Dans le smog et la cacophonie de l’heure de pointe à Bangalore, en Inde, des caméras de surveillance filment un couple en route pour la maternité. Pris dans les bouchons, ils verront leur fils naître dans la voiture et celui-ci a le temps de grandir, d'aller à l'école et même de se marier à son tour bien avant que le trafic ne reprenne.
Cette parodie est peut-être exagérée, mais elle met en avant un problème bien réel : les embouteillages quotidiens. Bangalore est la quatrième ville la plus embouteillée au monde, après Bogotá, Bucarest et Manille. En 2022, les conducteurs y ont perdu en moyenne plus de 100 heures dans les bouchons.
La ville, surnommée la Silicon Valley indienne, devient rapidement victime de son succès. Elle est un grand centre technologique et attire des talents de tout le pays et d’ailleurs. En vingt ans, sa population a doublé pour atteindre 14 millions. Et les limites se font sentir aujourd'hui.
Anjum Parvez, directeur général de la société en charge du métro de Bangalore (Bangalore Metro Rail Corporation), explique : « Cette croissance s’accompagne de difficultés. Les infrastructures de la ville n’arrivent pas à suivre le rythme. Il y a de plus en plus de résidents et de véhicules, ce qui provoque des embouteillages et des temps de trajet plus longs. »
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Avec une telle croissance démographique, les habitants doivent parcourir de plus grandes distances. Ceux qui n’ont pas les moyens ou la patience de circuler en voiture dépendent d’un système de transport public sous pression.
Pour Anand Kannan, un usager qui prend le bus pour se rendre à la station de métro, « C’est fatigant de se déplacer en bus, surtout pour les personnes âgées. Il fait chaud, les bus sont bondés et inconfortables. Le métro devrait être plus étendu, surtout dans les zones très denses. »
Le lancement de Namma Metro (« Notre métro » en kannada, la langue locale) est crucial pour répondre aux difficultés croissantes de la ville dans le domaine des transports. Son objectif ? Offrir une solution plus rapide que la voiture et réduire la pollution.
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Sarvjeet Singh, qui vit à Whitefield, l’un des hauts lieux de la technologie en ville, précise : « Avec le métro, beaucoup d’entre nous peuvent réduire leur long trajet quotidien, qui peut durer entre une et deux heures. Ça change tout ! Cela permet aux gens de vivre plus loin de leur travail sans avoir à s’inquiéter des bouchons. Le métro est climatisé, efficace et permet de parcourir de longues distances rapidement et confortablement. Il rend la vie quotidienne bien plus facile. »
Les métros climatisés sont essentiels pour les usagers plus âgés qui sont particulièrement vulnérables aux vagues de chaleur et aux températures de plus en plus élevées dues au changement climatique.
Le projet a été lancé en 2008 par Bangalore Metro Rail Corporation Limited (BMRCL), le gouvernement indien et l’État du Karnataka. Il a été soutenu par l’AFD dès 2013 grâce à des prêts d’un montant de 310 millions d’euros.
Avec plus de 23 millions de passagers en juillet, le métro pourra transporter encore plus de personnes cette année grâce à l’ouverture de deux nouvelles lignes qui étendent la couverture du système à plus de 70 km dans et autour de Bangalore.
Les responsables ont répondu aux attentes des usagers, en particulier sur les questions de sécurité et de confort. « Pour les femmes, la sécurité est cruciale, nous explique Priyanka, une utilisatrice (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille). Lorsque nous nous déplaçons en bus et que nous arrivons en retard, nos familles s’inquiètent. Mais dans le métro, je me sens en sécurité, surtout avec les voitures réservées aux femmes. Nous pouvons jouir de l’intimité et de la sécurité dont nous avons besoin. »
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Ce projet ambitieux n'est pas uniquement le fruit de la croissance de la ville : la BMRCL, le gouvernement national, le gouvernement étatique et l’AFD ont aussi fait en sorte que la croissance de Bangalore soit moins dépendante du carbone et plus durable. Jusqu’à présent, plus de 150 000 tonnes d’émissions de CO2 ont été évitées tous les ans, un chiffre qui va augmenter avec le développement du métro.
Cette réduction des émissions va permettre d’améliorer la qualité de l’air pour les personnes qui se déplacent chaque jour, mais aussi pour tous ceux qui vivent à Bangalore ou en périphérie. Ainsi, Bangalore donne l’exemple aux autres villes en pleine croissance : elle montre que des améliorations bien pensées des infrastructures peuvent limiter les pressions causées par l’urbanisation et améliorer la qualité de vie des citadins.
Pour Anjum Parvez, directeur général de la BMRCL, « Aujourd’hui, Namma Metro est bien plus qu’un métro pour les habitants de Bangalore. Il est vital. »