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Au Vietnam, l’augmentation du niveau de la mer entraîne une salinisation de l’eau douce. Pour y faire face, un nouveau barrage-écluse financé par un prêt de l’Agence française de développement (AFD) a été inauguré le 24 mars 2022 dans la province de Ninh Binh. Retour sur ce programme ambitieux avant la Journée mondiale de l'environnement du 5 juin.

La province de Ninh Binh, surnommée la « baie d’Halong terrestre » pour la ressemblance de ses paysages avec la très emblématique baie vietnamienne, est située sur la côte nord du pays. Ici, les rizières s’étendent à perte de vue, bordées par endroits de formations karstiques si prisées des touristes ; mais, loin des yeux des visiteurs, c’est une course contre la montre à laquelle sont confrontés les agriculteurs contre la montée du niveau de la mer.

Conséquence directe de ce phénomène, les eaux salées s’infiltrent dans le fleuve Day et salinisent les canaux d’eau douce normalement utilisés pour l’agriculture et la consommation domestique, avec des conséquences désastreuses sur les récoltes et la vie quotidienne des habitants. Pour faire face à ce problème, renforcé par le changement climatique, l’Agence française de développement a financé un projet de barrage-écluse à Kim Dai, dans la province de Ninh Binh. Une infrastructure essentielle pour la résilience de la province.

L’enjeu de l’adaptation au changement climatique

Pour Ngoc Thinh Pham, directeur de la cellule de gestion de projets agriculture de la province de Ninh Binh, l’installation d’un barrage-écluse devenait indispensable : « L’année dernière, entre novembre et avril, nous avons fait face à d’importantes pénuries d’eau douce à cause de l’infiltration d’eau salée en provenance du golfe du Tonkin. »

Ngoc Thinh Pham

Un phénomène qui pourrait largement s’intensifier avec le changement climatique : « L’eau remonte actuellement jusqu’à 15 km de l’embouchure du fleuve Day, une distance qui pourrait doubler d’ici 2030 selon nos prévisions. La concentration en sel a également augmenté au cours des dernières années, une tendance qui devrait se poursuivre. Ce phénomène affecte aujourd’hui plusieurs milliers d’hectares et pourrait en toucher des dizaines de milliers d’autres si nous ne faisons rien. »  

Dans ce contexte, la province a fait construire quatre barrages-écluses pour prévenir l’intrusion d’eau salée dans les différentes rivières et fleuves. L’ouvrage de Kim Dai est le dernier de ces barrages, et le plus important. 


Lire aussi : Un nouveau barrage-écluse pour lutter contre les effets du changement climatique au Vietnam


Des résultats immédiats 

Thanh Binh Hoang, 47 ans, est directeur d’une coopérative de producteurs. Dans sa famille, on est agriculteur de génération en génération. Il a constaté directement les conséquences de la salinisation : « Nous avons déjà perdu des récoltes entières à cause du sel. Et même dans notre usage quotidien, le sel fait tout rouiller, les pompes tombent en panne… » 

Thanh Binh Hoang

Pour lui, la mise en service du barrage-écluse – qui a eu lieu dès octobre, face à l’urgence de la situation – a eu un impact immédiat : « Cette année, nous avons eu suffisamment d’eau douce pour cultiver nos terres. Nous n’avons même pas eu besoin de pomper de l’eau comme les autres années ! » Le barrage-écluse permet également de réguler le niveau d’eau en cas d’inondations ou de sécheresses, auxquelles la province est très exposée.  

Un nouveau souffle

Cette installation a procuré un soulagement certain aux 830 000 habitants de la province bénéficiant de ce programme : « Toute ma famille travaille dans l’agriculture. Les impacts de cette installation sont très importants pour nous : en plus de faciliter la production, le barrage améliore nos conditions de vie, tout est plus simple pour la cuisine et les douches par exemple », explique Gia Thoai Tran, un agriculteur de 64 ans.

Gia Thoai Tran

Le barrage-écluse ouvre de nouvelles perspectives pour lui et sa famille. « Grâce à l’augmentation de la disponibilité en eau douce, nous pourrons accroître la superficie de nos rizières, et ainsi augmenter nos revenus. Cela nous permettra ensuite d’investir pour acheter de nouvelles machines pour faciliter la production ! »

Faire barrage à l’eau salée… mais pas au transport fluvial

La spécificité de l’ouvrage de Kim Dai et de ses trois semblables – dont un autre a également été financé par l’AFD - c’est qu’en plus d’empêcher l’intrusion d’eau salée, il intègre une écluse pour permettre le passage des bateaux. 

« En moyenne, il y a une dizaine de bateaux qui transitent par jour, transportant surtout des matériaux de construction comme du sable ou des pierres. En ce moment nous les faisons passer entre minuit et cinq heures du matin, quand la marée est basse. Cela permet de poursuivre le transport fluvial tout en limitant l’intrusion d’eau salée dans le fleuve », précise Anh Thai Tran, vice-directeur de l’entreprise Kim Phat, qui a construit l’ouvrage. 

Ce programme fait partie d’un projet plus large de lutte contre la montée des eaux dans les provinces de Can Tho, Ninh Binh et Ha Tinh, financé via un prêt de 52,35 millions d’euros et une subvention de 1 million d’euros.