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Nouvelles technologies
Pour combler le fossé technologique entre les pays et faire en sorte qu'ils soient tous « prêts pour l’intelligence artificielle (IA) », des investissements substantiels sont nécessaires. C’est pour guider les investisseurs, publics comme privés, que l’AFD a développé un indice mesurant le potentiel d’investissement dans l’IA : l’« AI Investment Potential Index » (AIIPI).

En 2025, il ne restera plus que cinq ans pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). Or, selon les Nations unies, seuls 17 % des ODD sont sur la bonne voie, et un peu plus d’un tiers est en stagnation – voire en régression – par rapport au niveau de 2015. Les raisons sont multiples : changement climatique, tensions géopolitiques, crises sanitaires… Mais un autre paramètre entre en jeu : le manque de données. De nombreux pays du Sud se heurtent à des difficultés, telles que le manque de fiabilité ou d’accès aux données, ou encore l'insuffisance des infrastructures numériques. Les données sont pourtant clés pour atteindre les ODD : elles permettent de prendre de meilleures décisions en matière de politiques publiques ou d’investissement privé, de mieux identifier et lutter contre les inégalités, de réagir plus vite en cas de crise…


Lire aussi : L’intelligence artificielle se met au service des Objectifs de développement durable


Le « potentiel IA » des pays révélé par l’AIIPI

En tant que technologie fondée sur l’exploitation massive des données existantes, l’intelligence artificielle (IA) fait naître des espoirs. Elle pourrait ainsi contribuer à atteindre certains ODD, par exemple en matière de gestion de l’énergie ou d’éducation. Cependant, les avantages potentiels de l’IA ne sont pas répartis uniformément sur le globe : dans certains pays, l'accès à la technologie, aux financements ou encore à la main-d'œuvre qualifiée reste limité. « Pour combler le fossé technologique entre les pays et préparer un pays à être véritablement "prêt pour l'IA", des investissements substantiels sont indispensables. Ceux-ci incluent l'accès universel à l'électricité, le développement d'infrastructures Cloud, la mise en place de programmes de formation pour cultiver les talents essentiels, ainsi que le renforcement des infrastructures numériques », souligne Peter Addo, expert en intelligence artificielle et responsable de l’Emerging Tech Lab de l’AFD.


Télécharger le jeu de données de l’AIIPI sur data.gouv.fr


C’est pour guider ces investissements que l’AFD a développé un indice mesurant le potentiel d’investissement dans l’IA pour chaque pays : l'AI Investment Potential Index (AIIPI). Cet indice classe les pays en quatre groupes, qui correspondent à différents stades de « potentiel d’investissement ». Peter Addo explique : « Côté méthodologie, nous avons analysé l’état des infrastructures numériques, le développement technologique, l’ouverture à l’IA, la stabilité politique et l’attractivité économique, en nous appuyant sur des indicateurs clés tels que l’accès à l’électricité, les indices de connectivité, le PIB par habitant, l’efficacité gouvernementale, l’indice de capital humain, ainsi que la présence d’une stratégie nationale d’IA et les mesures de protection des données. » Le jeu de données de l’AIIPI a été mis en ligne sous licence Creative Commons sur la Plateforme ouverte des données publiques françaises.


Les résultats de l’Indice du potentiel d’investissement dans l’IA (AIIPI) :

Carte : Les résultats de l’Indice du potentiel d’investissement dans l’IA (AIIPI)

 

À chaque groupe correspondent des besoins différents : alors que les économies avancées doivent se concentrer sur l'innovation en matière d'IA et les cadres réglementaires, les économies émergentes et en développement doivent donner la priorité aux infrastructures et au développement des compétences. « Les résultats pour l’Afrique soulignent le besoin d’investir pour renforcer l’attractivité du continent en matière d’IA, précise Peter Addo. Mais l’approche doit être sur mesure de façon à prendre en compte les différences de besoins entre pays : on constate par exemple que le Maroc, l’Égypte, le Sénégal ou le Kenya sont déjà au stade 3. »

« Il s’agit d’un nouvel outil pour guider les décisions d’investissement, public comme privé, de façon à répondre aux besoins des pays en matière d’IA et ainsi promouvoir une croissance inclusive et durable », ajoute-t-il. L’AIPII a été présenté le 20 novembre 2024 par le chef économiste de l’AFD, Thomas Melonio, au 12e Forum statistique du Fonds monétaire international, consacré aux implications de l’IA pour l’économie.


Lire le papier de recherche : AI Investment Potential Index: Mapping Global Opportunities for Sustainable Development


Vers une utilisation éthique des données

Mais le développement rapide de l’IA peut aussi être porteur de risques : mal exploitée, elle peut exacerber les inégalités ou poser question du point de vue de la transparence et du respect des droits humains. « La datafication a transformé de nombreux aspects de nos vies en données. Or, nous ne sommes pas toujours bien informés des types de données collectées ou de leur utilisation ultérieure », explique Anastesia Taïeb, chargée d’innovation et assistante de recherche à l’AFD. Cela génère non seulement de la méfiance individuelle mais aussi, plus largement, des asymétries entre acteurs en matière d’accès et d’utilisation des données.


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C’est là que la réutilisation éthique des données entre en jeu. Un rapport co-écrit avec The Data Tank propose un outil : la « licence sociale ». Inspiré des « licences sociales à opérer » utilisées dans le secteur minier, ce mécanisme exige que les entreprises associent les populations affectées par le projet. « En rétablissant l’équilibre entre acteurs, ce type de licence permet de protéger les personnes et, plus largement, les communautés qui donnent ces données, en les associant au processus de collecte des données et à leur exploitation », explique Peter Addo.

Ces données peuvent ensuite être exploitées par les communautés elles-mêmes pour répondre à leurs besoins. Au Sénégal par exemple, la réutilisation éthique des données a permis de mettre en œuvre un système d’alerte climatique impliquant des données de recensement. Cet exemple parmi d’autres montre que la réutilisation de données dites « non-traditionnelles » (autrement dit, non collectées par les instituts de statistiques : images satellites, street maps, etc.) et l’adoption de licences sociales peuvent améliorer la gouvernance environnementale, responsabiliser les communautés et accélérer l’action sur le changement climatique et les ODD.


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