir ce que j’ai subi, je ne peux plus marcher avec toi" », raconte Louise, traumatisée par sa propre excision puis devenue sensibilisatrice pour le compte d’ONG locales. Son objectif ? Faire tomber les croyances erronées sur une tradition somme toute récente et convaincre les jeunes filles et les aînées de briser le cercle vicieux de l’excision et de résister aux pressions sociales de la communauté qui marginalise les filles non excisées.
Les effets néfastes de ces pratiques sont directement visibles à l’hôpital de Koumra, où des femmes sont prises en charge tous les jours suite à des complications médicales liées à leur excision. Les condamnations restent rares au tribunal local et les nombreuses actions financées et mises en œuvre par des bailleurs et des ONG internationaux pour lutter contre l’excision peuvent mener à une invisibilisation de ces pratiques sans que celles-ci ne diminuent. Car l'excision est liée aux rites initiatiques qui sont au cœur de l’identité Sara. Elle est aussi source de revenus pour un certain nombre d’acteurs qui n’ont pas intérêt à la faire disparaître.
Briser le tabou à tous les niveaux de la société n’est pas un défi réservé aux femmes. René Sadjiman, animateur dans une radio locale du Mandoul, est l’un des rares à s’exprimer publiquement sur le sujet et il a décidé de relayer à l’antenne le discours des femmes luttant contre l’excision. Pas question pour lui que sa fille subisse le même sort… Avec son épouse excisée, ils surmontent ensemble cette épreuve (photo ci-dessus).
L’action de l’AFD au cœur d’un combat collectif
Le film s’inscrit dans la continuité de l’étude réalisée par Florence Chatot sur les facteurs sociaux, économiques et législatifs qui influencent la persistance des mutilations sexuelles féminines dans le Mandoul. Il a été réalisé dans le cadre du projet Pasfass pour l’autonomisation sociale des femmes tchadiennes par l’accès aux services de santé et la prise en compte des violences basées sur le genre, projet financé par l’Agence française de développement et mis en œuvre par les ONG Care et Base.
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« Dans un contexte de montée des conservatismes, l’un des défis est de prolonger notre accompagnement des dynamiques locales et endogènes », explique Anne Roos-Weil, responsable adjointe de la division Santé et protection sociale de l’AFD, qui souligne l’importance d’une action collective menée par des acteurs de terrain, collectivités locales, organisations internationales, mais aussi par l’Union européenne.
L’AFD s’affirme comme une agence résolument féministe dans le sillon de la diplomatie féministe française et s’engage pour la promotion des droits et de la santé sexuels et reproductifs, dont le droit à disposer de son corps. Dans ce cadre, 184 millions d’euros ont été investis entre 2021 et 2023 dans le financement de projets allant de l’accès à des services de santé sexuelle et reproductive de qualité et adaptés aux besoins des jeunes filles jusqu’à la lutte contre les violences basées sur le genre, projets dans lesquels s’inscrit le combat contre l’excision.
La Jeune Fille, les chouettes et les hommes lions - pourquoi l'excision persiste dans le Mandoul, un documentaire de Carol Valade, avec Florence Chatot et Nesta Yamgoto, disponible en version intégrale et en version courte.