Les guerres de Yougoslavie, entre 1991 et 2001, ont alimenté des tensions et des discriminations entre différentes minorités présentes sur les territoires. Ces conflits latents persistent encore aujourd'hui au sein des populations et peuvent favoriser le développement de courants extrémistes. L’AFD, soucieuse de promouvoir la réconciliation et le lien social dans les Balkans occidentaux, mise sur le jeu sportif comme levier d’éducation et de sensibilisation.
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De cette volonté sont nés un engagement et un projet déployé au Kosovo, au Monténégro et en Macédoine du Nord : Sport 4 Resilience (S4R). Financé par le dispositif Initiatives OSC (Organisations de la société civile) de l’AFD et porté par Play International, ce projet s’attache à renforcer la résilience et les compétences psychosociales des enfants et du corps enseignant via des méthodes pédagogiques actives, innovantes et inclusives. Présente au Kosovo depuis 1999, Play International s’associe dans le cadre de S4R à deux OSC, Regional Sport Initiative - Playing Together (Regspo) et Together Advancing Common Trust (Takt).
« Avec le projet Sport 4 Resilience, on s’attaque à la discrimination ethnique ou basée sur le genre, explique Elira (en photo ci-dessus), coordinatrice pédagogique chez Play International. On s’adresse ici à des enfants. Il nous faut donc trouver des biais efficaces pour aborder des sujets sérieux qui les touchent dans leur quotidien. Le jeu sportif est l'un des meilleurs vecteurs de réconciliation. Grâce à des activités ciblées, on peut transmettre des messages forts, qui ont du sens. »
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Via ce projet, PLAY International et ses partenaires forment et suivent en trois ans plus de 200 enseignants (dont 70 % de femmes), 12 professeurs d’université et 350 enseignants étudiants, pour leur donner les outils nécessaires au déploiement de séances de jeu sportif porteuses de messages.
« L’activité que nous avons organisée aujourd’hui s’appelle "Tri des couleurs", précise Arta (en photo ci-dessus), professeure d’école primaire à Pristina, capitale du Kosovo. Les élèves sont divisés en quatre groupes aux dossards de couleurs différentes. Leur objectif est, dans un temps limité, de récupérer le plus de cônes possible d’une autre couleur que la leur. La deuxième étape de l’activité consiste à relancer le jeu tout en bandant les yeux ou en attachant les jambes d’un des joueurs afin de réduire temporairement sa motricité. Lors de cette manche, les enfants sont invités à ne pas intervenir et laisser leurs camarades "handicapés" récupérer les cônes sans assistance. Puis, lors d’une troisième manche, nous les autorisons à aider leurs camarades mis en difficulté. En binômes, ils s'entraident pour arriver à leurs fins. De fait, ils réalisent qu'ils sont plus performants en tant que groupe, en aidant leurs camarades "handicapés". »
À travers l’organisation de ces activités, les professeurs formés abordent tour à tour les thématiques du handicap, du genre, du respect, de l’entraide. Les enfants de plusieurs minorités sont amenés à mieux se connaître et collaborer. Les élèves sont incités à se concentrer sur la réussite individuelle et collective, ce qui leur permet d’être eux-mêmes et de comprendre leur importance pour la société. Ils sont libres d’exprimer leurs problèmes, de déconstruire ensemble les stéréotypes et les préjugés.
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À l’issue de chaque séance, les enfants sont invités à former un cercle de discussion. Ils sont encouragés à débattre ensemble de l’activité à laquelle ils ont pris part et à prendre du recul sur les enjeux qu’elle a soulevés.
« La réaction des enfants à cette méthode pédagogique est toujours très positive, poursuit Arta. Aujourd’hui, par exemple, ils se sont exprimés sur l’entraide. Tous ont affirmé qu’il était important de soutenir les plus vulnérables, et pas seulement dans le cadre du jeu. Je crois qu’ils en sont bien conscients. Nous pensons qu’il est important de les aider à verbaliser ces sujets et d’en discuter ensemble. Les enfants sont très sensibles, pleins d’amour et de compréhension. Ils savent déconstruire les stéréotypes. Encore faut-il les encourager à le faire, les accompagner dans cette démarche. »
« On a gagné !, exulte Oketa, 6 ans (en photo ci-dessus). Et on a gagné ensemble, avec toute mon équipe. C’est beaucoup plus facile quand on aide les autres. On a appris qu’il fallait traiter de la même manière ceux qui ont des difficultés, mais aussi les aider quand ils en ont besoin. »
« Le message du jeu d’aujourd’hui, c’est qu’il est impossible de gagner, si on a des difficultés, sans l’aide d’un ami, résume Diara, 7 ans. Je veux dire qu'on ne peut pas gagner ensemble si on ignore les autres. J’aime bien quand on discute à la fin du jeu. C’est intéressant et les professeurs nous aident à parler des problèmes qu’on voit dans la vraie vie, en dehors du jeu. »
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Au total, d'ici mars 2026, environ 21 000 enfants âgés de 8 à 12 ans (dont 50 % de filles) prendront part aux activités développées par PLAY International et ses partenaires dans les trois pays d'intervention. En parallèle, des professeurs d’université sont également formés pour faire émerger ces débats au sein de la jeunesse étudiante du Kosovo, du Monténégro et de la Macédoine du Nord.
L’AFD, en appuyant ce projet, réaffirme son engagement pour les valeurs universelles du sport, vectrices de cohésion sociale, d’estime de soi et de vivre-ensemble.
Photos : © Ferdi Limani