Les Fonds fiduciaires de conservation de la biodiversité, c’est à la fois simple et indispensable : ces institutions financières indépendantes des États ont pour objectif d’assurer un financement pérenne en faveur de la biodiversité.
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Ils collectent des ressources auprès des bailleurs internationaux, des États ou des acteurs du secteur privé, qui leur permettent de générer, via des investissements diversifiés, un rendement financier reversé sous forme de subventions à des aires protégées ou à des ONG qui agissent en faveur de la conservation de la biodiversité. Ces outils viennent ainsi compléter les appuis déjà apportés par les États et les ressources tirées du tourisme.
Partenaires de ces fonds depuis près de vingt ans, l’AFD et le FFEM accompagnent, de manière complémentaire, les efforts d’innovation et le développement d’outils et de bonnes pratiques en faveur de la préservation de la biodiversité.
Les huit fonds évalués, implantés en Afrique, en Méditerranée et en Amérique centrale, ont ainsi bénéficié, parmi d’autres sources de financement, de près de 70 millions d’euros de contributions de l’AFD et du FFEM avec un axe fort en Afrique et dans l’océan Indien.
Les financements alloués concernent, en partenariat avec d’autres bailleurs – notamment la KfW –, la création de nouveaux fonds, mais aussi l’accompagnement de leur déploiement ultérieur. Sur la période 2005-2019, ces fonds ont pu verser près de 58 millions d’euros de dons aux acteurs de la conservation, aires protégées et ONG.
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L’originalité de cette évaluation réside dans une analyse à deux niveaux : d’une part, une approche comparative du mode de fonctionnement des huit Fonds fiduciaires de conservation (FFC) et, d’autre part, une évaluation des modalités d’appuis par les deux bailleurs (AFD et FFEM). Par son objet et son ampleur géographique, prenant du recul sur quatorze années de déploiement, la portée de l’étude dépasse le seul cadre de l’intervention française.
Des normes de pratiques respectées
La gouvernance des FFC (fonctionnement interne, représentativité des parties, procédures, guides opérationnels) a été évaluée au regard des « normes de pratiques » élaborées par la Conservation Finance Alliance (CFA) qui anime la communauté des fonds et promeut le développement de leurs expertises.
L’évaluation indique que ces normes sont globalement respectées, en particulier par les fonds qui existent depuis longtemps, et souligne un effet d’apprentissage dans la communauté, où les plus récents bénéficient des enseignements et de l’expérience des plus anciens.
Objectifs de rendement atteints
Les politiques d’investissement encadrent la structuration du portefeuille financier des fonds et définissent les objectifs de rendement, résultant d’un arbitrage rendement-risque.
Un enseignement important de l’évaluation est que ces politiques ont été respectées et appliquées de manière performante et ce même au moment des crises financières de 2008 et 2020. Les fonds ont majoritairement atteint leurs objectifs de rendement financier tout en limitant la prise de risque.
Remédier aux déficits de financement
L’évaluation montre que les FFC, grâce à leur stabilité et au flux de ressources pérennes qu’ils permettent de générer, contribuent à offrir des moyens additionnels significatifs pour la conservation de la biodiversité terrestre, marine et côtière. Ils viennent en complément des financements publics et privés, de l’aide-projet des bailleurs et des recettes touristiques, de façon décorrélée des conjonctures locales.
Ainsi en 2020-2021 ces Fonds fiduciaires ont été en mesure de continuer à allouer des subventions pendant la crise sanitaire mondiale, alors que de nombreux financements nationaux en faveur de la biodiversité étaient annulés. Les gestionnaires des aires protégées reconnaissent que les Fonds fiduciaires de conservation constituent une source de financement précieuse à leur fonctionnement.
Un rôle de catalyseur avéré
La communauté internationale s’est engagée à augmenter partout les superficies à conserver et le nombre des aires protégées marines et terrestres et, dans ces contextes, à mieux prendre en compte les besoins des populations vivant à proximité et les enjeux climatiques. Il en résulte un fort accroissement des financements nécessaires et des zones à couvrir.
Pour les fonds fiduciaires, cela se traduit par de nouvelles activités, par des enjeux de croissance et de diversification des sources de financement, ainsi que par des exigences accrues en termes de suivi des activités. L’évaluation a souligné la capacité de certains fonds à mobiliser de nouvelles ressources de manière dynamique et relève un rôle actif de catalyseur pour le développement et la mobilisation d’outils de financement innovants (tels que les paiements pour services environnementaux, la compensation écologique, etc.).
Éthique et impact : deux défis qui restent à relever
Les travaux évaluatifs relèvent néanmoins des limites dans le suivi des normes éthiques appliquées aux investissements compte tenu notamment de leur nature composite. Ils mettent ainsi en évidence l’enjeu d’un renforcement des ambitions éthiques, de leur formulation et de leur mise en œuvre effective. Des réflexions sont en cours pour un meilleur encadrement avec un recours croissant à des investissements dits socialement responsables, respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
L’analyse avait également vocation à juger de l’impact sur le terrain des financements alloués par ces fonds et plus précisément de leur contribution effective à la conservation de la biodiversité. Si des efforts se poursuivent pour une meilleure prise en compte des risques environnementaux et sociaux et du genre dans la définition et le suivi des activités, il ressort que les impacts ne sont pas aisément mesurables et attribuables aux appuis des FFC, même lorsque certains ont su développer des outils de suivi harmonisés.
L’enjeu sur le suivi des impacts reste donc majeur. L'évaluation recommande aux FFC d’encourager les aires protégées bénéficiaires à développer elles-mêmes des outils plus adaptés, pour mesurer la performance de leur gestion et mieux caractériser les résultats sur la conservation au niveau des habitats et des espèces, tout en prenant davantage en considération les aspects sociaux.
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L’utilité et la résilience des Fonds fiduciaires de conservation ont été confirmées par l’évaluation. Les défis identifiés en termes de durabilité et de transparence des investissements doivent être pris en compte pour que ces fonds franchissent une nouvelle étape dans leur essor. Ce passage à l’échelle nécessitera de diversifier les sources et les mécanismes de financement.
« Les Fonds fiduciaires de conservation ont prouvé leur efficacité en tant que mécanismes de financement pérenne pour la conservation. Pourtant, les challenges auxquels fait face la biodiversité demandent un changement d’échelle ambitieux, confirme Thierry Renaud, directeur Impact et Durabilité de la fondation Mava. Les recommandations de l’évaluation ont une portée globale et permettront à tous les acteurs d’accompagner cette transition. À ce titre, la collaboration entre la fondation MAVA, l’AFD et le FFEM, notamment en soutien à l’innovation et au renforcement organisationnel, est exemplaire. »