L’impact distributionnel des projets de coopération au développement
Il est essentiel d’évaluer comment et dans quelle mesure les projets et programmes financés par les institutions financières de développement contribuent à l’objectif de réduction des inégalités au sein des pays. Une méthodologie (Morabito et al. 2021) propose un ensemble d’outils d’analyse identifiant les impacts distributionnels potentiels des programmes ou projets de développement en analysant si les bénéficiaires de ces programmes appartiennent aux 40 % les plus pauvres de la distribution des revenus par le biais d’une combinaison d’outils d’analyse.
Contexte

La réduction les inégalités de revenus et des inégalités d’autres dimensions du bien-être est au cœur de l’Objectif de développement durable 10 (ODD10). Les agences de coopération multilatérales et bilatérales ont dirigé leurs efforts vers la promotion de la bonne gouvernance, du développement humain et économique, du combat contre la faim et enfin, de la réduction des inégalités.


L’augmentation des financements d’initiatives axées sur la réduction des inégalités s’accompagne d’une nécessité de suivre les progrès accomplis dans le cadre de l’ODD 10, mais surtout d’évaluer la contribution des acteurs du développement à la réalisation de cet objectif. Cependant, mesurer les impacts distributifs des projets de coopération au développement est une tâche difficile en raison d’une myriade de facteurs : les effets des politiques de redistribution nationales, la structure des marchés du travail et d’autres facteurs, tels que les institutions, qui peuvent avoir un impact sur les inégalités. La méthodologie développée par Morabito et al. permet d’analyser l’impact potentiel des projets de développement sur la réduction des inégalités en examinant principalement dans quelle mesure ces projets profitent de manière disproportionnée aux plus vulnérables grâce à une combinaison d’outils analytiques (un tableau de bord (scoreboard), une analyse statistique des projets de développement basée sur l’Equity Tool et une analyse d’incidence fiscale).


Cette méthodologie a d’abord été testée sur trois projets de développement financés par l’AFD au Cameroun, en Colombie et en Tunisie dans le cadre de la première phase de la Facilité de recherche sur les inégalités. 


Ce projet s’inscrivait dans le cadre de la première phase de la Facilité de recherche sur les inégalités, coordonnée par l’AFD et financée par la Direction Générale des Partenariats Internationaux de la Commission européenne sur la période 2017-2020. La première phase de la Facilité a permis la conduite de 22 projets de recherche et la publication d’une centaine de papiers de recherche et de policy briefs.


Une seconde phase du projet de recherche a été lancée en 2022 dans le but d’étendre la phase initiale, de tester une nouvelle fois la validité de la méthodologie en ce qui concerne le revenu et d’autres formes de dimensions du bien-être et afin d’élaborer les lignes directrices pour la création d’un « marqueur inégalité ».

Objectifs

La phase initiale du projet visait à piloter l’application de la méthodologie développée par les chercheurs sur trois projets financés par l’AFD : 

  • Un programme d’appui à l’amélioration de l’habitat urbain en Tunisie,
  • Un programme axé sur le renforcement des capacités des petites et moyennes entreprises au Cameroun,
  • Une opération d’appui budgétaire visant à soutenir une réforme du secteur de la santé en Colombie. 

L’objectif était de tester la méthodologie afin de déterminer la pertinence des informations qu’elle fournit et, sur la base de ces résultats, de revoir et d’ajuster la méthodologie elle-même.

La seconde phase du projet visait à :

  • Élaborer les lignes directrices pour la création d’un « marqueur inégalité » pour la coopération au développement ;
  • Tester une version améliorée de la méthodologie sur quatre programmes de développement de l’AFD et de l’UE:
    • Un programme promouvant un accès durable à l’électricité pour les populations rurales pauvres non desservies au Bénin;
    • Un programme visant à améliorer la santé et les conditions de vie des habitants du district rural d’Isingiro (Ouganda) et de ses camps de réfugiés;
    • Un programme facilitant le commerce entre l’Éthiopie et Djibouti et permettant aux entreprises et aux producteurs, ainsi qu’aux populations les plus vulnérables, de bénéficier de ces améliorations;
    • Un programme contribuant à l’adaptation des communautés au changement climatique au Vietnam. 
Méthode

L’étude initiale a permis de déterminer si les bénéficiaires des programmes des trois interventions sélectionnées appartenaient aux 40 % les plus pauvres de la distribution des revenus, grâce à un ensemble d’outils d’analyse :

  • Premièrement, un tableau de bord (scoreboard) qui évalue si la réduction des inégalités est un objectif central des programmes de développement; 
  • Deuxièmement, l’Equity Tool, qui permet d’évaluer la position des bénéficiaires directs au sein de la distribution nationale (urbaine ou rurale) des revenus;
  • Troisièmement, le Commitment for Equity Tool, qui permet d’estimer l’impact distributif de l’appui budgétaire général ou sectoriel.

Les étapes méthodologiques de la seconde phase du projet de recherche étaient les suivantes :

  • Affiner et améliorer les marqueurs d’inégalité et le tableau de bord pour fournir des repères et des indicateurs clairs, alignés sur les approches d’évaluation utilisées par la Commission européenne, afin d’évaluer si les interventions de développement se concentrent sur les 40% des individus ou des ménages les plus pauvres, ou sur les groupes vulnérables ciblés par des politiques de développement spécifiques.
  • Élargir la portée du questionnaire Equity Tool pour inclure des questions qui englobent la répartition des bénéficiaires des projets parmi les groupes vulnérables (femmes, minorités ethniques, religieuses, etc.).
  • Appliquer la méthodologie révisée aux quatre études de cas.
Résultats

Résultats de la première phase du projet :

Dans l’ensemble, les résultats soulignent l’importance de mettre en place un ciblage en faveur des plus pauvres lors de la conception des projets de développement qui visent explicitement (ou implicitement) la réduction des inégalités dans les pays partenaires. Le principal atout de la méthodologie est qu’elle permet d’évaluer la portée potentielle des interventions pour les 40 % les plus pauvres de la distribution des revenus. Les informations fournies à travers cette méthodologie s’avèrent essentielles pour affiner les politiques publiques avant leur mise en œuvre afin de maximiser leur impact redistributif.

Vous trouverez le papier de recherche lié à ce projet ci-dessous (en anglais) :
The distributional impacts of development cooperation projects


Résultats de la deuxième phase du projet :

La deuxième phase de ce projet a permis :

  • L’élaboration de lignes directrices pour la mise en œuvre de la méthodologie, qui ont été utilisées pour développer le marqueur inégalité de la Commission européenne (Inequality Marker). Le I-Marker évalue si, et dans quelle mesure, la réduction des inégalités est un objectif d’intervention de développement. À cette fin, un ensemble de critères a été élaboré pour déterminer si : - I-0 : La réduction des inégalités n’est pas ciblée; - I-1 : La réduction des inégalités est un objectif significatif; - I-2 : La réduction des inégalités est l’objectif principal. Le I-Marker se concentre sur les personnes, les ménages ou les groupes les moins favorisés (les plus pauvres) ou les plus défavorisés sur le plan socioéconomique. Pour en savoir plus, regardez la vidéo sur le Inequality Marker.
  • L’élaboration d’un rapport sur le testing de la méthodologie sur les quatre études de cas (disponible prochainement).
Enseignements

Ce projet a souligné l’importance d’identifier les bénéficiaires directs et indirects des projets, mais aussi, plus largement, d’obtenir une compréhension complète des interventions de développement, qui sont ici analysées sous l’angle de leurs objectifs et de leurs conditionnalités. 

Tout aussi importante est la participation des partie-prenantes dans la communication de leurs objectifs, de la portée et des limites des études. Dans certains cas, l’inclusion d’une composante qualitative au travers d’interviews, de consultations ou éventuellement de missions de terrain, peut être nécessaire pour assurer la réussite de la mise en œuvre et l’achèvement des études.
 

06/06/2020
Date de début du projet
30/04/2023
Date de fin du projet
Cameroun, Tunisie, Colombie, Bénin, Ouganda, Ethiopie, Djibouti, Vietnam
Localisation
264 000
EUR
Montant du financement

Le contenu de cette fiche projet relève de la seule responsabilité de l’AFD et ne reflète pas nécessairement les opinions de l’Union européenne.