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Maroc : aider les femmes victimes de violences à retrouver leur dignité
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Depuis plus de vingt ans, l'Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) œuvre à Casablanca pour la dignité des femmes et des enfants. L’association accueille, accompagne et forme des femmes victimes de violences ou de précarité, leur offrant les moyens de reconstruire leur vie.
« Vivre dans une société qui garantit à chaque femme et à chaque enfant le respect de ses droits, c’est un rêve que fait l'Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) depuis plus de vingt ans. » C’est ainsi que Meriem Othmani, présidente de l’Insaf, au Maroc, définit la mission de l’association.
Histoires de vies… combats de femmes
Fondée en 1999 à Casablanca, l’Insaf dispose de trois centres d’accueil. C’est rue Hay Adil, son siège, que nous rencontrons Hasnae Ait Esadik, cheffe de projet depuis 2017.
Après une expérience au Samu social elle rejoint l’association d’abord comme assistante sociale chargée de l’écoute et de l’orientation, avant de prendre en charge un foyer d’hébergement, puis la formation et l’accompagnement à l’emploi des bénéficiaires ainsi que l’insertion professionnelle. « L’Insaf est une université multidisciplinaire où l’on apprend chaque jour », explique-t-elle.
Élevée par sa mère, sa grand-mère et sa sœur, elle a perçu très tôt le manque d'autonomie sociale, administrative et économique des femmes.
Le projet Karama : retrouver sa dignité
Porté par l’association française Batik International, le projet Karama agit pour améliorer l’insertion socio-économique des femmes victimes de violences au Maroc, en Tunisie, en Algérie et en Égypte. Au Maroc, Batik déploie le projet avec ses deux partenaires : la Fédération des ligues des droits des femmes (FLDF) à Rabat et l’Insaf à Casablanca.
Lancé en octobre 2023 à Hay Hassani, Karama offre un accompagnement juridique, administratif et psychologique et un programme d’autonomisation économique et financière. Une urgence dans ce quartier où la violence envers les femmes est particulièrement présente et où vivent de nombreuses mères célibataires.
En lien avec l’Entraide nationale, des services d’accueil de femmes et quelques lits pour des hébergements de longue durée (jusqu’à six mois) sont proposés. Pour faire face à des situations sociales et de détresse psychologique, un suivi psychiatrique est parfois nécessaire et dispensé par des partenaires de la structure.
Des formations sont proposées en coiffure, esthétique, cuisine ou couture, permettant aux bénéficiaires d’acquérir rapidement des compétences professionnelles. « Nous proposons aux femmes des outils pour pouvoir affronter la réalité, se battre et s’en sortir », explique Meriem Othmani.
Certaines ont subi des violences conjugales, d'autres des problématiques de divorce, de reconnaissance de paternité ou d’accès à des documents d’identité (surtout quand ces femmes sont rejetées par leur famille).
L’accès au livret de famille, en théorie possible pour les mères, reste un combat dans la pratique. L’Insaf fournit un appui juridique grâce à son assistante sociale et le recours à des avocats, notamment dans le cas de « maltraitance de travailleuses domestiques, viol, etc. ».
Plaidoyer pour un regard différent
Les femmes sont par ailleurs souvent confrontées aux jugements familiaux et institutionnels. L’Insaf joue donc également un rôle de médiation avec la famille et/ou le partenaire pour lever le poids des préjugés.
L’association subit aussi des critiques et l’acceptation reste difficile dans le quartier. « Pour changer les mentalités, il faut agir sur plusieurs volets car il y a des freins idéologiques et religieux », précise Meriem Othmani. Des freins aggravés par « la misère et par la violence sociale. »
C’est pour agir sur ce volet que l’Insaf a formulé des recommandations dans le cadre du processus de réforme en cours du Code de la famille, la Moudawana. Y sont identifiées des priorités concernant les mères célibataires et les « enfants nés hors mariage », parmi lesquelles :
- La reconnaissance de la tutelle juridique et administrative, pour que ces mères soient reconnues comme cheffe de famille à part entière
- La reconnaissance de paternité par test ADN
- Le droit au remariage sans perdre la garde des enfants
L’engagement de l’Insaf permettra dans un avenir proche l’aboutissement de son combat : que chaque femme et chaque enfant voient leurs droits respectés, sans distinction ni exclusion.
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