ESTEEM Cambodge est bien plus qu'un simple exercice de modélisation : il s'agit d'un outil macroéconomique dynamique conçu pour permettre aux décideurs publics cambodgiens de prendre, en temps réel, des décisions pour planifier une transition verte juste et durable. En reliant les dimensions énergétique, fiscale et sociale, le projet renforcera la capacité du gouvernement cambodgien à identifier et à gérer les risques économiques et structurels liés à la transition vers une économie bas carbone.
Contexte
Depuis le rétablissement de la paix au début des années 1990, le Cambodge a connu une croissance économique rapide, portée par les secteurs du textile, du tourisme et de la construction. Le pays devrait sortir de la catégorie des pays les moins avancés d'ici 2030. Ce passage de l'agriculture à l'industrie manufacturière n'a pas entraîné une augmentation du nombre d'emplois, mais plutôt une diversification des emplois, qui sont de plus en plus formels et urbains, contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté, tout en renforçant la dépendance du Cambodge à l'égard des combustibles fossiles et de l'électricité importée.
Afin de soutenir la croissance tout en poursuivant ses ambitions climatiques, le gouvernement royal du Cambodge a défini des stratégies claires pour une transition vers une économie à faible intensité de carbone. Cette transformation s'accompagne toutefois de nouveaux défis macroéconomiques et budgétaires, dans un contexte de demande énergétique croissante, de vulnérabilité du commerce extérieur et de pressions sur les finances publiques. Comprendre ces défis et leurs interactions est essentiel pour concevoir une stratégie de transition énergétique à la fois réaliste et financièrement viable.
Objectifs
Le projet ESTEEM Cambodge appuie le gouvernement cambodgien dans l'élaboration d'une stratégie réaliste et financièrement viable pour la transition énergétique du pays. Grâce à des activités de modélisation macroéconomique, il vise à :
- Identifier les risques macroéconomiques qui pourraient survenir lors de la transition vers une énergie plus propre, notamment en matière de dette publique, d'emploi, d'inégalités de revenus et de stabilité monétaire
- Explorer comment différents scénarios énergétiques interagissent avec l'économie dans son ensemble.
Pour y parvenir, des équipes de recherche basées à Paris et à Phnom Penh conçoivent un modèle macroéconomique adapté à l'économie cambodgienne. Elles travaillent en étroite collaboration avec les principaux ministères afin de s'assurer que ce modèle devienne un outil efficace pour la planification stratégique. Cela permettra aux décideurs publics, en particulier le ministère de l'Économie et des Finances, de prendre des décisions étayées par des données et d'élaborer une stratégie à long terme en faveur de la neutralité carbone.
QU’EST-CE QU'ESTEEM ?
Le modèle ESTEEM Cambodge est une adaptation du modèle ESTEEM développé par l'AFD. Ce modèle permet d'identifier les risques de transition auxquels sont confrontées les économies en développement, permettant ainsi aux décideurs politiques d'anticiper ces risques et de concevoir une trajectoire de transition adaptée au contexte spécifique de chaque pays.
Méthode
Le projet ESTEEM Cambodge est la deuxième phase d'une collaboration entre le gouvernement royal du Cambodge et l'AFD. Il s'appuie sur les résultats d'une première phase, qui a permis de créer un modèle facile d'utilisation appelé CEPIA, conçu pour le secteur de l'énergie cambodgien. Développé avec iED Consult pour le ministère des Mines et de l'Énergie, CEPIA a produit quatre scénarios énergétiques basés sur les plans de développement et d'action climatique du gouvernement.
Dans la phase 2, CEPIA sera connecté au modèle ESTEEM afin d'étudier les impacts macroéconomiques des quatre scénarios énergétiques, tout en les reliant à des objectifs socio-économiques plus larges (croissance du PIB, investissements, création d'emplois, etc.).
Le projet est mené conjointement par des chercheurs de l'AFD, l'université Grenoble Alpes et iED Consult, en étroite collaboration avec le ministère de l'Économie et des Finances. Des membres de plusieurs ministères cambodgiens participent activement au développement du modèle, ainsi qu'à des ateliers et des activités de formation, contribuant ainsi à renforcer l'expertise locale en matière de modélisation macroéconomique.
Résultats attendus
Le projet aboutira à :
- Un modèle macroéconomique ESTEEM adapté au contexte cambodgien, intégrant les scénarios énergétiques du modèle CEPIA développés lors de la phase I ;
- Un ensemble de simulations analysant les implications macroéconomiques des quatre scénarios de transition énergétique du Cambodge ;
- Un outil interactif pouvant être utilisé par les responsables gouvernementaux pour simuler différents scénarios et politiques, notamment en matière de transition énergétique.
Contact
- Guilherme MAGACHO, AFD
- Isabelle FERAUDO, Université Grenoble Alpes
- Gaëlle LE TREUT, AFD
- Seav Er HUY, AFD Phnom Penh
- Somalyneth SARBOEUN, AFD Phnom Penh
Vous souhaitez suivre l'actualité de la recherche à l'AFD ?
A lire aussi
Des élèves dans une salle de classe. L’AFD finance deux revues systématiques de la littérature qui visent à évaluer les effets concrets de l’éducation au changement climatique (ECC) sur les transitions écologiques. En examinant leurs impacts sur les connaissances, attitudes et comportements des enfants, des jeunes adultes et de leurs entourages, ces études permettent de formuler des recommandations à l’attention des chercheurs et des décideurs dans le domaine de l’éducation.
Contexte
L'éducation au changement climatique (ECC) englobe les activités scolaires et extrascolaires visant à enseigner des compétences et des connaissances sur l'atténuation (comme les modes de vie durables) et l'adaptation (comme la réduction des risques de catastrophe) au changement climatique ; promouvoir des espaces d'apprentissage sûrs et durables ; impliquer activement les communautés en tant qu'agents du changement ; et renforcer la collaboration entre les décideurs et les chercheurs en matière d'éducation et de climat. Elle peut prendre différentes formes (activités en laboratoire, projets scolaires…).
Malgré le nombre croissant d’études scientifiques sur l’ECC, les effets concrets de ces interventions éducatives restent incertains. C’est pourquoi, à la suite d’un appel à propositions de recherche, l’AFD a retenu deux projets de revues systématiques de la littérature existante et de ses principales lacunes :
- Le premier projet porte sur les effets de l’éducation au changement climatique sur les connaissances, attitudes et comportements des enfants et de leurs entourages ; il est réalisé par une équipe de chercheurs des départements de psychologie et de sciences naturelles de l’Université de Rosario en Colombie.
- Le second porte sur les effets de l’éducation au changement climatique sur les comportements et les normes ; il est conduit par une équipe de chercheurs du Groupe d’analyse et de théorie économique (GATE-CNRS) et du département d’économie expérimentale de l’Université de Rosario en Colombie.
Objectif
L’étude menée par l’Université de Rosario analyse les impacts de l’éducation au changement climatique selon le type d’intervention (activités d’enseignement « classiques », immersives, innovantes…) et les stratégies mobilisées (fondées sur les connaissances, les habitudes, les émotions…). Elle se propose d’évaluer les effets de ces différentes interventions sur les connaissances, les attitudes et les comportements des enfants en âge préscolaire et scolaire et leurs entourages, avec un focus sur leurs caractéristiques sociodémographiques.
L’étude pilotée par le GATE-CNRS examine l'impact de l'éducation au changement climatique sur les comportements et les normes sociales des enfants et des jeunes adultes qui régissent les comportements et les attentes au sein de la société, à travers le prisme des sciences comportementales. Elle se propose d’identifier les activités et les contenus éducatifs qui favorisent les changements en termes de normes, ainsi que les éventuels biais cognitifs et barrières culturelles et normatives. Cette revue systématique sera complétée par une expérience empirique.
Méthode
Les deux projets de recherche se fondent sur des revues systématiques, à savoir des synthèses rigoureuses et reproductibles des résultats de toutes les études originales existantes répondant à une même question de recherche, qui permet d'identifier, de sélectionner, d'évaluer et résumer des études primaires, des données et des résultats de recherche sur cette question.
L’étude de l’Université de Rosario adopte la méthodologie PIO (Population, Intervention, Résultats) qui permet d’aider à la formulation de la question de recherche et à la réalisation de la recherche bibliographique. Une analyse comparative est ensuite conduite pour évaluer les effets de l'éducation sur différentes populations (par exemple, les élèves les plus jeunes par rapport aux plus âgés, etc.).
L’étude menée par GATE-CNRS utilise l’approche PICO (Population, Intervention, Comparaison, Résultat), dans laquelle une analyse comparative permet d’évaluer les types d’interventions les plus populaires, efficaces ou fiables d’un point de vue méthodologique, sur les comportements et les normes sociales, avec un focus sur les contextes d’intervention. Dans un second temps, une étude expérimentale conduite en France et en Colombie se propose de combler certaines lacunes observées dans la littérature en testant deux hypothèses :
- les activités éducatives immersives seraient plus efficaces que les activités traditionnelles pour induire des comportements pro-environnementaux et des changements normatifs
- le niveau d’adhésion aux normes et d’engagement civique dans les deux pays peut se traduire par une différente propension à s’engager.
Résultats
Chacun des deux projets de recherche a donné lieu à une publication "Dialogue de politiques publiques", présentée à la COP28, ainsi qu’à un papier de recherche publié dans les collections des Editions Agence française de développement. Le projet de l’équipe GATE-CNRS donnera lieu aussi à un second papier de recherche présentant les résultats de l’expérience de terrain.
Télécharger les publications
- Climate change education from the perspective of social norms: A systematic review (Papiers de recherche AFD, novembre 2023, en anglais) et le "Dialogue de politiques publiques" associé
- Worldwide effects of climate change education on the cognition, attitudes, and behaviors of schoolchildren and their entourage (Papiers de recherche AFD, novembre 2023, en anglais) et le "Dialogue de politiques publiques" associé.
Un webinaire de la série "Conversations de recherche", organisé en avril 2025 pour présenter les derniers résultats, est disponible en replay :
Enseignements
Les deux revues systématiques de littérature mettent en évidence des lacunes des recherches en matière d’éducation au changement climatique, mais aussi certains résultats prometteurs pour ce domaine d’intervention :
- L’étude menée par l’Université de Rosario souligne notamment l'omission du prisme de l'égalité femmes-hommes, les difficultés à analyser l'efficacité des interventions à long terme, et le fait que les recherches portent davantage sur les effets de l’ECC sur les connaissances que sur les comportements. L’étude met aussi en évidence aussi que les interventions les plus pertinentes sont celles qui mobilisent des pédagogies innovantes, fondées sur des informations faisant appel aux expériences personnelles, et qui suscitent des émotions positives, tandis que celles fondées sur des émotions négatives peuvent avoir des effets contre-productifs.
- L’étude pilotée par le GATE-CNRS constate que les types d’intervention sont très variés. Les projets fondés sur des activités concrètes, ceux qui combinent plusieurs types d’interventions et ceux qui impliquent plusieurs parties prenantes (enseignants, élèves…) donnent lieu à des résultats plus probants. L’étude met aussi en évidence le très faible nombre de travaux qui portent sur les normes sociales, le fait que ces recherches sont menées principalement dans des pays à revenu élevé et en milieu urbain, et se focalisent sur les comportements liés au recyclage et aux déchets, facilement observables, négligeant des comportements avec un plus fort impact sur le climat (transports, etc.).
Les résultats de l’étude expérimentale sont prévus pour fin 2025.
Contacts
- Dr. Cecilia Poggi, chargée de recherche à l’AFD
- Dr. Linda Zanfini, chargée de recherche à l’AFD
- Dr. Benjamin Quesada, professeur associé, directeur du Earth System Science, Research Group Leader "Interactions Climate-Ecosystems" (ICE), Université de Rosario (Colombie)
- Dr. Fabio Galeotti, chargé de recherche au CNRS, responsable du Groupe d’analyse et de théorie économique Lyon St-Etienne (France)